Mary-Loup,une illustratrice éveillée

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Propos recueillis par Julie CadilhacPUTSCH.MEDIA / Illustrations et réponses de Mary-Loup.

 » C’est déjà vendre son âme que de ne pas savoir la réjouir » (Albert Camus). Voilà la citation qui accueille vos visiteurs sur votre site. Êtes-vous épicurienne ? Je ne sais pas trop, j’aime les philosophes grecs et la philosophie en général (c’est une de mes premières lectures), disons que je suis une amoureuse de l’instant présent. Je suis une grande oisive, et ma peinture se nourrit de mes lectures, de mes réflexions, très souvent de citations plus ou moins philosophiques, mais aussi de beaucoup de musique. Alors je ne peux qu’être en accord avec cette citation d’Albert Camus, j’essaye de me réjouir chaque jour, de rendre plus léger et poétique chaque instant…c’est également le principe du Reiki (que je pratique depuis deux ans), j’essaye d’être éveillée tout simplement.
Artiste-peintre, illustratrice, graphiste de formation : pour quelle activité penche vos préférences ? Laquelle vous fait vivre pour l’instant ? Le choix est difficile, je dirais que je suis à 80% artiste-peintre, je suis attachée au fait de m’exprimer librement sans contrainte, et la peinture m’apporte cela. J’aime peindre, me plonger dans l’acrylique et je suis le plus souvent accompagnée de mes pinceaux; même si depuis quelques mois, je redécouvre les joies du dessin en noir et blanc et le plaisir du trait. Mon activité d’illustratrice est encore récente, je n’ai illustré que deux livres pour le moment (dont « la sorcière dans le congélateur » écrit par Dorothée Piatek aux éditions Petit à Petit) et quant à mon activité de graphiste, je le suis surtout de formation, je réalise de temps en temps des travaux graphique (des flyers, des pochettes d’albums…) toujours en lien avec l’illustration. Cependant ces trois activités qui sont très liées, ne me font pas encore vivre. C’est une question que l’on me pose très souvent, et je ne peux m’empêcher de répondre qu’ être artiste et en vivre, est bien difficile de nos jours…Cependant la peinture m’apporte autre chose que l’argent, une certaine sérénité, de l’assurance, de la légèreté, c’est un choix de vivre de peu de choses mais une grande liberté…!!! Je reste assez réaliste sur la dureté du domaine artistique, du moins sur le plan financier, la patience est de rigueur dans ce domaine, et ce dans n’importe quelle activité artistique, mais je reste confiante et j’y crois..!! Dans mon cas, la peinture est un besoin, une soupape poétique vitale !
Vos personnages tirent à la fois du monstre et de l’enfant espiègle, je me trompe ? Je ne sais pas trop, en tout cas, ce qui est intéressant dans la vision que l’on porte sur mes personnages, c’est qu’elle est à chaque fois changeante. Certains voient tout simplement le côté espiègle, d’autres le côté monstrueux, ou les deux côtés. Pour ma part, j’aime travailler les deux côtés, je n’aime pas peindre, dessiner des choses trop lisses et réalistes, j’aime se faire confronter le clair et l’obscur, apporter de la nuance, une pincéed’humour noir, une touche de glauque et faire naître un soupcon de réflexion, du moins provoquer une émotion, une sensation qu’elle soit agréable ou non. Pour ce qui est des personnages qui peuplent ma peinture, ils sont imposés instinctivement sans réflexion préalable, mais ils se nourrissent de nombreuses influences (qu’elles soient cinématographiques, littéraires, musicales, picturales, graphiques..ect…).
Lorsque vous créez, vos muses soufflent-elles à vos oreilles des mythes et autres légendes ?Annlides Mary loup Lorsque je crée, ce qui souffle principalement dans mes oreilles, ce ne sont pas des mythes et légendes, mais plutôt de la musique. Etrangement, j’ai une connaissance très étroite des mythes et légendes, et la plupart de mes lectures se réfèrent plus à la philosophie, à la psychanalyse qu’à la mythologie, même si il y a un lien. Les mythes me seraient donc indirectement soufflés à travers la musique que j’écoute, principalement de la folk (avec un amour inconditionel pour celle de Denver). Mes peintures (les plus personnelles), ainsi que mes dessins illustrent mes questionnements, mes humeurs; j’essaye d’y mettre en quelque sorte mes « tripes », et c’est aussi ce que je recherche lorsque j’écoute de la musique (une musique sensitive). En y réfléchissant, je dirais que le seul mythe que j’ai le plus creusé, c’est le mythe de Dracula; j’ai beaucoup lu de livres traitant sur ce sujet, dont bien évidemment le roman de Bram Stoker. les questionnements sur le thème du désir sexuel et de la mort, des limites entre la bête et l’homme, entre la vie et la mort ou entre le Bien et le Mal que suscite ce mythe (Dracula) me fascinent, et étrangement inspirent encore et toujours la littérature, le cinéma…c’est un mythe toujours aussi moderne.
