La poupée sanglante : une intrigue musicale à découvrir d’urgence
Par Florence Yérémian – Après l’excellent Kiki de Montparnasse nommé aux Molières 2016, le Théâtre de la Huchette a pris le parti de demeurer dans l’ambiance Charleston… Surtout, ne vous laissez pas influencer par l’affiche un peu gore de son nouveau spectacle : La Poupée Sanglante est un superbe show qui met la comédie musicale à l’honneur sans laisser couler aucune trace de sang. Durant presque deux heures, trois talentueux chanteurs accompagnés d’un allègre pianiste (Didier Bailly) vont vous faire voyager dans le Paris des Années Folles à la poursuite d’un mystérieux tueur en série…
Tout commence au coeur de l’île Saint-Louis dans une bâtisse un peu sordide. Un vieil horloger nommé Norbert s’y livre à des expériences scientifiques accompagné de sa fille Christine et de son futur gendre. Parmi eux se distingue également un jeune homme, beau comme un ange, répondant ironiquement au prénom de Gabriel… Amant de Christine ou simple apprenti, cet éphèbe suscite la jalousie d’un certain Bénédict qui ne cesse d’espionner cette étrange maisonnée. Laid comme un damné, le pauvre Bénédict est secrètement amoureux de Christine mais il n’ose lui déclarer sa flamme de peur d’être rejeté. C’est apparement ce qu’ont fait toutes les jeunes filles qu’il a courtisées et qui ont depuis inexplicablement disparues…
Ecrite par le spirituel Gaston Leroux, cette histoire plutôt macabre entraine le spectateur sur de bien mystérieux sentiers. Il est donc assez déroutant de voir ce sombre polar faire l’objet d’une comédie musicale aussi enjouée que celle de Didier Bailly et Eric Chantelauze. L’ambiance de cette Poupée Sanglante est en effet plus que festive et menée tambour-battant par trois comédiens des plus bluffants ! Interprétant tour à tour près de quinze personnages, ils parviennent à garder l’ensemble des spectateurs en haleine tout en les faisant rire : alternant le chant, la danse, la narration et même les claquettes, ce magnifique trio ne s’arrête pas un instant et fait preuve d’une impressionnante complémentarité.
Une comédie musicale menée tambour-battant par trois comédiens bluffants
Honneur aux dames, il y a tout d’abord la charmante Charlotte Ruby qui se transforme selon les scènes en « élégante des années 20 » ou en gueuse des bas-quartiers. Le bagou bien trempé et la glotte vibrante, cette artiste lyrique au joli minois sait également faire preuve d’autodérision et se travestir en cantatrice indienne coiffée de plumes de paon. A ses côtés, le jeune Alexandre Jérôme joue à tour de rôles les pieux biologistes ou les marquis lubriques assoiffés de sang. Aussi fringant qu’amusant, cet attrayant zazou est particulièrement cocasse lorsqu’il incarne avec pitrerie les marquises souffreteuses ! Reste enfin Edouard Thiebaut qui passe sans ambages de la figure du vieil horloger à celle de l’énigmatique Bénédict. D’une éloquence sans faille, ce dandy contemporain chante magnifiquement, porte le gilet avec une classe folle et réussi à s’approprier, en un clin d’oeil, la gestuelle convulsive d’un psychopathe.
Burlesques et ingénieux à souhait, ces comédiens s’investissent à 100% dans leur brillante partition. Jonglant avec le chant, le suspens, l’amour et l’humour, ils parviennent à nous offrir un music-hall aussi savoureux qu’entrainant.
La Poupée Sanglante ? Un conte cruel et musical à consommer sans modération !
Un seul conseil : changez l’affiche ! Elle mène les curieux vers une toute autre piste que ce superbe spectacle.
La poupée sanglante
D’après l’oeuvre de Gaston Leroux
Une comédie musicale signée Didier Bailly et Eric Chantelauze
Mise en scène Eric Chantelauze
Avec Charlotte Ruby, Didier Bailly, Alexandre Jérôme, Edouard Thiebaut
Théâtre de la Huchette
23, rue de la Huchette
Paris 5e
Réservations: 0143263899
www.theatre-huchette.com
Reprise :
À partir du 20 décembre 2016
Du mardi au vendredi à 21h
Le samedi à 16h et 21h
A lire aussi dans Théâtre :
La grenouille avait raison : les abysses créatifs de James Thierrée
The Encounter : Simon McBurney fait entendre sa voix