Valmont Achalme : « InCadaqués essaie de faire la jonction entre la France, l’Espagne, la Catalogne, tout en ne choquant pas les Catalans »

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Fondateur du très beau festival de photographie « InCadaqués » en Catalogne, Valmont Achalme est lui-même photographe. Formé à l’école supérieure de l’image et du design de Barcelone (UAO), il est aussi le créateur du Lumigraphe, une caméra offrant une vision bien singulière du monde qui l’entoure. Putsch l’a rencontré.

propos recueillis par

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Pourquoi un festival de photos à Cadaqués ?

J’ai moi-même exposé à Cadaqués mes photos prises avec le Lumigraphe, et grâce à cela, j’ai rencontré de nombreux photographes et de personnes du monde de la photo. Comme je faisais mon expo dans les rues de Cadaqués, je me suis dit que ce serait bien d’inviter d’autres gens à exposer ici aussi. A partir de là, l’idée a grandi jusqu’à monter un festival de photos (lire le reportage de Natacha Coroller, Nldr). J’avais déjà organisé d’autres événements à Cadaqués pendant pas mal d’années et je faisais de la promotion pour le village sur ses différents sites, j’étais une sorte de guide en ligne. Du coup, je connais tout le monde ici et c’était assez facile de créer des connexions et de fédérer un peu tout le village dans ce projet.

 

 

« Grâce à Dali, il y a aussi beaucoup de personnes du monde entier et de différents milieux qui sont venues à Cadaqués »

 

Vous êtes photographe et aussi le créateur du Lumigraphe, pouvez-vous présenter cet objet ?

Mon idée était de marier l’outil le plus ancien, la camera obscura, avec l’appareil le plus moderne que tout le monde utilise, le smartphone. C’est un appareil qui fait des photos différentes, et j’ai développé cet appareil aux Etats-Unis, j’en suis à l’étape où j’ai construit des prototypes et il me reste à trouver une entreprise qui m’aide à financer la production pour le commercialiser. L’idée du festival, c’était aussi de trouver de possibles sponsors dans le monde de la photo qui pourraient s’intéresser au Lumigraphe, et en assurer une première production puis le mettre sur le marché. Ça fait deux ans que je travaille dessus pour le développer. La première année du festival, j’ai mis en place une énorme caméra obscure pour que les gens puissent y entrer et voir son effet qui est naturel. Et en fait c’est drôle parce que lorsqu’on montre le résultat aux gens ils hallucinent, alors qu’il ne s’agit que d’un effet mécanique. D’ailleurs dans le festival, nous essayons beaucoup d’explorer des procédés alternatifs, des objets photographiques différents, le thème s’axe surtout sur la création, la recherche, les différentes méthodes et techniques. Par exemple, dans des festivals comme à Paris Photos ou à Arles, on ne voit que des photos, là on essaie d’explorer de nouveaux supports.

 

(Vidéo du Lumigraphe par Valmont Achalme)

 

En quoi le village de Cadaqués est-il un lieu scénographique ?

D’une part, Cadaqués c’est petit, donc très facile à visiter, tout s’y fait à pied, et c’est aussi connu pour être un des villages ayant le plus de galeries par habitant. D’autre part, Dali y organisait plein d’événements un peu surprenants et surréalistes, et nous recherchons, dans cet esprit-là, à surprendre les gens avec une expo sous l’eau par exemple, ou bien de petites expériences dans l’église avec une caméra qui prend de la lumière pendant un an. C’est un peu une tradition dans le village très lié aux surréalistes et Dali y faisait un peu ce qu’il voulait. D’ailleurs, on a de nouvelles idées pour la prochaine édition du festival comme de faire des choses sur des bateaux, ou même des projections sur des rochers.

 

Quelle empreinte reste-t-il de la figure de Salvador Dali dans le village ?

Le Théâtre-Musée Dali à Figueres est un des musées les plus visités en Espagne, et il reste en rapport avec la Maison-Musée Salvador Dali à Cadaqués qui accueille de nombreux visiteurs toute l’année. Grâce à Dali, le village est resté préservé, car il avait suffisamment d’autorité pour empêcher toutes sortes de constructions qui auraient déformé Cadaqués, comme c’est le cas à Roses ou à Empuriabrava. Du coup, Cadaqués est resté un petit village, sans grandes structures. Grâce à Dali, il y a aussi beaucoup de gens du monde entier et de différents milieux qui sont venus à Cadaqués. C’est un vrai bouillon de cultures et d’ambiances, le tout sans « bling bling ».

 

 

« Rencontrer, découvrir, profiter du lieu, et inspirer les gens sont les objectifs fixés par le festival InCadaqués »

 

 

Un festival international dans un contexte catalan complexe… Comment le festival est-il accueilli dans la région?

