Pakesso Mukash : « Etre autochtone signifie que vous êtes une extension de votre peuple et de votre culture, mais aussi de la terre qui vous a été donnée »

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Découvert par Putsch au Musée McCord ( le Musée d’histoire sociale de Montréal), Pakesso Mukash, descendant de la communauté des Abénakis, chanteur et homme de télévision connu au Québec revient pour nous sur les notions d’identité, de transmission et d’héritage des peuples autochtones du Québec. Il met à profit sa célébrité artistique pour faire découvrir la culture et les coutumes de son peuple, les Abénakis. Sans complaisance et avec franc-parler, Pakesso Mukash nous livre son analyse sur la place et l’héritage des autochtones au Québec.

propos recueillis par

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Pouvez-vous nous parler du peuple abénaki ?
Eh bien, tout d’abord, je ne connais pas grand-chose à mon héritage abénaki parce que les Abénakis d’Odanak (la réserve de ma mère) ont été massacrés par les Anglais et les Mohawks dans les années 1700 alors que les hommes chassaient. Il a été donc difficile de reconstruite notre communauté. Cela a été encore plus difficile d’assurer la conservation de la langue et de la culture. Je suis beaucoup plus au courant de mon héritage Cree (Peuple autochtone d’Amérique du nord vivant au Canada et aux USA ). Ce que je peux dire à propos des Abénakis, c’est que le nom est en réalité Wabanaki, qui signifie «Terre du soleil levant». Et dans ma famille, nous avions beaucoup de leaders, de guérisseurs et de chamans. J’ai donc tendance à essayer de représenter cela fièrement dans tout ce que je fais en tant qu’artiste Cree/Abénaki.

 

« Etre autochtone signifie que vous êtes une extension de votre peuple et de votre culture, mais aussi de la terre qui vous a été donnée »

Vous-même, vous êtes un Abénaki. Comment vous définissez-vous en tant qu’autochtone ?
Être «autochtone» signifie que vous et votre peuple, vous appartenez à la terre sur laquelle vous vivez. Sur la terre sur laquelle vivent vos ancêtres. Je pense qu’après avoir grandi à Whapmagoostui dans la baie d’Hudson, les choses que vous apprenez sur la terre et ses secrets n’appartiennent qu’à vous et à votre nation. La terre ne partage ses secrets que lorsque vous avez prouvé que vous la connaissez et que vous lui appartenez. Etre autochtone signifie que vous parlerez toujours pour la terre et que vous la protégerez. Je dis « elle » parce que dans notre culture l’esprit qui s’occupe du peuple est féminin. Beaucoup d’entre nous disent « Mère Nature ». Donc, être autochtone signifie que vous êtes une extension de votre peuple et de votre culture, mais aussi de la terre qui vous a été donnée.
Que vous en soyez conscient et que vous portiez toutes les connaissances que la terre vous a fournies par l’intermédiaire de vos parents, de vos grands-parents et de vos ancêtres. Cela signifie également porter les cérémonies qu’ils vous ont transmises. Ces cérémonies aident à vous donner du pouvoir en tant qu’enfant de Mère Nature. Et puisque j’ai voyagé et j’ai rencontré d’autres peuples autochtones (comme en Amérique du Sud), être autochtone ne signifie pas que vous êtes séparés, mais que vous appartenez à une plus grande famille de l’humanité.

Vous vous êtes installé à Montréal. Était-ce pour faire découvrir votre culture autochtone et plus particulièrement Abénaki ?
Je vis à Montréal parce que mes parents sont allés à l’université quand j’étais enfant. J’ai vécu à Whapmagoostui pendant des années mais l’envie de faire de la musique m’a amenée à Montréal. Comme j’avais déjà vécu là-bas, il était facile de s’adapter. Vivre à Montréal signifie aussi que je suis toujours «chez moi» parce que la région autour de Montréal et de l’île elle-même était en fait un territoire algonquin et abénaki. J’ai aussi travaillé à CBC. De nombreuses occasions se sont présentées à moi parce que j’avais déjà vécu à Montréal. J’ai joué aux deux événements du Nouvel An du 375e anniversaire de Montréal devant des milliers de personnes. Ce qui m’a rendu très fier d’être sur scène en tant qu’Abénaki sur le territoire abénaki.

