Sylvain Runberg : « On peut créer de la haine à partir de n’importe quoi »

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Avec le premier tome de « Clivages », Sylvain Runberg (scénariste) et Joan Urgell (dessinateur) ouvrent une fenêtre sur une guerre civile dans un pays européen imaginaire. Une histoire qui, selon son scénariste, est fortement inspirée des guerres civiles qui ont ensanglanté l’Europe à partir des années 1990 ou qui sont encore d’actualités dans certains pays.

propos recueillis par

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Une guerre civile, quelque part en Europe. C’est le cadre dans lequel se déroule l’histoire de  « Clivages ». Pourquoi avoir choisi ce thème ?

C’est un projet que j’avais en tête depuis pas mal d’années, et comme souvent, le sujet avait besoin de maturation. Je voulais un personnage principal et une famille qui avaient une vie normale afin que le lecteur puisse mieux s’identifier à leurs épreuves. Montrer que les enfants n’étaient pas épargnés, était aussi un sujet qu’il m’intéressait de traiter. Tout comme rappeler que l’on peut créer de la haine à partir de n’importe quoi, ce à quoi, en Europe, de multiples mouvements d’extrême droite, s’emploient avec succès depuis quelques années, ici aussi en France. Les fantasmes de guerres civiles à venir véhiculés par des idéologues xénophobes comme Eric Zemmour (retrouvez l’interview d’Eric Zemmour dans Putsch, Nldr) ou Laurent Obertone (retrouvez l’interview de Laurent Obertone dans Putsch, Ndlr) en sont des exemples aussi absurdes que dangereux.

 

Couverture de « Clivages » Tome 1 – ©Editions Robinsons

 

En lisant les prénoms  des personnages, ainsi que les paysages, on pourrait penser que vous vous êtes inspiré des guerres dans l’ex-Yougoslavie ou à celle qui encore oppose le Russie à l’Ukraine. Est-ce le cas?

Le point de départ de mon inspiration sont effectivement les événements en ex-Yougoslavie dans les années 90. C’est une guerre fratricide à deux pas de chez nous que l’on a tendance à oublier. Pour preuve ce récent discours d’ Emmanuel Macron où, en prenant la défense de la notion même de l’Europe, il décrit cette partie du monde qui n’a plus connu la guerre depuis le second conflit mondial. Et si je m’inspire de la Yougoslavie sans la citer, c’est pour les mêmes raisons d’identifications. Ce qui est intéressant dans ce conflit en ex-Yougoslavie, c’est que ces Croates, ces Serbes, ces Bosniaques ne se détestaient pas au départ. Ils vivaient en harmonie jusqu’à ce que plusieurs mèches soient allumées par des extrémistes de tous bords, comme c’est souvent le ça.

 

« Ce qui est intéressant dans ce conflit en ex-Yougoslavie c’est que ces Croates, ces Serbes, ces Bosniaques… Ne se détestaient pas au départ… »

 

Vous avez aussi pensé à l’actualité européenne de ces derniers mois pendant l’écriture du scénario de « Clivages »?

En effet. Tout en prenant des notes et en imaginant mes personnages, d’autres évènements se sont greffés comme ceux en Ukraine après la révolution Orange qui laissaient pourtant à penser que cela allait ouvrir une période plus apaisée dans ce pays. Des gens au même mode de vie que nous, se sont retrouvés à chaque fois au cœur d’un conflit armé auquel ils ne s’attendaient pas du tout et dont ils ne sortiront pas indemnes.

Il y a un élément très français : le cinéclub. Une façon de dire que la culture survit à la guerre ?

On trouve des cinéclubs ailleurs qu’en France en Europe et dans le monde, mais oui, la culture, notamment, et la rencontre et le mélange des cultures sont des éléments de paix évident. Mais, au delà de la culture, ce cinéclub représente aussi la volonté de ces personnages d’essayer de préserver une partie de leur quotidien, pour garder cet espoir nécessaire en un avenir meilleur, face aux horreurs de la guerre qui les rattrapent.

Au fil des pages, on sent monter la tension et la colère de certains personnages. On découvre un double jeu et des alliances. Cependant des personnages tels que Juliana ou le maire de Pernissi, s’investissent pour leurs concitoyens. Que est le sens de leur dévotion ?

Le maire est assez rapidement dépassé par les évènements et Juliana va tenter de combler ce vide. Son métier, c’est de sauver des vies, sans distinction.  Elle tente d’apaiser les tensions au sein des militaires. Certains habitants sont aussi tentés par la violence pour s’opposer à eux.

 

« C’est un mélange de fiction et de référence à des personnes ou des faits réels qui fondent les personnages de Clivages »

 

De qui vous êtes vous inspiré pour brosser les profils des personnages principaux ?

J’ai rencontré des membres d’ONG, comme Médecins Sans Frontières, qui ont travaillé en Ukraine, en Afghanistan, en Syrie, des réfugiés aussi, venus de Syrie, et évidemment je me suis documenté sur les conflits dont je me suis inspiré. C’est un mélange de fiction et de référence à des personnes ou des faits réels qui fondent les personnages de « Clivages ».

Celui qui va paraître le 7 novembre 2018 sera le premier tome d’une série. Pourriez-vous nous donner quelques pistes pour la suite ?

« Clivages » sera un diptyque, un récit complet en deux tomes donc. Dans le tome 2, on verra si Juliana réussit son pari : maintenir l’équilibre précaire qui règne dans sa commune avant que les éléments les plus violents de ce conflit ne mènent tout le monde au massacre.

Quels sont les autres projets prévus ?

Il y aura des suites de projets déjà publiés, « Orbital », « Millenium Saga », « On Mars », « Le Chant des Runes » notamment, et de nouveaux projets, comme « Zaroff », « Dominants », « Les Griffes du Gévaudan », « Conan », « Jakob Kayne », « Optic Squad» ainsi qu’un nouveau projet chez Hachette encore, avec le journaliste et romancier Olivier Truc au scénario et Nicolas Otero au dessin, « On Est Chez Nous », un thriller qui se passe dans une municipalité tenue par l’extrême droite dans le Sud de la France.

 

« Clivages »
Lignes de Front – Tome 1
Scénariste : Sylvain Runberg
Dessinateur : Joann Urgell
Robinson
Hachette Comics

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