La réforme constitutionnelle est-elle toujours à l’ordre du jour ? Partagez-vous toutes les propositions de réforme des institutions avancées par votre parti ?
La réforme n’est pas seulement constitutionnelle. Elle a vocation à changer les règles du jeu démocratiques et de prendre en compte les circonstances dans lesquelles nous sommes arrivés au pouvoir. Si les Français nous ont fait confiance, c’est qu’il y avait un vrai ras-le-bol avec la vie politique traditionnelle en ce pays. Ils ont décidé comme beaucoup de pays le font (Brésil, Italie…) de retourner la table. De tenter autre chose. Ils l’ont fait avec nous qui avons un discours raisonnable, européen, progressiste. La politique économique et sociale que nous allons conduire est importante, mais les Français nous attendent aussi sur un autre terrain. Celui du changement des règles du jeu démocratique. Sur la façon de faire de la politique différemment. Donc c’est ici que rentrent les lois que nous avons votées comme celle sur la moralisation de la vie politique, sur la fin de la réserve parlementaire et des emplois familiaux. Il y a aussi la pratique que nous essayons de mettre en place avec l’apparition de nouveaux visages. Mais nous considérons aussi que nous n’avons pas besoin de changer les institutions de la République car elles sont stables et elles ont prouvé leur efficacité. En 2018, on fête le 60ème anniversaire de la Constitution et on peut légitimement se dire que soixante ans après son adoption, nous ayons besoin de « toiletter » les règles pour les rendre plus actuelles, plus dynamiques, plus efficaces. Pour revenir aux réformes, il y a aussi le travail commencé par François de Rugy lorsqu’il était président de l’Assemblée Nationale, qui consiste en la modification de notre fonctionnement. Concrètement il s’agit de mettre fin à des prérogatives exorbitantes de droits commun. Par exemple, la fin du régime spécial de retraite pour les parlementaires.
« Si les Français nous ont fait confiance, c’est qu’il y avait un vrai ras-le-bol avec la vie politique traditionnelle dans ce pays. Ils ont décidé de retourner la table. De tenter autre chose. »
Pourriez-vous donner des exemples concrets de modifications constitutionnelles « stricto sensu »?
D’abord il y a les principes rappelés par le président Emmanuel Macron dans ses discours de Strasbourg et de Versailles. Ils sont assez simples. Il s’agit de baisser le nombre de parlementaires car cela représente une nécessité pour assurer un meilleur pilotage et pour renforcer la capacité d’évaluation du travail du gouvernement. Il faut aussi que nous puissions introduire une dose de scrutin proportionnel afin que l’Assemblée soit représentative de la diversité et de la richesse de la société française. Il faut que l’on puisse permettre à des formations politiques qui ne sont pas correctement représentées de l’être. Et puis, il y a l’introduction de certaines notions nouvelles, parce que nous considérons qu’en 2018 il y a des questions qui ne se posaient pas en 1958. C’est le cas de l’environnement, le numérique, la question de l’engagement des citoyens. Cela permettra au Conseil Constitutionnel d’évaluer la constitutionnalité d’une loi avec un regard nouveau. Élargir ce que nous appelons le bloc de constitutionnalité. Par exemple une législation qui serait à l’évidence néfaste pour l’environnement pourrait être considérée inconstitutionnelle. On doit aussi raccourcir le temps administratif parce qu’entre l’annonce par un ministre d’un nouveau dispositif et son application, s’écoulent parfois deux ans. Ensuite il faut ajouter à la Constitution le droit à la différenciation territoriale, parce qu’une norme pourrait ne pas être complètement identique si on l’applique à des pôles urbains ou, par exemple, à la Creuse, ou à la Corse… Toujours dans ce toilettage rentre l’élimination de concepts archaïques tels que la justice d’exception pour les ministres, qui sont jugés par la Cour de Justice de la République, le fait que les anciens présidents de la république siègent au Conseil Constitutionnel
« Les principes rappelés par le président Emmanuel Macron sont assez simples : baisser le nombre de parlementaires car cela représente une nécessité pour assurer un meilleur pilotage et pour renforcer la capacité d’évaluation du travail du gouvernement »
Quand reprendra le débat sur la réforme ?
Cette grande réforme a été déjà engagée. La discussion du texte constitutionnel a été interrompu, indépendamment de notre volonté, cet été. Mais cette discussion reprendra dès les premiers jours de 2019, comme l’a rappelé aussi le Président de la République lors des célébrations pour les 60 ans de la Constitution.
