Chassez le fantasme avec les Chasseurs de Fantasmes !

par
Partagez l'article !
« Le sexe est soigneusement écarté de la SFFF (Science-Fiction Fantasy Fantastique) , par principe, par timidité ou par oubli, peut-être.
C’est bien dommage.
Le sexe, au contraire du bourre-pif, c’est sympa, non?
 » Jeanne-A Debats.

« VOUS AVEZ ETE ADMIS DANS LE SECTEUR CHAIR! ENTREZ ! ENTREZ ! BIENVENUE…. »

Chasseurs de fantasmes est un recueil troublant. Il réunit 11 auteurs sur un projet commun: explorer l’Erotisme sous le prisme de l’Imaginaire. Au gré des lignes, s’arborent figures de style, réseaux sémantiques et distorsions géniales de la syntaxe pour le plus grand plaisir des amoureux de la littérature. Pas d’érotisme traditionnel donc, d’ambiances tamisées, de saphisme obligatoire, de modérateurs agaçants pour faire monter l’excitation. Le plaisir répond à des codes nouveaux et lient des êtres dont la destinée n’a rien de commun avec la nôtre. Aussi le lecteur est ici confronté à l’expression de sensations nouvelles. Il suit ,quelques heures, des personnages prisonniers de désirs supra-sensoriels, futuristes, extraterrestres….et l’identification ne peut passer que par le partage de mêmes besoins primitifs : assurer sa survie et une descendance.
Difficile de définir et de qualifier les désirs qui les inondent , les paralysent ou les déploient. Ce sont des désirs sexuels, humains, tels qu’ils nous malmènent aussi , évidemment. Mais ils se développent en rhizome vivace et complexe: des désirs propres à des univers inconnus, à des espaces du futur fantasmés.

La première nouvelle, Vieillir d’amour reprend -certes -un thème récurrent de l’érotisme: l’initiation. Une femme expérimentée joue de ses pouvoirs télépathiques sur un jeune néophyte et, entre rapport de domination et plaisir de jouer, le lecteur commence à se détacher doucement du monde réel par le biais du pouvoir troublant dont dispose la narratrice.
La seconde nouvelle déploie des réseaux métaphoriques entêtants. Les Ephémères provoquent un choc mental: l’obligation d’entrer dans un univers étrange de géants asexués, de nacelles aux destinations éthérées heurte d’abord l’esprit rationnel . Mais ,avec réticence et recul, puis entièrement à nu, l’on quitte volontiers nos repères sensuels pour d’autres plus « envolés ». On regarde plonger Phaïs et Rydice, on perçoit les frissons de leur danse dans l’abîme attirante et on languit notre tour…
S’enchaînent ensuite des nouvelles plus « crues ».
(R)EVE où la chair prend ses marques sur la peau d’une statue androgyne, s’installe puis se débride. On vit le huit-clos avec une Eve et son rêve statuaire qui finira par « crever » nécessairement .
Cette nouvelle entame ,la première, une descente aux enfers dans les fantasmes les plus débridées et le thème du chatiment qui lui est intrinsèque. S’ensuivent d’autres, peuplées d’anges et de démons ( Thaïs sur la mauvaise pente), de programmes informatiques qui s’encoquinent et se prennent à aimer ( Simulation Love), de prostitués et de bourreaux en blouses médicales ( Les Autres)…

Le désir est protéiforme: c’est son essence et sa saveur, sa dangerosité aussi.
Mais l’intérêt de ces nouvelles n’est pas que dans l’érotisme et ses manifestations les plus criardes et c’est surtout en cela que l’on se doit de saluer le travail de ces écrivains. Non! l’intérêt est dans la transposition des plaisirs de la chair dans des cadres qui, traditionnellement, en sont aseptisées et rechignent à évoquer le sexe.

A la lecture de chacune de ces nouvelles, je me suis posée la même question:
Comment écrit-on le désir? comment l’amène-t-on quand on est auteur? comment ne pas le perdre en route? ne pas le salir ou le rendre ridiculement niais? Comment garder le juste équilibre entre le sous-entendu et la concrétisation nécessaire?
Voilà une série de plumes qui en font une démonstration de talent.

Il ne vous reste qu’à lire. Et à essayer de garder le corps serein. 🙂
Sus à l’échauffement de vos sens ! A ne surtout pas consommer avec parcimonie!
Une bonne façon aussi de vérifier que l’on ne s’acharne pas à faire avec son partenaire de « la copulation courtoise » et que l’on ne manque en aucun cas d’imagination!
Et puis ce recueil dispose d’un autre avantage et pas des moindres: sa première de couverture, intemporelle et élégante, n’emprunte rien aux clichés traditionnels de l’érotisme. Aussi, pour les plus pudiques, voilà un bouquin que l’on peut balader sous le bras, laisser traîner sur sa table basse de salon sans éveiller une étincelle de malice grivoise des autres!

« Eve effleura la joue de sa presque-soeur, puis, étonnée, la sienne. Sa main fit plusieurs allées et venues, ainsi, tâtant l’une et l’autre figure. Il lui semblait ressentir quelque chose sur sa propre joue lorsqu’elle caressait la résine; Elle se laissa aller à palper le visage, puis le cou, de la statue, fermant les yeux pour mieux percevoir le léger étranglement alors qu’elle appuyait sur la gorge de son auto-portrait. Aucun doute, ce qu’Eve infligeait à sa création, elle le ressentait au plus profond d’elle-même. Elle pinça un sein, tordant le téton et cria de douleur. » (

R)EVE – Lucie Chenu
« J’ai franchi les portes du Paradis, un nirvana à ma mesure, ni trop vaste, ni trop étriqué. Je ne fais qu’un avec elle. Nous ne sommes plus faits de chair mais de pur bonheur. Nos deux corps délimitent les fontières du Paradis sur terre.
Mon Paradis.
J’ai oublié que j’avais été un homme.
Et elle, une machine.
Mon corps s’embrase. Et son feu d’amour me consume l’âme. »
Simulation Love – li-Cam
Julie Cadilhac
( Retrouvez toutes les chroniques décalées de Julie Cadilhac sur son blog … décalé : http://ecriturechromatique.over-blog.com

« Chasseurs de Fantasmes »
Collectif d’auteurs
Editions Griffe d’Encre

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à