Qu’est ce qui vous paraît important dans la spiritualité autochtone ?
La spiritualité autochtone est une spiritualité universelle. Elle est enracinée dans la terre d’où vous venez, l’ascendance à laquelle vous appartenez. Pour moi, elle est d’une importance primordiale car elle couvre en réalité tous les aspects de notre vie en tant qu’être humain : l’équilibre de notre esprit, notre corps, nos émotions et de notre âme. Les cérémonies nous aident à nous centrer et à être plus conscients de nous-mêmes et de ceux qui nous entourent. Cela nous aide à nous comprendre nous-même et d’autres qui nous rapprochent de la vibration centrale de notre terre et de notre univers. Les gens pensent que la spiritualité est « primitive » mais en réalité, les technologies que nous utilisons dans la cérémonie sont bien plus avancées que tout ce que l’humanité a créé jusqu’ici.

« Les gens pensent que la spiritualité est « primitive » mais en réalité, les technologies que nous utilisons dans la cérémonie sont bien plus avancées que tout ce que l’humanité a créé jusqu’ici. »

 

Aujourd’hui, selon vous, comment sont perçues les communautés autochtones par les Québécois ? Sont-ils intéressés par votre culture ?
Cette question révèle deux côtés du Québec. Il y a une culture raciste précise ici et c’est intéressant parce que les Canadiens français ont pu vivre avec les Autochtones et même se marier avec eux. Leur joie de vivre s’est très bien mêlée aux coutumes des peuples autochtones. De plus, les plaques d’immatriculation québécoises indiquent «Je Me Souviens» mais ils choisissent de ne pas se souvenir d’alliances passées avec des Autochtones. Mais, d’un autre côté, quand je joue avec mon groupe KXO et que je présente notre culture autochtone sur scène, les gens l’adorent. Ils dansent sur notre musique et apprécient notre spectacle. On nous a souvent dit que nous étions les temps forts de nombreux spectacles auxquels nous avons participé. Et cela nous aide à faire connaître et à parler de notre culture. Je fais de mon mieux pour représenter mon peuple sur scène et hors de la scène. J’ai ainsi le sentiment d’aider à perpétuer une image positive des peuples autochtones du Québec et du Canada, et j’espère dans un proche avenir, partout dans le monde.

 

 

En tant qu’Abénaki, quel regard portez-vous sur le Québec d’aujourd’hui ? Et quelle est votre place aujourd’hui dans la société québécoise ?
Je pense qu’en tant que Cree & Abénaki & Autochtones, nous avons certainement notre place dans le Québec d’aujourd’hui. Dans le passé, les Autochtones étaient perçus comme étant «en marge» du progrès et de la société, mais alors que nous prenons conscience de la réalité du réchauffement planétaire et des problèmes environnementaux, nous réalisons maintenant que nous sommes tous dans le même canoë. Pour sauver notre planète, nous devons réaliser que nos différences sont celles qui nous unit réellement. Nous célébrons et nous aimons tous la couleur dans tous les aspects de nos vies, et cet amour devrait s’étendre à toutes les nations à travers le monde.

On pense notamment au spectacle Slav qui a été annulé récemment que certains ont été accusés de racisme. Avez-vous une réaction à ce sujet?
Et bien, vous ne pouvez pas insulter un raciste en les traitant de racistes. C’est comme si on tirait sur des blancs. Je trouve cette situation intéressante parce que les Afro-Américains et les Indigènes ont été considérés comme des sous-humains et traités comme tels. Ils ont été violés et tués autant qu’ils ont été victimes de génocide et d’assimilation. Pourquoi leur voler leur mal aussi ? Cela démontre d’une certaine façon le confort de la culture non-indigène qui ose penser qu’un tel spectacle est acceptable. Mais encore une fois, peut-être que ce spectacle a été produit pour un public inculte et désensibilisé tel un petit (ou grand) cercle de personnes qui n’ont aucune idée de ce qu’est le monde réel. Donc, ils ne voient pas vraiment la beauté des choses vraies, ils en perçoivent seulement la version diluée et délavée qu’ils veulent consommer. Si c’est leur palette, alors il faut la leur laisser mais le monde est un endroit beaucoup plus intéressant et il a maintenant une voix qui se répercute à travers Internet.