Souscrivez-vous à la réforme ?
Oui, je souscris pleinement au projet de réforme constitutionnelle parce qu’à la fin, les Français nous jugerons sur nos résultats en politique économique et sociale. Si nous n’arrivons pas à faire cela, alors qu’on l’avait promis, personne ne le fera.
« C’est vrai que l’utilisation du référendum est assez limitée dans notre histoire. Parfois, le pouvoir se méfie de cette forme de démocratie directe parce qu’il y voit une volonté cachée de reprendre la main sur un sujet politique »
Vous avez parlé du raccourcissement du processus d’approbation des lois. Vous ne croyez pas que cela représente une garantie démocratique ? Seriez-vous favorable au renforcement de formes de démocratie directe en France ? Par exemple à travers des référendums « automatiques », aujourd’hui liés à la volonté seule du président de la république ?
En France, nous sommes dans une démocratie représentative parlementaire. Et donc c’est aux députés et aux sénateurs de faire la loi. Il y a peu de possibilité d’expression démocratique directe en France. C’est vrai que l’utilisation du référendum est assez limitée dans notre histoire. Parfois, le pouvoir se méfie de cette forme de démocratie directe parce qu’il y voit une volonté cachée de reprendre la main sur un sujet politique. On n’utilise pas la démocratie directe en France de manière simple et sereine. Je pense qu’il faudrait revenir sur ce sujet. Personnellement je suis très favorable à l’utilisation des référendums et à tout ce qui permet aux citoyens de participer directement à la décision collective, parce que je pense que la pratique politique d’un mandat a évolué. Nous devons associer les citoyens aux processus d’élaboration des lois. Dans les deux sens : en expliquant, depuis le « haut », et en récoltant des idées du « bas ». Les citoyens nous le demandent.
« Nous devons associer les citoyens aux processus d’élaboration des lois. Dans les deux sens : en expliquant, depuis le « haut », et en récoltant des idées du « bas ». Les citoyens nous le demandent »
Bien qu’étant dans un régime représentatif, nous devons rentrer dans une logique de démocratie participative. Cela passe par les référendums mais pas seulement. Au niveau local aussi. Par exemple, à Paris, Anne Hidalgo a très bien réussi à associer les citoyens avec le budget participatif. Mais, de façon générale, il faut toujours mieux expliquer parce que une réforme très bien pensée c’est bien, mais si personne ne la comprend, elle n’a aucune chance d’être correctement appliquée. Pour revenir au référendum, dite d’initiative partagée, c’est un instrument démocratique qui existe en France mais qui est très compliqué à mettre en place, les critères sont trop restrictifs et il faut qu’on l’encourage. Mais objectivement c’est très difficile d’organiser un référendum national d’initiative populaire. Il a des filtres nécessaires, car on ne peut pas interroger tout le monde sur tous les sujets. Personnellement je suis pour qu’on utilise les instruments de démocratie directe pour développer une démocratie apaisée.
Et sur d’autres thèmes ? Par exemple, concernant la réforme de la SNCF, aurait-il fallu en passer par une consultation populaire ?
Comme je vous disais , je suis pour une démocratie apaisée. Lors d’une réforme, il faut toujours passer par une phase de concertation et de dialogue. Mais je ne crois pas que, dans le cas de la réforme de la SNCF, nous aurions pu passer par une consultation populaire. En revanche, avant de mettre en place cette réforme, nous avons eu une phase de concertation. De même avant d’approuver la loi EGALIM, il y a eu des états généraux lors desquels sont parvenues 17.000 contributions. Avant la réforme de la justice auront lieu les « chantiers de la justice ». C’est l’une des originalités de La République en Marche : toujours partir d’un diagnostic partagé et d’une phase d’écoute.
« C’est l’une des originalités de La République en Marche : toujours partir d’un diagnostic partagé et d’une phase d’écoute »
C’était déjà le cas pendant la campagne électorale. Après la phase de dialogue, il y a celle de la décision puis celle de l’exécution. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde où l’on ne peut pas trahir les promesses électorales… Donc on peut ne pas être d’accord avec la majorité mais nous avons été élus pour appliquer un programme. Et nous ne sommes pas dans un système de co-construction. Ensuite nous avons besoin de mettre en place les réformes. Donc si nous ne passons pas par le dialogue avec les syndicats ou les élus locaux, on peut ne pas réussir à mettre en place même la meilleure des réformes. Dans une démocratie, il est important que toutes les opinions, même les plus divergentes, puissent s’exprimer dans un cadre, sinon nous prenons le risque qu’elles s’expriment ailleurs.
