Quartier Lointain: une rencontre sensible de la bd et du plateau

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Par Julie CadilhacPUTSCH.MEDIA/ Crédits-photo: Carole Parodi/ Tous ceux qui connaissent l’oeuvre de Jirô Taniguchi sauront apprécier l’ingéniosité de cette mise en scène fraîche et surprenante qui confére naturellement au plateau des airs de manga. Immédiatement est-on dérouté par cette troupe de comédiens débordante d’énergie qui choisit l’humour décalé, le mime potache et la pluri-distribution d’un même rôle pour décrire la situation familiale du personnage principal, Hiroshi Nakahara. Jeux de points de vue, utilisation d’effets divers pour rappeler le cadre des vignettes ( draps, rideau semi-baissé qui ne laisse entrevoir d’une scène que la partie basse des choses, jeux sur les perspectives), gestuelles raidies, fréquents « arrêts sur image », le public s’amuse à relever les artifices de mise en scène qui nous plongent dans l’univers du 9ème Art et dépeignent l’histoire extraordinaire d’un homme de 48 ans revenu, suite à une cuite mémorable, dans son passé et se retrouvant subitement immergé – en culottes courtes, lunettes rondes et casquette- dans la famille de ses 14 ans, quelques jours avant la disparition funeste de son père. L’intrigue est bâtie sur cette question brûlante: pourquoi ce père a-t-il choisi d’abandonner sa famille? Etait-il un simple monstre d’égoïsme ou un être désoeuvré ? Ce retour en adolescence est l’occasion aussi de revivre la vie avec des sens exacerbés: tomber amoureux d’une jeune fille espiègle, sentir le plaisir de pouvoir courir sans être essouflé, être un élève insouciant en classe, bavarder avec sa vieille grand-mère en fauteuil roulant, profiter du sourire et des bons plats de sa maman. Un rêve où l’adulte peut enfin réparer ses manques d’enfant. Qui n’a jamais regretté de ne pouvoir revenir avec sa conscience d’adulte au temps de l’adolescence pour pouvoir apprécier ces heures gamines où tout est inconséquent? On saluera plusieurs moments émouvants comme la représentation couleur sépia de la rencontre du père et de la mère ou encore le retour à la réalité dans la gare où le fond de scène s’anime de flammes troublantes. Adapter un manga à la scène semble une entreprise complexe. Dorian Rossel y réussit avec beaucoup d’intelligence. La direction d’acteurs mène les six comédiens à un jeu naïf, presque déconnecté de la réalité où chaque phrase s’énonce comme une bulle. Les décors flashy , les costumes, les créations lumière ( sublime!), la présence de deux musiciennes, l’utilisation du chant, conduisent spontanément le spectateur au Japon, pays incarnant cette valeur aujourd’hui désuète: la gentillesse. Dorian Rossel et sa compagnie nous invitent dans un univers bienveillant où tout est centré sur l’émotion et les souvenirs. Pourtant si la douceur est présente dans chaque situation, n’en sont pas complètement ôtées les répercussions sous-jacentes d’un monde productiviste dont les êtres subissent les affres dans leur quotidien. La transposition de ce manga en pièce de théâtre, par ses contraintes, produit un objet théâtral aussi fin que drôle, aussi léger que grave qui mérite d’être recommandée encore et encore… Quartier lointain Titre: Quartier Lointain Adapté du manga de Jirô Taniguchi, Editions Casterman. Mise en scène: Dorian Rossel Avec Rodolphe Dekowski, Mathieu Delmonté, Xavier Fernandez-Cavada, Karim Kadjar, Delphine Lanza, Elodie Weber. Musiciennes: Patricia Bosshard, Anne Gillot. – Au Printemps des Comédiens, les 4,5 et 6 juin 2011 à 20H30 En 2013: – Du 23 au 25 janvier 2013 à la Scène nationale d’Angoulême – Le 7 mars 2013 à l’Arc , scène nationale – Le Creusot – Du 19 au 21 mars 2013 à la Comédie de Picardie , Amiens – Les 28 et 29 mars 2013 à Sortie Ouest, Béziers A lire aussi: Imbéciles! Ne voyez- vous donc pas que l’humanité est en voie d’extinction? Sète: une saison généreuse et ouverte sur le monde Nîmes: « un théâtre rassembleur et audacieux » Am Stram Gram: une saison enthousiasmante concoctée par Fabrice Melquiot

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