Mascarades : comédie douce-amère sur les ravages de la solitude
De Florence Yeremian – Susan Fieldman est une vieille dame usée par l’alcool et la solitude. Ancienne couturière, elle vit dans un appartement miteux et n’a pour contact qu’une jeune voisine nommée Lucie qui lui rend visite de temps en temps. A l’occasion de retrouvailles avec une amie d’enfance, Susan va profiter de la gentillesse de Lucie et la faire passer pour sa fille prodige. Prise au dépourvu, la demoiselle va tenter d’embobiner la galerie jusqu’à ce que la vérité éclate et que les masques tombent…
Avec cette première oeuvre théâtrale, Marina Gauthier nous livre une tranche de vie douce-amère servie par un quintet de comédiens assez bien orchestré. Le rôle titre revient à Roselyne Geslot qui incarne avec beaucoup de nuances le personnage caricatural de Susan : la bouche pincée et les cheveux en pétard, elle joue les grincheuses tout en laissant transparaitre de très beaux moments de fragilité. Tour à tour triste, menteuse ou revêche, elle parvient à être attachante en dépit de ses sautes d’humeur et de son insupportable chantage affectif. Face à cette « Tatie Danielle » contemporaine se positionne la charmante Lucie interprétée par l’auteur, Marina Gauthier. Belle comme un coeur et pétillante, la jeune actrice manque encore un peu d’assurance pour convaincre son public mais elle fait preuve d’une franche sincérité. Pour compléter ce duo féminin reste enfin Lydie Rigaud qui prête ses traits élégants et hautains à Elise, la copine d’enfance fraichement débarquée. A la fois mondaine et comique, cette protagoniste aux allures de grande bourgeoise parvient à nous faire rire bien que son désespoir soit encore plus dense que celui de Susan.
Entourées de deux chevaliers servants (Didier Levy H. et Alex Vicaire), ces dames papotent, piaillent et se crêpent le chignon. Au fil des toasts et des verres de vin, les esprits s’échauffent, les souvenirs refont surface et le ton monte. On évoque alors des sujets qui fâchent tels que l’adultère, le racisme ou la trahison. On crie. On pleure. On accuse les autres de ses malheurs jusqu’à ce que chacun ose enfin se regarder dans un miroir pour comprendre qu’il ne faut jamais cesser de se battre pour demeurer le maître de son existence.
Bien que la pièce manque de rebondissement, elle réussit à garder notre attention par la tendresse et l’émotion qui s’en dégagent. A mi-chemin entre la farce et le drame social, cette oeuvre est tissée dans la finesse, le chuchotement et l’analyse des sentiments. A travers la figure pathétique de Susan, chaque spectateur peut reconnaître une amie ou une grand-mère et prendre soudain conscience du malheur des gens qui n’ont plus de rêves. En mettant ainsi en scène le triste quotidien d’une retraitée, Marina Gauthier soulève un pertinent questionnement sur la vieillesse et les ravages de la solitude : lorsque l’on y réfléchit sincèrement, il ne faut vraiment pas grand chose pour illuminer la journée d’une personne âgée…
Mascarades ? Un texte simple mais pétri d’une telle compassion qu’il nous invite à tendre la main dès la fin du spectacle.
Mascarades
Une pièce de Marina GauthierMise en scène: Coralie MiguelAvec la Compagnie Saphirs de Nuit : Roselyne Geslot, Lydie Rigaud, Didier Lévy Haussmann, Alex Vicaire, Marina Gauthier
Théâtre Montmartre Galabru
4, rue de l’Armée d’Orient – Paris 18e
Tous les vendredis à 21h30
Réservation: 0142241585
www.theatregalabru.com/mascarades/
Lire aussi dans nos actualités théâtrales :
« Scène de la vie conjugale » : la trajectoire d’un couple en perdition
Scène Nationale de Sète : une seconde partie de saison éclectique
Begin The Beguine : John Cassavetes ou l’humanité alambiquée