En tant que vice-président d’un organe législatif national, quel regard portez-vous sur les relations entre l’UE et les parlements des États membres ? Et entre le Parlement européen et l’Assemblée Nationale ?
L’Union européenne traverse une phase difficile. Ma génération a toujours vu l’Europe grandir, avancer, s’élargir… Aujourd’hui on se rend compte que l’UE ne fonctionne pas bien, au point qu’un Etat a décidé d’en sortir. Il faut s’interroger sur les raisons qui ont emmené un peuple à penser qu’il faut mieux en sortir que y rester. A l’évidence il y a une distance entre les institutions européennes et la réalité qui vivent nos concitoyens. Cela nécessite beaucoup de pédagogie car les grands questions, telles que l’emploi, l’énergie, l’immigration, l’économie ne pourront pas se résoudre au niveau national. Les citoyens européens considèrent les institutions comme incompréhensibles, puis ils trouvent que les intérêts de l’ensemble des pays UE ne correspondent pas à celle de chaque pays. En outre, les citoyens ne savent pas combien les institutions européennes font pour eux. Personnellement je suis étonné de constater, lors de mes déplacement officiels, un discours très anti-européen, notamment dans le monde rural, quand on sait combien la Politique Agricole Commune (la PAC, nldr) a permis de soutenir l’agriculture française. Cela me fait penser qu’on a raté quelque chose. Donc il faut toujours dire et redire les montants attribués par l’UE à différents projets.
« A l’évidence il y a une distance entre les institutions européennes et la réalité qui vivent nos concitoyens. Cela nécessite beaucoup de pédagogie car les grands questions, telles que l’emploi, l’énergie, l’immigration, l’économie ne pourront pas se résoudre au niveau national »
Vous pensez donc que ce qu’il faudrait pour la France, serait utile aussi pour réformer l’Europe ?
Oui. Il faut porter les combats, les défis dont je parlais au sujet de la modernisation des institutions françaises aussi pour celles européennes. Il faut rénover et moderniser les institutions UE pour qu’elles deviennent plus accessibles et efficaces. Mais il faut aussi sortir de l’ « euro béatitude »
A propos de l’Europe, vous avez déclaré sur le plateau de CNews : « Les nationalistes, cyniques, veulent déconstruire l’Europe et trahissent ses valeurs. Nous leur opposerons un projet progressiste pour une Europe nouvelle, forte, unie et solidaire ». N’y-a-t-il pas un face-à-face avec la souveraineté de chaque pays et cette vision progressiste de l’Europe ?
Bien sûr, dans chaque État membre il y a des éléments de préoccupation. Viktor Orbàn en Hongrie, Matteo Salvini en Italie, la poussée de l’extrême droite en Allemagne et en France. Partout il y a une poussée des nationalistes qui font de l’UE un bouc-émissaire. Il faut qu’on puisse mieux lutter contre ce discours mais aussi proposer quelque chose d’alternatif et factuel. Mais, je répète, en faisant cela nous ne devons pas être eurobéats.
Pensez-vous que les institutions européennes doivent davantage « rendre des comptes aux citoyens » ? Par exemple, à travers le parlement européen qui, grâce au Traité de Lisbonne, a acquis plus de pouvoirs ?
Dans le même sens qu’on le disait de la France, l’UE ne peut se satisfaire d’un fonctionnement où les représentants des États décident dans le Conseil de l’Union Européenne et que les parlementaires se montrent une fois tous les cinq ans. Oui, il faut associer les citoyens aux décisions. Oui, il faut rendre compte parce que cela est un principe sain pour la démocratie et c’est même l’article 15 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Donc je pense que nous devons trouver des moyens d’amélioration. Par exemple, renforcer l’enracinement d’un député européen afin de lui permettre de faire aussi une sorte de médiation entre les États et l’Union européenne.
Avez-vous des propositions concrètes ?
La France a fait des propositions qui n’ont pas été saisies comme les listes transnationales. Je crois aussi qu’il faut dépasser le fait qu’un député européen ne représente qu’un territoire. Ça ne devrait être pas le cas car il n’est pas un lobbyiste, un représentant d’intérêts. Le député européen ne doit pas être le représentant de son pays et il doit porter des intérêts supérieurs, l’intérêt de l’Union européenne.
« Le député européen ne doit pas être le représentant de son pays et il doit porter des intérêts supérieurs, l’intérêt de l’Union européenne »
Vous n’avez pas apprécié le fait que l’ Aquarius ne soit pas accueilli à Marseille cet été. Pensez-vous que la politique d’accueil de la France nécessite d’être revue ?
