Du badinage carcéral à l’action politique

par
Partagez l'article !

Voilà un roman délicieux: un jeune noble fougueux, Marie-Jean Hérault de Séchelles, aux moeurs légères, délivre plusieurs lettres à la seule femme, Jeanne-Françoise de Sainte-Amaranthe,qu’il ait aimée, quelques jours avant d’être guillotiné.
Véritable confession d’un arriviste passionné au creux d’une période troublée, v.
Et c’est avec un plaisir tout littéraire (Quelle plume vraiment!) que nous laissons Jérôme Garcin nous causer d’Histoire et d’amour, d’Opportunisme et de Terreur, avec élégance et délicatesse.
Marie-Jean qui « cicéronne » jusqu’à la fin de son procès « au lieu que de sauver (sa) peau » , à l’approche de la mort, réalise ses erreurs et évoque les mécanismes de la Révolution avec une gravité étonnamment mêlée d’humour. Amant prétendu de Marie-Antoinette, pur sang ayant participé avec autant d’enthousiasme à la prise de la Bastille qu’à la constitution des droits de l’homme, notre héros n’échappera pas au sort auquel il avait froidement condamné ceux de sa caste.
Avec beaucoup d’ironie mordante, l’énonciateur des lettres nous fait comprendre combien le révolutionnaire plébéien est naturellement porté à haïr à la peau laiteuse et délicate des jeunes hommes de bonnes familles armoriées et combien la jalousie n’a pas été détruite avec le pillage des beaux châteaux. Et puis Hérault sait qu’il a trahi les membres de sa haute lignée et qu’il est devenu rapidement un objet de méfiance ; aussi, auprès des sans-culottes assoiffés de revanche, avoir la place du traître n’aurait su être pour lui un bon allié!

Un texte qui décrit avec une poésie mélancolique adorable la passion amoureuse et brûlante de Marie-Jean auprès de Jeanne Françoise, une cavalière d’exception, femme libre et brillante contrastant avec la maniabilité de ses condisciples féminines.
Même si la Révolution, « cette pauvre fille échevelée dont (il) aime la sauvagerie, et (qu’il a) épousée par intérêt plus que par amour »,  » cette folie, cette effrayante et magnifique machine conçue par des mains anonymes pour fabriquer du progrès » est peut-être la Femme la plus troublante dont parle ce roman.

Enfin, C’était tous les jours tempête est un superbe roman épistolaire qui prouve que si « la belle prose (était ) tombée (un moment) avec la Bastille », certains ont su depuis lui redonner toutes ses lettres de noblesse.

« Il s’en est fallu de peu que, après avoir brillé sous Louis XVI et régné sous Robespierre, charmé la reine et pris la Bastille, je n’accomplisse mon enfantin dessein: passer d’une rive à l’autre sans me retourner et fendre la tempête tête haute. Mais une dernière vague, sournoise et justicière, a noyé mes prétentions à quelques mètres seulement de la berge. je serai un mort de plus, un des derniers, avant le coucher du soleil qui tombe sur la France Moderne. » (Jérôme Garcin)

Titre: C’était tous les jours tempête
Auteur: Jérôme Garcin
Editeur: Gallimard /Folio

Julie Cadilhac / BSCNEWS.FR

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à