Pourquoi ces grands yeux sur le visage de vos personnages ? Je ne sais pas vraiment pourquoi je persiste à peindre ou dessiner de grand yeux, cela pourrait s’expliquer par une certaine monomanie, disons que je « pousse  » jusqu’à l’extrême un style, là en quelque sorte la manie des grands yeux. Je dessine, je peins ces grand yeux depuis mes débuts, en faisant un peu de « psychologie de comptoir », je dirais que ces grands yeux la plupart du temps légèrement hagards, rappellent l’enfance, la curiosité, l’éveil aussi…J’essaye de garder une vision enfantine, tout en la confrontant avec des réflexions, des attitudes plus adultes. Ces yeux pourraient justement illustrer une part d’innocence, de sensibilité. Et pour aller plus loin dans l’analyse en Médecine traditionnelle Chinoise, l’oeil présente un atout majeur voire extraordinaire. En effet seuls les yeux peuvent répondre au triple critère de diagnostic, pronostic et thérapeutique, voire poétique. Ils présentent non seulement des connexions multiples avec d’autres viscères mais encore ils ont des relations avec le système d’expression émotionnelle et psychique; d’où l’expression bien connue « Les yeux sont le miroir de l’âme ». Pour résumer mon travail et cette obsession des grands yeux, (un slameur-conteur Nantais) Jean-Michel a décrit mes personnages avec ces mots que je trouve pertinents: « la candeur de ces personnages est toujours là, au bout du compte, pour les protéger des gros vilains cauchemars qui les guettent sans jamais leur faire perdre la tendresse, même un tantinet désespérée, de leurs regards. » Et c’est vrai que dans ma peinture, ce qui se voit et s’exprime le plus, ce sont les yeux (qui occupent quasiment 75% du visage de mes personnages).
Vos dessins répondent souvent à des noms étranges  » hydrométéores acéphaliques », « eucaryotes » etc…pourquoi? une fascination pour les mots ? pour le bizarre ? Je suis effectivement fascinée par les mots, les jeux de mots surtout, fascinée également par l’étrange (avec des livres comme ceux d’Edgar Alan Poe,de Kafka ou la nouvelle de Maupassant « le Horla » pour ne citer qu’eux), le bizarre, l’absurde. Ayant arrêté tôt les cours de biologie, je suis de plus passionnée par l’humain, l’anatomie, la physiologie, même si j’ai très peu de connaissances. J’aime lire des livres qui traitent de neurobiologie par exemple (entre autre Boris Cyrulnik qui mêlent la science et la psychanalyse)… Un des livres qui m’a fascinée et que j’ai dévoré (sans y comprendre réellement la moitié) est « La chair et le diable » de Jean-Didier Vincent(en plus d’être professeur en physiologie, c’est une personne qui manie beaucoup l’humour). Un livre passionnant, avec des expériences sur les rats pas toujours compréhensibles (mis à part pour des scientifiques initiés), qui analysent les comportements humains, à la frontière du bien et du mal. Et ce genre de lectures m’aident non seulement à comprendre l’humain (l’inconscient, le conscient), mais aussi nourrit ma peinture, mes dessins; d’où ces noms étranges que j’aime donner à ces derniers.
Mary loup - hydrométéoresVous vous dîtes « hantée » par des influences baroques et surréalistes, lesquelles ? J’aime le mouvement surréaliste en général, Guillaume Apollinaire fut un des premiers poètes que j’ai lu…J’aime l’idée de surréalité, d’un fonctionnement réel de la pensée au delà de toute raison, de tout concept intellectuel, j’aime les cadavres exquis et ce procédé créatif inconscient. Je me souviens très souvent de mes rêves, et j’aime les raconter à l’oral ou à l’écrit, c’est une source inépuisable d’inspiration. J’aime comme je l’ai dit auparavant les récits, les films, les peintures..ect où ils se dégagent une certaine vision surréaliste, où chaque personne a sa propre interprétation, sa propre vision, j’aime cette notion d’ouvertures perpétuelles (que je retrouve dans mes rêves). Un des premiers peintres qui m’a donné envie de peindre fut Joan Miró, ensuite Dali bien évidemment, et puis tant d’autres. Par la suite j’ai découvert les films de Luis Buñuel (aux Beaux-arts), les films de Murnau, de Tod Browning, d’Alfred Hitchcock, de David Lynch, Terry Gilliam pour ne citer qu’eux (il y en a tant..!) ce cinéma proche du surréalisme, étrange et en même temps tellement humain me séduit. Pour ce qui est des influences baroques, je ne sais pas si ce terme est approprié. Quand je parle de baroque, c’est pour signifier, que j’aime également la profusion, le contraste. Les peintures de Caravage, Vélasquez m’ont beaucoup marquée. Il y a aussi la peinture Flamande, comme ce portrait « des époux Arnolfini » de Jan van Eyck qui me fascinait autant qu’il me terrifiait étant enfant. Plus tard dans mes études, j’ai découvert Bruegel, Jérôme Bosch avec ces personnages caricaturaux issus des bestiaires du Moyen Âge (d’ailleurs reconnu par les surréalistes comme le « maître » de leur art pendant très longtemps), et sa peinture reste pour moi une découverte importante, et c’est toujours une envoùtante source d’inspiration.
