Pierre Jouvet : « La volonté du gouvernement est de marginaliser un mouvement populaire en l’associant exclusivement aux casseurs »

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Pierre Jouvet est le porte-parole du Parti Socialiste ainsi qu’élu local (*). Putsch a recueilli sa réaction après les incidents des Champs-Elysées du 16 mars 2019. Il demande au gouvernement d’Édouard Philippe et à Emmanuel Macron « des réponses fortes » afin de « permettre aux personnes les plus en difficulté de pouvoir vivre dignement de leur travail ».

propos recueillis par

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Quel est votre sentiment sur les incidents du samedi 16 mars sur les Champs-Élysées ?

A priori, il y a eu de forts dysfonctionnement dans la gestion de la manifestation et de ceux qui sont venus pour casser. Le Premier ministre lui-même, dans un message hier après-midi ( dimanche 17 mars) a dit qu’il fallait prendre la mesure de l’événement. Mais ils ont choisi de faire sauter, comme fusible, le préfet de Paris, Michel Delpuech.

Que pensez-vous des auteurs de ces dégâts ?

Ce que je pense, c’est que nous sommes en face de personnes ultra violentes et leurs agissements ne sont absolument pas tolérables dans notre République. Malheureusement ces violences ne font que discréditer un mouvement dont les revendications sont, sur le fond, légitimes.

Comment évaluez-vous la réponse du gouvernement ?

Encore une fois, on constate que le ministre de l’Intérieur est défaillant. Je me demande comment a été possible – même s’il y en avait des centaines- que des casseur puissent ravager des magasins en plein cœur de Paris. Maintenant il faut arriver à régler ces dysfonctionnements. Je crains que le gouvernement se réfugie derrière une réponse sécuritaire, pour esquiver une réponse à la crise sociale qui couve depuis plusieurs mois.

 

« La volonté du gouvernement est de marginaliser un mouvement populaire en l’associant exclusivement aux casseurs »

 

Que devrait faire l’exécutif, selon vous? Au fil des mois, on a entendu les gilets jaunes demander un changement de la représentativité, et pour une grande majorité, l’institution du RIC…

La seule réponse que nous avons reçu du gouvernement a été le Grand Débat National. On a assisté à un grand one-man-show du Président de la République. Il nous a offert des heures et des heures en direct sur les chaînes info, mais ce n’était que du grand “bla bla”. Il n’a pas apporté des réponses sur le pouvoir d’achat, la fiscalité ainsi que sur les services publics de proximité. Je crains qu’il soit en train de faire monter une frustration extrêmement inquiétante en France. Lorsqu’on laisse monter un sentiment de frustration de la sorte sans répondre par une réponse politique à un mouvement social, ce sont les forces populistes qui peuvent rafler la mise. J’ai l’impression que le Président et le gouvernement ne comprennent pas les revendications. Je m’attends à des réponses fortes sur l’organisation du territoire, les services publics, sur la question du pouvoir d’achat et du droit à vivre dignement dans ce pays.

Restons sur les revendications démocratiques. Ne croyez-vous pas qu’il serait plus simple de dire “on garde les règles actuelles” mais on fait appel aux urnes ? Pourquoi a-t-on si peur d’utiliser ces outils démocratiques qui existent déjà en France? Une dissolution de l’Assemblée Nationale ou à un changement de gouvernement seraient-elles des options envisageables ?

Nous vivons dans une démocratie représentative. Le gouvernement et le parlement considèrent que les dernières élections ont représenté une expression démocratique suffisamment forte. En plus, il y a une volonté du gouvernement de marginaliser un mouvement populaire en l’associant exclusivement aux casseurs, cela pour éviter de donner des réponses. Je ne suis pas certain que la dissolution de l’Assemblée Nationale pourrait apporter la bonne réponse. C’est pour ça que le Parti Socialiste n’a pas fait un appel à la dissolution. De toute façon, les réponses n’arrivent pas de la part du gouvernement. Au contraire, on nous dit qu’il va falloir travailler plus longtemps pour avoir le droit à la retraite, que le régime de la sécurité sociale va être assoupli et que le présence de services publics dans les territoires va être réduite. Tant que le gouvernement ne changera pas de point de vue sur le pays, on ne pourra pas sortir de la crise.

 

« Les violences doivent être toujours condamnées. Mais la situation actuelle risque de devenir explosive »

 

Ne croyez-vous pas que l’assouplissement du régime de la sécurité sociale est dû aussi au gaspillage des ressources qui existe depuis des décennies ? Ou bien est-ce plutôt lié à une politique du court terme?

Oui. Mais en même temps, dans le dernier budget, on a préféré faire passer le crédit compétitivité entreprise de 20 à 40 milliards d’euros. C’était de l’aide non ciblée sur les entreprises et sans contrepartie d’embauche derrière. On a préféré supprimer l’ISF qui rapportait plus de 5,5 milliards d’euros par an. En fait il s’agit d’une mauvaise utilisation de l’argent public. Ce sont toujours les plus favorisés qui auront accès à de l’argent public alors qu’ils n’en auraient pas besoin. L’argent public est rare, on préfère faire des cadeaux aux riches plutôt que de s’occuper des services publics, où bien des entreprises sans prévoir une augmentation du SMIC. On est dans des choix politiques qui sont totalement assumés, mais qui ne portent pas leurs fruits.

Pourrait-on arriver à un refus total de la violence ?

Les violences doivent être toujours condamnées. Mais la situation actuelle risque de devenir explosive. Il doit y avoir une réponse plus forte que celle apportée actuellement. On doit arrêter de donner des réponses partielles en se cachant derrière des contraintes budgétaires. Il faut enfin permettre aux personnes le plus en difficulté de pouvoir vivre dignement de leur travail afin  que chacun puisse redresser la tête.

 

 


(*) Pierre Jouvet est p

résident de Porte de DrômArdèche etC onseiller départemental de la Drôme. Il est également l’un des auteurs de : « De la Gauche en commun aux Nouveaux Possibles »
Editions Uppr  (18,50 euros)

Couverture De la Gauche en commun aux Nouveaux Possibles (© Uppr Editions)

 


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(crédit photo : © DR)

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