Avez-vous connaissance de racisme envers les peuples autochtones?
Personnellement, je n’ai jamais été confronté à un racisme flagrant. Mais on m’a raconté de choses terribles à ce propos. Les gens se voient refuser des services notamment ma soeur s’est vue refuser des soins médicaux alors qu’elle saignait. Des gens ont été laissés à l’écart dans les communautés non autochtones. Des femmes ont étés harcelées alors qu’elles marchaient dans la rue. Certains sont menacés et agressés simplement à cause de la couleur de leur peau. Je suppose que si j’avais été confronté à l’une de ces situations, j’aurais été très en colère mais ce n’est pas le cas. Ce qui me donne l’avantage de pouvoir évoquer des aspects les plus généreux et les plus beaux de notre culture.

Vous êtes producteur, performeur et musicien. Quel est le rapport que vous faîtes entre la musique et votre culture? Pensez-vous en jouant de la musique, vous pouvez plus facilement faire connaître votre culture?
Oui, cela a toujours été le cas avec la musique que j’ai faite. Je faisais partie d’un groupe CerAmony, primé au prix Juno. Notre objectif était de faire la lumière sur les réalités politiques auxquelles nous étions confrontés. Nous perdions des terres et des rivières, et les gens devaient savoir que ce n’était pas notre génération qui acceptait cette situation.
Avec KXO, c’est une approche plus légère qu’avec CerArmony. Je me suis dit que si je pouvais faire danser une foule multiculturelle en parlant de notre culture, alors les gens auraient une idée plus précise de ce que représente l’unité et comment ils devraient l’appréhender dans leur vie quotidienne. J’aime sourire aux gens de toutes les nations, car cela nous rappelle que les êtres humains aiment cohabiter avec d’autres êtres humains. Et ils doivent vivre ensemble. C’est dans notre nature. Puisque nous vivons tous ensemble, pourquoi ne pas être heureux? C’est assez simple.

Vous mettez en scène dans vos concerts des danseurs traditionnels. Pourquoi cela est-il important pour vous?
Les personnes avec lesquelles je partage ma scène sont très particulières. Nous sommes une famille. Je partage seulement ma scène avec des gens biens et de bonne humeur. Quand nous arrivons sur la scène, je veux que les gens qui nous regardent sachent que nous sommes des gens forts, des gens gentils, des gens avec une forte spiritualité, mais que nous ne sommes pas différents des autres. Sauf que nous sommes autochtones et que nous célébrons la vie dans toute sa splendeur colorée. Les regalias sont toutes faites à la main avec le plus grand soin. Aucun membre de notre équipe ne consomme de la drogue ou de l’alcool. Nous avons tous parcouru un long chemin, et nous l’avons fait pour partager notre amour de la vie avec notre public.

Est-ce qu’il est facile aujourd’hui de transmettre le patrimoine et les traditions aux jeunes Abénakis afin qu’ils préservent eux-mêmes cette identité et cette culture Abenaki?
Eh bien, en ce qui concerne les jeunes Abénakis, j’espère que lorsqu’ils verront ce que j’ai fait en tant qu’artiste abénaki / Cree. Ainsi, ils auront conscience qu’ils peuvent suivre le même chemin que nous, qu’ils peuvent réaliser les mêmes rêves que nous et qu’ils peuvent réaliser ces rêves comme nous l’avons fait. Jouer devant 35 000 personnes en tenue traditionnelle pour le 40e anniversaire des Jeux olympiques au Stade olympique était complètement fou ! Mais nous l’avons fait, et si nous pouvons le faire, ils le peuvent aussi. Ils doivent juste avoir des conseils pour appréhender au lieux la fierté de ce qu’ils sont. Parce que cette fierté est ce qui nous a amenés ici.

Pourquoi ce nom de scène KXO?
Pakesso est un mot abénaki. C’est en fait Pakezo. La plupart des gens m’appellent « Pak » comme un surnom. Une de mes nièces m’appelait « Kasso ». Pakesso est mon nom de télévision. J’ai animé de nombreuses émissions de télévision au Canada. Et je me suis toujours présenté comme Cree parce que j’ai grandi dans la culture Cree. Donc, après la retraite de mon groupe, je voulais honorer mon héritage abénaki. J’ai donc pris la deuxième moitié de mon nom et l’ai simplifié à KXO (prononcé Kayzo). C’était simple et ça collait, et le logo a l’air mauvais!

Le site officiel KXO

(crédit photo DR)

© PUTSCH – Toute reproduction non autorisée est interdite / Traduction du texte original : Matteo Ghisalberti )

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