Mais aussi « habitée » par des visions enfantines…pourtant il reste toujours quelque chose de cauchemardesque dans votre trait…cultivez -vous les oppositions ? Cherchez-vous à contraster la naïveté de l’enfance avec des nuances plus sombres ? C’est juste, et je ne sais pas si c’est une recherche disons consciente dans mon travail, cela fait partie de moi. Effectivement j’aime confronter la naïveté de l’enfance avec des nuances plus sombres, plus cruelles parfois. Dans mon travail le cauchemardesque se confronte au merveilleux et inversement, comme je le disais je n’aime pas les idées figées, les choses lisses, presque manichéennes…J’aime cultiver le contraste, la vivacité à travers la couleur, le réel et le surnaturel. Personnellement je doute beaucoup, et paradoxalement je cultive certaines croyances presque enfantines et monomaniaques. Cette citation de Francis Bacon (un des nombreux peintres qui m’inspire) résume assez bien ma manière de penser et de créer « Si on commence avec des certitudes, on finit avec des doutes. Si on commence avec des doutes, on finit avec des certitudes. » Ma peinture, mes dessins peuvent paraître lisses, presque gentils au premier regard, mais en s’approchant d’un peu plus près, le regard peut être dérangé par quelque chose de plus perturbant, ce genre de réaction provoquée par mon travail le plus personnel m’intéresse, me questionne, et me fascine aussi. Parrallèlement, j’ose croire que mon travail se nourrit d’un peu de poésie; cependant libre à chacun d’y voir ce qu’il veut, de l’aimer ou pas.
Si je vous dis que vous pratiquez l’art de la contrepèterie picturale, vous acquiescez ? C’est joliment dit, je fais souvent partie des gens qui ne comprennent pas les contrepétries, mais c’est un exercice très intéressant. Ce jeux de mots qui consiste à permuter certains phonèmes ou syllabes d’une phrase afin d’en obtenir une nouvelle, pour y dévoiler un autre sens plus indécent, m’amuse; mais je ne suis pas assez experte dans cet exercice…Alors qualifier mon travail de contrepétrie picturale, je suis flattée, cependant la plupart du temps, je n’ai aucune idée de ce que je veux dévoiler à travers mon travail, par contre je joue volontiers avec cet exercice de style dans mes titres. J’ai d’ailleurs commencé à m’en amuser, il y a de ça quelques années en feuilletant un magazine d’art où un artiste contemporain créait et répertoriait ces jeux de mots, je ne me rappelle plus de son nom. Mais à partir de ce moment là, pour passer le temps, je m’amuse de temps en temps avec les mots (en les mélangeant, en les retournant…) je les écris parfois sur des p’tits carnets. Je ne le fais plus trop actuellement, seulement quand il s’agit de trouver un nom à une peinture, ou un dessin.
Mary loup - rend coeurEnfin, quels projets pour Mary-Loup ? Ouh et bien tout d’abord, je travaille sur quelques histoires à illustrer, seulement ces histoires cherchent toujours des maisons d’éditions potentiellement intéressées. J’ai quelques projets en cours de maturation, dont une histoire très loufoque avec Michaël Escoffier (qui n’a toujours pas trouvé d’éditeurs) que je vais très sûrement retravailler, plus aux traits. J’ai une collection de cartes postales avec les éditions de Mai qui va sortir très prochainement. Je cherche toujours des Galeries (essentiellement) qui seraient intéressées pour exposer mes dessins et mes peintures. Disons que les idées, et les projets se bousculent dans ma tête et ne manquent pas, mais j’ai encore dù mal à me projeter, quand tout cela manque de concret. Je continue de réaliser des toiles personnalisées pour des particuliers, et disons que je suis toujours à la recherche de nouvelles collaborations, je suis toujours à l’affût de propositions pour des petites réalisations (dans l’illustration pour la presse, la pub.. etc). Voilà, ce que je pourrais dire de mes projets, je continue de dessiner, de peindre, et de rester éveillée que ce soit dans l’encre d’un crayon, ou dans l’acrylique.
Pour retrouver Mary-Loup: artistemaryloup.free.fr/

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