C’est une vraie question car on est à la fois en train d’ouvrir les portes à des artistes internationaux mais aussi à des photographes catalans assez connus dans la région, par exemple Joana Biarnés ou Mayte Vieta. D’ailleurs cette dernière est indépendantiste et en même temps contente que son travail ne soit pas vu exclusivement que par des Catalans. Les autres festivals de la région, comme à Barcelone, sont très centrés sur les artistes catalans, mais InCadaqués essaie de faire la jonction entre la France, l’Espagne, la Catalogne, d’ouvrir des portes tout en ne choquant pas les Catalans et en respectant l’identité catalane de Cadaqués. Et au final, les habitants sont contents du festival et comprennent que c’est intéressant pour le village. On ne milite pas pour l’indépendance mais on n’exclut pas les Catalans non plus, on se positionne entre les deux. Mais pour moi, l’art ne doit pas se mélanger à la politique, il faut être ouverts, et ce ne serait pas logique d’exclure le reste du monde sinon on se renferme.

 

Quels sont les critères de sélection des photographes qui exposent ? Y a-t-il un lien entre chacun d’eux malgré la diversité de leurs univers ?

Au niveau des techniques, on essaie d’avoir un éventail de différentes propositions : photos de reportages, de mode, de street art, de fine art etc… On essaie de trouver différents aspects sans les multiplier non plus. On se sert aussi des différentes connexions liées au réseau de Cadaqués. Ce sont aussi des personnes qui ont envie d’être ici à Cadaqués et d’y passer un bon moment, car nous n’avons pas beaucoup de budget et nous leur demandons de venir par leurs propres moyens, tout cela dans la diversité et en proposant des choses nouvelles. On se positionne comme une grande galerie permettant aux photographes de vendre leurs œuvres, et nous leur demandons en soutien au festival d’accepter que l’on prenne une commission sur leurs ventes.

 

Quelle marque voulez-vous donner à ce festival ?

J’aimerais faire une sorte de « Paris Photo » où l’on puisse acquérir de belles œuvres tout en profitant du lieu qu’est le village de Cadaqués, en conservant un lien de proximité entre les photographes et les festivaliers, et le fait que le village soit petit le permet. Rencontrer, découvrir, profiter du lieu, et inspirer les gens sont les objectifs fixés par le festival InCadaqués.

 

Quelle est votre stratégie concernant le développement de votre budget, encore très modeste ?

Les sponsors sont souvent frileux face à la nouveauté mais plus on avance, plus on consolide de liens avec des partenaires qui voient nos efforts et le potentiel qu’a un tel festival dans le village de Cadaqués. On essaie d’obtenir des sponsors un peu partout, aussi bien de Barcelone, que de Paris ou ailleurs en France. On développe aussi des partenariats avec d’autres festivals comme par exemple celui de Yakushima au Japon. Il y a également d’autres festivals qui veulent s’allier à nous, et inversement. Ces alliances permettraient, en se soutenant tous ensemble, de mieux se faire connaître et de trouver des partenaires communs. Notre stratégie, c’est de grandir en qualité et d’avoir des partenaires de plus en plus solides. Dans un premier temps, il est important aussi d’avoir du soutien local, cette année par exemple, la ministre de la culture de Catalogne est venue voir le festival donc on espère obtenir facilement des subventions pour l’année prochaine. Dans un second temps on peut faire appel à des partenaires externes type Fugifilm ou Olympus. On a aussi quelques mécènes qui aiment l’art et ont peur que Cadaqués perdent cet esprit en s’orientant vers du tourisme de base.

 

Qu’envisagez-vous pour la suite du festival ?

On va s’orienter davantage sur la qualité que sur la quantité. Pour cette seconde édition, on a fait un gros effort pour pouvoir prendre de l’ampleur au niveau médiatique. On souhaiterait réduire le nombre d’exposants qui étaient trente-cinq cette année à une vingtaine.
On aimerait surtout attirer des collectionneurs, qui veulent découvrir ces photographes et acquérir leurs photos. Notre objectif est d’attirer du monde hors saison à Cadaqués et une population qui soit intéressée par l’achat d’œuvres.

 

Le site officiel du Festival

www.incadaques.com

 

(©Valmont Achalme Lumigraphe)

 

Le Lumigraphe de Valmont Achalme

A propos du Lumigraphe :
Littéralement « l’écriture par la lumière ». Une camera obscura alliée à un smartphone  pour retranscrire l’image analogique dans l’ère du numérique. Papiers, toiles, or, bronze, argent sont autant de fonds utilisés pour attraper la lumière et créer différentes textures.

 

(crédit photo de couverture ©Katharine Cooper)

 

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