La culture à France Télévisions : un monde à réinventer

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Francis Guthleben est écrivain. Il a notamment signé deux livres consacrés à l’audiovisuel public. Il a été également journaliste d’investigation pendant dix-huit ans et cadre de direction au sein de France Télévisions.

Il y a exactement un an, le président de la République avançait ses premiers pions pour mener une refondation complète de l’audiovisuel public et en premier lieu de France Télévisions. Depuis des jeux de pouvoir, des tergiversations et un manque criant de plan de bataille avec à sa tête un véritable chef capable de mener les troupes ont conduit à un immobilisme mortel, dans lequel la culture fait en premier lieu les frais.

 

La culture perd chaque jour du terrain en France. Il faut en prendre conscience, accepter de le reconnaître et agir. C’est un drame national. Le XXIe siècle offre les savoirs et les technologies pour partager la culture, mais celle-ci devient une affaire de caste, de clan et de privilégiés. France Télévisions, ses dirigeants, ses directeurs de programmes, ses partenaires producteurs, réalisateurs se situent pour l’essentiel dans cet élitisme-là et sont déconnectés du quotidien des Français. Il suffit de regarder les grilles de programmes pour s’en rendre compte. De jolies émissions bien sûr, mais aux formats inadaptés aux usages contemporains et aux attentes d’aujourd’hui, diffusés généralement en deuxième partie de soirée, le tout pour un public averti. En somme de la culture par des gens cultivés pour des gens cultivés.

 

Rien ne va plus

En 2002, Catherine Clément écrivait déjà dans un rapport resté célèbre : « Le symptôme majeur du mal de la culture sur France Télévisions tient à ses créneaux de diffusion – la nuit et l’été. »
En 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel constatait toujours que 75% de l’offre culturelle est programmée entre minuit et 6 heures du matin.

 

« France Télévisions, ses dirigeants, ses directeurs de programmes, ses partenaires producteurs, réalisateurs se situent pour l’essentiel dans cet élitisme-là et sont déconnectés du quotidien des Français. Il suffit de regarder les grilles de programmes pour s’en rendre compte »

 

En mars 2018, INA Stat a souligné que sur la période 2014-2018, dans les JT c’est M6 qui a proposé le plus de sujets « culture-loisirs » suivie de TF1, France 2, Arte, France 3. Le service public de l’audiovisuel est donc en queue de peloton.
En juillet 2018, dans la torpeur estivale et l’indifférence générale, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a diffusé son rapport annuel sur l’exécution du cahier des charges de France Télévisions. Il fallait se donner la peine de lire ce pavé de 143 pages. Même si les sages de la Tour Mirabeau à Paris n’ont pas la réputation d’être des va-t-en-guerre, ils y décochent des flèches qui dans bien des démocraties modernes, conduiraient à des limogeages et des plans de redressement. Le tout est signifié dans un chapitre intitulé : « Une exposition trop frileuse de la culture ».

Un extrait : « En 2017, plusieurs émissions culturelles ont vu leur diffusion prendre fin sans être remplacées par de nouvelles propositions. Le Conseil déplore ce nouveau recul de l’exposition de l’actualité culturelle et des créateurs, alors que 2016 avait déjà été marquée par l’affaiblissement de ce type de programmes (…) ». Et voici la conclusion : « Si l’actualité culturelle est abordée, avec une visée souvent promotionnelle, dans les magazines du groupe, l’absence de programme de durée substantielle consacré à la transmission de la culture classique doit être soulignée. D’autre part, la mission portant sur l’offre culturelle du groupe confiée à l’été 2017 à Michel Field, dont les travaux n’ont fait l’objet d’aucune communication publique, ne semble pas à ce stade avoir eu d’influence sur la programmation culturelle du groupe. Le projet de création d’une offre numérique commune avec France Culture n’a, par ailleurs, pas trouvé d’aboutissement à ce jour ». On ne saura jamais si les membres du CSA, auteurs de ces lignes, sont de facétieux admirateurs de la sixième chanson de l’album de Jacques Higelin intitulé « Tombé du ciel ».

 

« Même si les sages de la Tour Mirabeau à Paris n’ont pas la réputation d’être des va-t-en-guerre, ils y décochent des flèches qui dans bien des démocraties modernes, conduiraient à des limogeages et des plans de redressement »

 

Le 12 juillet 2014 se tenait aussi une journée de débats et de réflexion au Sénat sous le titre : « Quel avenir pour l’audiovisuel à l’heure du numérique? ». Là, c’est Catherine Morin-Dessailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, qu’il fallait écouter et à qui on aurait dû, sur le champ, tresser une couronne de lauriers pour sa lucidité et son franc parler : « La politique du laisser faire n’est plus possible, il y a urgence à organiser une alternative à une offensive culturelle sans précédent qui menace de standardiser les œuvres, les idées, les modes de vie sur un modèle qui n’est pas le nôtre. C’est un enjeu de civilisation ».
J’ajoute que je considère que France Télévisions doit être un partenaire de premier plan de tous les acteurs de la culture en France pour la diffusion de la culture, sa promotion et sa diffusion. On en est loin.

