Jean-Claude Pirotte : un grand romancier de ce temps

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Par Eric Yung – BSCNEWS.FR / Aujourd’hui, il n’y a pas de meilleure formule que celle-ci pour vous demander, chers amis lecteurs et lectrices de BSCNEWS Magazine, de vous mobiliser et apprécier, en exclusivité, quelques bons livres qui – c’est certain ! – feront l’événement, en septembre, de la rentrée littéraire. Alors, attendez-vous à savoir… que Jean-Claude Pirotte est de retour. Il publie « Place des Savanes » aux éditions du Cherche-Midi, un roman qui sera en librairie dès le 12 août prochain. Et c’est fort et c’est beau et ça a de la gueule et du style. Enfin, c’est du Pirotte ! Roman noir par excellence (mais qui peut déstabiliser un peu le lecteur qui ne connaît pas encore l’imaginaire de l’auteur) « Place des Savanes » nous raconte à la première personne du singulier les aventures d’un jeune garçon qui se nomme Ange Vincent. Mais peut-être n’est-ce pas lui qui nous narre son histoire. Peut-être n’est-ce pas ce gamin qu’il a été, celui qui, dans son lit, attendait le sommeil tandis que « certaines nuits la lune entrait par la lucarne, et que la flamme de la bougie alors se tenait droite » jusqu’à ce que sa grand-mère entre dans sa chambre et lui dise « je mouche la chandelle, mais je te laisse la lune ». Non, peut-être qu’il ne s’appelle pas Ange Vincent. Mais qui est-il alors ? Se nomme-t-il Armen Lubin, le poète qui répond à un vieux flic assis à sa table, dans une brasserie :
– N’ayant plus de maison ni logis,
– Plus de chambre où me mettre,
– Je me suis fabriqué une fenêtre, sans rien autour.

Armen Lubin ? C’est possible sans que ce soit certain. Mais qui est-il donc celui qui fait entendre sa voix tout au long du roman ; cette voix parfois sourde, parfois légère, mais toujours monocorde. C’est un homme qui ignore son identité, qui ne connaît de sa naissance que son lieu. Et encore, il en sait seulement la première lettre : « S ». Quant à l’enfance ? La sienne est pareille à toutes les autres et « explore candidement un enfer de miroirs et de greniers obscurs, où les imageries d’un présent sans mémoire se bousculent ». Alors, le vieux flic a beau l’interroger sur l’assassinat qui vient de se commettre, le héros principal du livre ne parlera pas. Et puis, l’environnement du crime est, faut-il dire, inhabituel puisque le mot étrange qui pourrait qualifier le petit monde dans lequel se meuve les personnages de Jean-Claude Pirotte n’est pas suffisamment fort et renverrait trop, ici, à d’habituelles références du roman noir français. Enfin, constatez par vous-même ! La construction de l’énigme n’est pas en soi le piment de « Place des savanes » et en plus, l’auteur s’arrange pour que nous puissions en trouver la clé, facilement. Elle est en effet toute proche de nous et doit être cherchée chez un vieil homme, le grand-père Del Amo. Un drôle de type qui vit, entouré de deux sœurs prénommées Ma, dans une maison bizarre. Deux femmes qui servent rituellement le thé et le saké au patriarche et à ses invités. Deux geishas qui ne sont que « des objets précieux dans la mesure où l’on évite de leur prêter des pensées ou des sensations conformes à leur aspect et leur morphologie », mais qui sont « la barbarie même sous le vernis de la suavité ».

« Place des savanes » est, sans aucun doute, une œuvre dominée par la force de l’écriture et un univers lyrique. Mais, c’est aussi un livre qui sent le souffre, celui –selon la tradition biblique- aimé par Satan et qui est le symbole du châtiment. La vérité de ce roman est peu commune : tout le monde est coupable et complice. Et puis, sans dévoiler la fin de l’histoire sachez que dans les 142 pages qui constituent le récit il y a du sérieux grabuge : le tueur est un « ex-taulard, un maquereau sans foi ni loi », l’arme du crime, restée introuvable, « a été démontée et ses pièces détachées sont en train d’accélérer la fermentation dans les fûts du beaujolais de la Taverne » et l’assassin lui-même a été flingué. Et dire que tout cela a un sens ! Lequel ? C’est la vraie énigme à découvrir.
Lire « Place des savanes » c’est prendre le risque d’aimer Jean-Claude Pirotte, autrement dit d’aimer l’un des grands romanciers de ce temps.

Retrouvez cet ouvrage sur le site des Editions du Cherche Midi

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