Il n’y a pas d’enfant ici de Thomas Geve
Quand, autour de soi, rien n’est digne d’un homme, comment fait-on pour devenir humain ? Le pire n’est pas la mort, c’est l’humiliation, qui constitue la déshumanisation suprême. Alors, comment fait-on pour devenir humain quand même ? »
Thomas Gève n’avait que treize ans lorsqu’il arriva au camp d’extermination d’Auschwitz, avec pour seul tort celui d’être juif…
La dictature nazie de l’époque entendait n’épargner personne. En effet, les enfants de moins de 15 ans étaient normalement envoyés directement à la chambre à gaz…
Pourtant, cet enfant fut l’un des rares à survivre à l’horreur du système concentrationnaire. Malgré son jeune âge, il fut jugé apte au travail, ce qui le sauva.
Ce n’est que 22 mois plus tard qu’il retrouva la liberté.
Doté d’une incroyable force de caractère et d’une imagination débordante, Thomas Gève a su défier la souffrance – aussi bien psychique que physique – en se réfugiant dans son désir d’observer, de comprendre, d’apprendre, et en dessinant l’horreur, la souffrance, la privation, la cruauté qui l’entouraient en permanence.
Ses 79 dessins en couleur, de la taille d’une carte postale, constituent un témoignage historique précieux des divers aspects de la réalité quotidienne dans les camps d’Auschwitz, de Gross-Rosen et de Buchenwald.
C’est au moment de la libération du camp de Buchenwald, en avril 1945, qu’il réalisa chacun d’eux, au dos de formulaires de l’administration SS. Son seul désir, alors, était de raconter à son père émigré à Londres, non pas l’enfer personnel qu’il avait vécu, mais la réalité douloureuse de la politique nazie dont le but était d’ôter à chaque détenu la moindre parcelle d’humanité.
Un regard d’enfant, innocent et bouleversant, sur un monde d’adultes manquant cruellement – au sens propre comme au figuré – d’humanité.
Cet ouvrage présente ces dessins un à un, assortis des commentaires de l’auteur Thomas Geve.
On y découvre les divers aspects de la vie au sein d’un camp d’extermination : le moment de la sélection, la désinfection, l’appel quotidien, les rations de nourriture, le détail d’un jour de semaine à Auschwitz, les maladies au camp, le travail, les chambres à gaz, le sport punitif, les fonctions des SS, la faim, l’évacuation, des paroles de chants, les plans (appris par cœur) de différents des camps, les différents insignes et tatouages, la libération…
Aux traits de dessins enfantins viennent s’associer un sens de l’histoire et une précision déroutantes.
« Trouver un petit supplément de nourriture était une obsession. Nous étions entourés des ombres squelettiques qu’étaient devenus les détenus tellement amaigris. De minces épluchures de pommes de terre laissées par quelqu’un, du chou pourri récupéré dans une poubelle des cuisines, du pain moisi qu’un absent avait caché, de la nourriture crue pour animaux trouvée dans les mangeoires des chevaux, tout cela était un festin. »
Alors que cette année 2009 célèbre le cinquantième anniversaire de la Déclaration des droits de l’enfant et le vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, le recueil de Thomas Geve mérite une attention toute particulière.
Thomas Geve a aujourd’hui 78 ans et vit en Israël. Des reproductions de ses dessins sont visibles au Mémorial de Buchenwald. Les originaux, quant à eux, ont été confiés par l’auteur au Musée des Beaux-Arts de Yad Vashem, à Jérusalem.
Mélina Hoffmann
Jean-Claude Gawsewitch Editeur