 

Tout est à revoir

Je le dis tout net : la place de la culture au sein de France Télévisions est à revoir de fond en comble. Pour commencer, il faut revenir aux fondamentaux. Qu’est ce que la culture ? Et quel rôle original peut jouer France Télévisions dans ce domaine à l’heure ou des acteurs des médias, des champions du marketing, des as du digital s’engagent dans la culture dans le cadre de démarches mercantiles qui en font un produit comme un autre.
Je pense à la philologue et essayiste Jacqueline de Romilly qui estimait que la culture est formée par « des couches successives de connaissances non pas présentes à la conscience, mais plus ou moins disponibles, plus ou moins précises, qui rempliront à chaque instant les perceptions de l’existence ».
Je pense aussi à une déclaration de l’Unesco : « La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »
Et je n’oublie pas le préambule de la Constitution de 1946. Il prévoit que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». J’ajoute la conviction personnelle que la culture n’est pas du savoir, mais de l’être.
C’est sur ces valeurs et ces principes qu’il faut s’engager en tenant compte de trois évolutions mondiales majeures. D’abord, l’explosion du nombre de terminaux connectés qui provoque une multiplication des moments de consommation et des nouveaux usages. Ensuite, les nouvelles formes de monétisation digitales. Enfin, l’action des pays émergents qui deviennent producteurs aussi, bien plus que consommateurs.
Le traitement de la culture par France Télévisions doit reposer demain sur quatre thématiques : la pédagogie, la participation, l’anticipation et la gamification.

 

De la pédagogie

La télévision publique doit conduire les non-initiés vers la culture. On ne peut pas se prévaloir d’un statut de télévision de service public sans faire œuvre de pédagogie autour des 1 200 musées; des 14 000 écrivains, illustrateurs, photographes, auteurs, compositeurs ; des 30 000 architectes ; des 500 000 entités archéologiques ; des 4 000 kilomètres linéaires d’archives; des 14 000 monuments classés qui composent la France.

 

« France Télévisions doit faire visiter les 2 200 galeries d’art contemporain; parcourir les 350 festivals de cirque et d’arts de la rue; nous initier au street art et à toutes les cultures urbaines »

 

France Télévisions doit faire visiter les 2 200 galeries d’art contemporain; parcourir les 350 festivals de cirque et d’arts de la rue; nous initier au street art et à toutes les cultures urbaines ; faire découvrir l’univers des jeux vidéo. Notons au passage qu’il n’est pas acceptable aujourd’hui que France Télévisions ne produise pas de jeux vidéo alors qu’un ménage sur deux possède une console et que plus de 70 % des Français sont joueurs.
Grâce à une approche centrée sur l’apprentissage ludique, interactif, multiple, la culture cessera d’être clivante, pour devenir l’affaire de tous et de chacun. France Télévisions a initié des programmes réussis dans ce domaine avec Jean-François Zygel, Franck Ferrand et Stéphane Bern, mais ils doivent être beaucoup plus nombreux. Le groupe public doit nous faire grandir, nous faire prendre conscience de nos valeurs, de nos richesses. Dans le rapport à la culture, il faut privilégier la dimension sensitive, émotionnelle et intuitive.

 

De la participation

Le deuxième principe fondateur doit être l’intégration du public dans le processus de création et de diffusion de contenus.
Les grandes réussites de ces dernières années étaient des créations indépendantes, « des films faits à la maison » sans que quiconque ne soit titulaire d’une carte de presse, d’un diplôme de réalisateur ou ne bénéficie de l’environnement d’une société de production. Ces créations se sont même passées de diffuseurs traditionnels. Elles ont eu du succès sur les plateformes de partage de vidéos et sur les réseaux sociaux. Si le groupe public accepte que la culture soit l’affaire de tous pour tous, cette culture deviendra un élément de renforcement du lien social et permettra de développer un sentiment commun d’appartenance.