Cette question est complexe. Elle touche plusieurs sujets : la politique d’immigration et celle de l’asile…. Puis il y a des circonstances qui n’étaient pas prévisibles en 2017, lorsque que nous avons commencé à réfléchir sur ces thématiques. Des questions qui se résument bien dans cette question : que faire d’un bateau qui transporte des personnes en état de détresse qui devrait tout naturellement arriver sur les côtes italiennes ? Elles ont été fermées, suite à une décision du gouvernement. Il faut réfléchir sur une réaction de la France. Il faut tenir compte de la décision des Italiens. D’un côté le choix du gouvernement italien de fermer ses ports face à des personnes en situation de détresse sur un bateau et de l’autre, le choix de laisser ce même bateau voguer de port en port sans savoir où finalement il sera accueilli . Ce n’est pas une question sur le droit d’asile mais d’une assistance humanitaire. La France ne les a pas accueillis. Je me suis réjouis que l’Espagne ait fait valoir les valeurs auxquels nous sommes attachés dans l’Union Européenne. Puis le problème s’est posé à nouveau en août. Et là ce que je disais en mai s’est réalisé. On ne peut pas porter assistance à des migrants en détresse sans se coordonner au niveau européen, parce que les efforts doivent être partagés et ne pas peser seulement sur l’Italie. Sinon nous ne devons pas nous étonner que les Italiens fassent certains choix politiques. Je crois qu’il faut réviser le règlement de Dublin pour apporter une réponse concertée à l’urgence de l’immigration. Il faut aussi que nous puissions travailler sur les frontières extérieures ainsi que sur les relations avec les États de départ.
Revenons en France, à Paris. Votre nom a été évoqué pour la Mairie.
D’abord laissez-moi vous dire que nous ne sommes pas encore dans le temps des municipales, qui auront lieu dans un an et demi. Cela laisse beaucoup de temps à la municipalité qui dirige la ville actuellement pour avancer, proposer et faire des choses. En tant que citoyen de Paris, j’ai envie que cette municipalité puisse mettre en pratique le programme pour lequel elle a été élue. On n’est pas non plus dans le temps du bilan, ni dans la présentation d’un projet.
D’accord, mais avez-vous des ambitions politiques pour la mairie de Paris ?
Je ne souhaite pas participer à une course de petits chevaux. Je le répète : le temps de la campagne municipale n’est pas encore venu. De plus, je crois qu’il faut se souvenir pourquoi les Français nous ont élus. Personnellement je ne pense pas avoir été élu par les habitants du 15ème arrondissement de Paris pour m’engager dans une autre élection quelques mois plus tard. Aujourd’hui, je suis député de la 13ème circonscription de Paris et Vice-président de l’Assemblée nationale et je me consacre à ma tâche et à mes responsabilités. Ensuite, dire « il faut battre Anne Hidalgo » n’est pas un programme. Ça n’a aucun sens. L’heure n’est pas au bilan de son mandat. Je ne m’inscrirai jamais dans l’opposition stérile et systématique.Je m’interroge : que ferions-nous de mieux qu’elle aujourd’hui, en matière de propreté, de lutte contre l’insécurité, de transport ou encore de lutte contre la pollution ? Avant de parler de personnalités, allons à la rencontre des Parisiens pour bâtir un programme tiré de leurs impressions, leurs critiques et leurs propositions. D’ici là, mobilisons-nous pour les élections européennes, parce qu’il en va de l’avenir de l’Europe, de la France et donc de Paris.
« Dire « il faut battre Anne Hidalgo » n’est pas un programme. Ça n’a aucun sens. L’heure n’est pas au bilan de son mandat. Je ne m’inscrirai jamais dans l’opposition stérile et systématique »
Imaginons, quand même, que vous remportez le Mairie, qu’est-ce que vous changeriez à Paris ?
