Trop d’amour maternel peut parfois mener au matricide… Démonstration scénique

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Par Florence Gopikian Yeremian – bscnews.fr/ Jour d’enterrement. Costume gris de rigueur. Sous son triste parapluie, François Frin fait solennellement face au cercueil de sa mère. Avant la mise en terre de son égoïste génitrice, il ne peut cependant s’empêcher de se remémorer les multiples causes qui ont fait naître dans son cerveau des pulsions assassines…

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Étouffante et possessive, la défunte a passé sa vie à le critiquer: qu’il s’agisse de son comportement, de ses vêtements ou de sa façon d’être, elle n’a jamais rien trouvé d’acceptable dans ce fils qu’elle qualifiait d’ingrat. L’empêchant de grandir et de s’épanouir, elle a abusivement joué les mères juives en croyant bien faire. À force de chantage affectif, de vexations publiques et d’humiliations, elle a castré « son » François jusqu’à le pousser à bout… vraiment à bout.
« Buter ma mère »…Telle est l’idée soudaine qui a germé un après midi dans l’esprit mortifié de ce pauvre rejeton: buter sa mère ! Se débarrasser définitivement de ce fardeau pour pouvoir enfin prendre son envol d’adulte! Buter sa mère… Quelle solution évidente, quitte à devenir orphelin du jour au lendemain. Mais comment procéder? Arme à feu? Arme blanche? Strangulation?… Le choix est vaste et nuancé cependant François n’a rien d’un Lacenaire dans l’âme. Il faut, en effet, avoir un sacré aplomb pour mettre fin à l’auteur de ses jours, aussi cruel soit-il. En digne froussard, le fiston fait donc appel à un tueur professionnel et laisse le destin prendre le relais…

Écrit et interprété par Philippe Honoré, ce matricide théâtral mêle humour glacé et tendre cynisme. Avec une certaine grâce et beaucoup d’autodérision, le comédien met en scène son propre rôle en interprétant tour à tour sa mère tyrannique, le trucideur de quidam ou l’infirmier de la dernière heure. Même si sa diction s’emballe un peu en début de pièce, son intime monologue a le pouvoir de se diffuser graduellement dans nos veines afin de nous entraîner au cœur de ses rocambolesques péripéties. Face à la figure dictatoriale de cette mère envahissante, on se surprend à partager nous aussi les pulsions du fils meurtrier. Suspendus à ses cinglantes répliques, on rumine, on peste et l’on attend honteusement le trépas de la despote. Cette idée assassine se diffuse obsessionnellement au sein du public au point qu’on se demande quels sont les spectateurs qui ont eux-mêmes rêvé d’occire leur chère maman… Certains rient démoniaquement, d’autres au contraire conservent un regard froid et impassible sur toute cette histoire. Le dénouement du spectacle sera l’occasion de faire ressurgir chez chacun d’entre nous des brassées d’amour filial…

Cyniquement émouvant.

Je dois tout à ma mère
Écrit et interprété par Philippe Honoré
Mise en scène Edith Vernes

Théâtre du Lucernaire
53, rue Notre Dame des Champs – Paris 6e

Du 5 mars au 19 avril 2014
Du mardi au samedi à 21h
Réservations: 0145445734

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