 

De l’anticipation

Aujourd’hui, France Télévisions accorde la primauté à la culture patrimoniale. Cela participe à un clivage entre les générations. Or, il faut que le groupe public soit découvreur, défricheur et testeur en matière de création de programmes culturels. Il ne doit pas seulement donner au public ce qu’il aime, ce qui est acquis dans ses univers de référence, mais ce qu’il pourrait éventuellement un jour aimer. Le groupe public doit être un « agitateur de neurones ».
Contrairement à ce qui est souvent prétendu, la demande est là. 40 % des Français considèrent manquer d’informations sur les biens culturels ou déclarent avoir du mal à identifier les œuvres susceptibles de leur plaire. 61 % des téléspectateurs souhaitent obtenir des recommandations culturelles personnalisées sur leurs écrans. (Source : Enquête Kurt Salomon sur les usages, attentes et freins en termes de consommation culturelle auprès de 4 000 personnes en France, Royaume-Uni, États-Unis et Chine dont 1 000 en France, avril 2014).
Le groupe public doit proposer au public des expériences complètes avec l’apport des outils digitaux. En amont d’un programme culturel, France Télévisions doit imaginer des manières de préparer le public. Au risque d’en choquer certains, le groupe public doit utiliser les techniques du marketing digital pour diffuser la culture. D’autant que le public a appris à repérer les bonnes et les moins bonnes pratiques. Il est devenu beaucoup plus exigeant et a vite fait d’éliminer de son environnement tout fournisseur de biens et d’informations qui ne lui apporte pas des satisfactions et des services à foison.
Ensuite, pendant la diffusion, il faut enrichir le programme, le rendre intelligible, engageant, permettre des partages. Enfin, après la diffusion, il convient d’offrir des contenus complémentaires afin que l’expérience se prolonge.

 

De la gamification

Pour toucher les jeunes qui ont grandi avec le numérique, qui sont nourris d’images rapides, esthétisantes, de synthèse, défilant à grande vitesse dans des scénarisations pensées jusqu’à l’extrême, France Télévisions n’a pas d’autre solution que d’utiliser ces codes dans ses offres culturelles. Les jeunes écoutent de la musique, regardent des vidéos notamment sur le téléviseur, sont sur les réseaux sociaux et pratiquent des jeux vidéo. Des productions audiovisuelles classiques s’apparentent pour eux à des gravures du XVe siècle.
France Télévisions doit proposer de la gamification autour de ses contenus culturels. L’antenne traditionnelle doit cesser d’être le support de diffusion premier et de référence. Il faut produire des jeux culturels, lancer des applications pour les smartphones. Des démarches interactives et innovantes permettrait l’accès à la culture de manière immersive et attractive.
Il faut aussi favoriser l’engagement en produisant de l’intimité avec le public, en réservant des surprises pour favoriser la viralité. Enfin, plus que jamais, le public, et tout particulièrement celui constitué par les jeunes, a envie qu’on lui raconte une histoire, le tout de manière transversale sur divers supports afin d’être gagné par une intrigue et l’enchantement. Certes, France Télévisions produit des serious game ou des MOOC, mais ils sont cantonnés à la plateforme FranceTv éducation.

 

« France Télévisions doit proposer de la gamification autour de ses contenus culturels. L’antenne traditionnelle doit cesser d’être le support de diffusion premier et de référence. Il faut produire des jeux culturels, lancer des applications pour les smartphones »

 

Des principes de réalisation revus et corrigés

Pour réussir ces changements, il faut à tous les niveaux de la télévision publique des enfants du numérique, des réseaux sociaux, du jeu vidéo pour mettre l’imagination et l’inventivité au pouvoir. Il faut des enfants des drones, des GoPro, des iPhone, des logiciels de montage sur ordinateur portable, voire sur smartphones, et des spécialistes du marketing, partout, tout le temps.
Pourquoi ne pas proposer au public d’être lui même réalisateur de spectacles culturels. Lorsque l’on se trouve physiquement dans une salle de spectacle, on choisit ce que l’on regarde et on devient créateur de son émotion. La technologie permet d’offrir cette expérience au public derrière ses écrans. France Télévisions le propose d’ailleurs pour le Tour de France. Alors pourquoi ne pas faire de même pour la culture ?
Par ailleurs il faut cesser de se cantonner à des programmes longs. La culture doit pouvoir se déguster comme de petits bonbons au gré de sa journée. Bien sûr, le carcan des financements du CNC est aujourd’hui un frein pour cela, mais lui aussi doit être dépoussiéré. De nouveaux formats pour les contenus culturels permettraient d’inonder les sites Web et les applications mobiles et d’agir sur quelques mauvais chiffres. En 2016, selon le CSA, les téléspectateurs n’ont consacré que 10 % de leur temps d’écoute au genre documentaire sur les chaînes nationales gratuites.
Évidemment, pour que cela fonctionne, les narrations doivent être plus élaborées et plus engageantes. Les séries télé américaines ont poussé le concept très loin, au point que des groupes de fans, prescripteurs et créateurs, se sont constitués. Ces fans prolongent l’expérience télévisuelle par du lien social autour des séries. Ils partagent des épisodes, parfois même organisent le sous-titrage, créent des jeux en réalité augmentée. Producteurs, réalisateurs, auteurs, acteurs des séries acceptent de lâcher leurs œuvres pour que les spectateurs se les approprient et les réinterprètent, quitte à les voir détournées.