Je viens de vous le dire. Je ne peux pas avancer des mesures alors qu’il n’y a pas de programme. Je peux m’exprimer seulement en tant que citoyen : je trouve qu’il y a des choses qui vont dans le bon sens. Cela ne fera pas plaisir à ma famille politique mais je le dis parce que je le pense. Je suis élu de la majorité et automobiliste parisien… Donc je devrais être plutôt contre Anne Hidalgo par principe… Cependant je trouve que ce qui est fait en matière de lutte contre la pollution et de réduction de la place de la voiture va dans le bon sens. J’aimerais que mes enfants puissent respirer un air plutôt pur. Donc sur ce sujet, j’accompagnerai toujours la Maire. Sur la question des migrants et des réfugiés, je pense qu’elle a une attitude courageuse. Paris est vue dans le monde non seulement comme la capitale de la France mais aussi comme la capitale de la liberté. Ce que je pourrais faire de différent, je le dis en tant que citoyen, pourrait se situer dans la capacité des familles à rester parisiennes. Quand on veut fonder une famille, on ne peut plus venir ou rester à Paris car les prix flambent. Je ne veux pas me résoudre au fait qu’en cette ville existent seulement des cas limites. Des appartements loués à prix d’or via AirBnB par des propriétaires qui vivent ailleurs. Des logements hors de prix, achetés par des personnes revenant de Londres parce qu’ils ont des moyens… Pour moi c’est un vrai sujet de préoccupation. Si on ne veut pas que Paris se vide de sa substance, il faut retrouver le moyen d’y faire rester des familles et de la diversité. Les priorités sont donc celles-là : refaire de Paris une ville de diversités, lutter contre la pollution, améliorer la propreté comme la sécurité. Il est temps de bien revivre à Paris.
« Cela ne fera pas plaisir à ma famille politique mais je le dis parce que je le pense. Je suis élu de la majorité et automobiliste parisien… Donc je devrais être plutôt contre Anne Hidalgo par principe… Cependant je trouve que ce qui est fait en matière de lutte contre la pollution et de réduction de la place de la voiture va dans le bon sens »
Que représente la « parenthèse » que vous refusez dans votre livre ?
Dix-huit mois après la victoire il fallait poser des mots. Il fallait exprimer ce qui m’a fait basculer et dire ce en quoi je crois. Pourquoi « parenthèse » ? Parce que nous nous présentons aux électeurs avec un nouveau projet dans une période de « dégagisme à la française », une période marquée par une réelle défiance entre les citoyens et leurs représentants. Emmanuel Macron a rassemblé des personnes venant d’horizons complètement différents. Ailleurs aussi il y a eu des expériences similaires (pensons à Syriza ou à Podemos). Mais la différence est que avec En marche ! cela a fonctionné. Notre originalité est due au fait que notre méthode a été préalable à la vision. Et maintenant on doit se demander si nous sommes une parenthèse dans la vie politique française. Doit-on agir seulement par pragmatisme ou en se basant seulement sur l’efficacité ? Je crois qu’aujourd’hui l’enjeu est de savoir qui nous sommes. Il nous faut une vision. Un corpus idéologique. Quelque chose qui puisse se pérenniser même après Emmanuel Macron.
« Emmanuel Macron a rassemblé des personnes venant d’horizons complètement différents. Ailleurs aussi il y a eu des expériences similaires (pensons à Syriza ou à Podemos). Mais la différence est que avec En marche !, cela a fonctionné »
Vous parlez dans le livre, de l’espoir d’une société inclusive alors qu’aujourd’hui encore des pans entiers de la société française ne sentent toujours pas inclus. Nous pensons notamment aux manifestations de La Manif Pour Tous par exemple… Quel message leur adresseriez-vous ?
Le progressisme doit être un objectif qui n’est pas seulement pour la France ou pour l’Europe. C’est une exigence pour construire une société inclusive. Tout le monde peut trouver sa place, indépendamment de sa condition ou de sa situation. C’est la société qui s’adapte à l’individu et à ses apports à ses capacités Je veux apporter ma pierre à l’édifice de la France et de l’Europe pour que chacun se sente concerné par son voisin. Je trouve que la situation actuelle est très préoccupante parce qu’il y a des France qui s’ignorent et qui se caricaturent. Ou pire qui se confrontent. Chacune de ces France pense être « la » France. Il y a les urbains, les périphériques. Il faut de la justice sociale, un projet inclusif et revenir à une démocratie apaisée.
« Le progressisme doit être un objectif qui n’est pas seulement pour la France ou pour l’Europe. C’est une exigence pour construire une société inclusive »
« Le refus de la parenthèse » de Hugues Renson
Débat Public Editions
195 pages, 18 euros (12,99 euros édition numérique) (*) Cette interview a été réalisée en plusieurs temps. La partie principale a été réalisée avant le début du mouvement des Gilets Jaunes.
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(Crédit photo à la une, © Bruno Levy – Hugues Renson au Perchoir de l’Assemblée Nationale, © Assemblée Nationale)