 

De nouveaux espaces de diffusion

La production par France Télévisions de contenus culturels adaptés aux usages contemporains doit s’accompagner d’une nouvelle politique en matière de diffusion. On l’a vu, une présence exclusivement télévisuelle est insuffisante. La diffusion, simultanée ou exclusive, sur les autres écrans est encore bien trop marginale.
Il faut accompagner par des programmes culturels les Français dans leur vie quotidienne. Voici un premier exemple. 254 millions de livres sont vendus chaque année en France. Quelque 40 millions d’exemplaires sont commandés sur Internet. Un partenariat pourrait être étudié entre France Télévisions et Amazon afin que toutes les productions du groupe public ayant trait à la littérature, et tout particulièrement les programmes courts, soient proposées sur le site d’Amazon.
Le groupe public doit faire en sorte de toucher le plus de personnes possible, par tous les moyens technologiques et humains. Dans cet esprit, il pourrait passer des accords avec les lieux artistiques en tous genres pour leur fournir des interviews, des reportages, des extraits de programmes en stock à diffuser soit dans leurs halls d’accueil, soit sur leurs sites Internet. Et allons au bout de l’audace. Pourquoi ne pas chercher à séduire les foules rassemblées ici ou là. Un exemple : 12 millions de personnes sont massées chaque année au bord des routes du Tour de France. Leur offrir une dégustation culturelle sur mesure géolocalisée serait une tâche noble pour le service public.

 

Avec quel argent ?

Qu’on ne me parle pas du manque d’argent de France Télévisions et des restrictions budgétaires imposées par l’Etat. De l’argent il y en a et comme tout ménage et toute entreprise qui se respecte, les dirigeants du groupe public doivent apprendre à vivre avec l’argent dont ils disposent au lieu de trépigner sur leurs chaises comme des enfants trop longtemps gâtés.

Pour commencer il faut faire des choix. Aujourd’hui le télévisions publique vit toujours, comme au moment de sa création, sur le triptyque : informer, cultiver, distraire. À l’heure de l’accès à des centaines de chaînes de télévisions qui toutes proposent du divertissement, enlevons cette obligation à France Télévisions et nous disposeront de centaines de millions d’euros à injecter dans des programmes culturels.

 

« De l’argent il y en a et comme tout ménage et toute entreprise qui se respecte, les dirigeants du groupe public doivent apprendre à vivre avec l’argent dont ils disposent au lieu de trépigner sur leurs chaises comme des enfants trop longtemps gâtés »

 

Ensuite, il faut libérer les droits audiovisuels. Il n’est plus concevable aujourd’hui que le groupe France Télévisions coproduise des programmes qu’il n’est pas libre d’utiliser et de diffuser à sa guise en raison des contraintes imposées par les relations avec les sociétés de production privées. Dans le monde tel qu’il est, il n’y que deux solutions. Soit ces sociétés deviennent des prestataires de services, soit elles acceptent que le service public de l’audiovisuel diffuse gratuitement aussi longtemps qu’il le souhaite et sur tous les supports possibles les contenus coproduits.
Enfin, il faut revoir les modes de production. Il faut s’inspirer des youtubeurs qui réalisent des contenus à moindre frais. Leur créativité a plus de valeur que le matériel et les moyens financiers mis en œuvre. France Télévisions doit s’en inspirer et encore apprendre à produire plus, mieux, avec moins d’argent.
Tous ces chantiers ne doivent pas être vues comme des contraintes ou des obstacles, mais comme des chances de construire une nouvelle télévision publique. France Télévisions aura réussi son œuvre, le jour où des enfants ou des adolescents diront à force d’être séduits par des découvertes culturelles : « Je veux être peintre, écrivain, architecte. » La mission de France Télévisions sera accomplie le jour où ses contenus culturels diffusés sur nos smartphones, nos ordinateurs, nos tablettes et nos téléviseurs nous pousseront à ouvrir un livre, à visiter une exposition, à nous rendre au théâtre ou dans une salle de concert.

Francis Guthleben Ecrivain. Il a notamment signé deux livres consacrés à l’audiovisuel public.
« Sauvons France Télévisions », 2015, Gingko Editeur.
« Scandales à France Télévisions », 2009, Editions Gawsewitch.

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