Hugo, de père en filles: une pièce venue de l’au-delà

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De Florence Yérémian – Difficile de mettre en scène le destin parallèle des filles de Victor Hugo: entre Léopoldine qui s’est noyée et Adèle qui a fini ses jours à l’asile, le sujet s’avère particulièrement délicat.

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C’est pourtant ce à quoi s’est attelé Filip Forgeau dans un face à face aussi sombre qu’intimiste. Installées de part et d’autre d’une longue table de banquet, les demoiselles Hugo discutent. L’une est vêtue de blanc comme une douce promise, l’autre semble porter le deuil en arborant le noir. Semblables au cygne et à la colombe, ces jeunes filles en fleurs sont tout simplement deux fantômes en détresse. Complices par delà la mort, elles s’amusent à raconter leur enfance, leurs souvenirs à Guernesey et leurs chastes amours.
Dans la pénombre de leur maison d’Hauteville, on les entend rire, se taquiner ou jouer à cache-cache entre les miroirs. On les voit surtout se teinter de mélancolie quand elles évoquent la figure si imposante de leur père. Lorsque Victor Hugo a perdu sa fille Léopoldine, il n’a pu surmonter le deuil de cette enfant morte dans la fleur de l’âge. Impuissant face à la Faucheuse le grand homme a du affronter un tel chagrin qu’il a progressivement laissé sa cadette sombrer dans la folie… Voilà certainement ce que lui reproche la petite Adèle H., avec douceur certes, mais aussi avec amertume. Jalouse de Léopoldine et de l’amour inconditionnel que lui portait son père, elle en a peu à peu perdu la raison…

C’est avec une belle aisance que les deux comédiennes Soizic Gourvil et Laurianne Baudoin se livrent à ce dialogue post-mortem. La silhouette fine et presque féline, Laurianne Baudoin incarne avec souplesse la rieuse Léopoldine. En contrepoint, Soizic Gourvil prête ses trait candides à la craintive Adèle : tour à tour puérile, gracieuse ou schizophrène, l’actrice dompte les nuances mais pousse un peu à l’excès le jeu de la démence. En amont de ces deux tourterelles, la figure de Victor Hugo demeure omniprésente tout au long de la pièce: grâce à une savante maitrise des bruitages et de la lumière, l’académicien affligé hante continuellement les murs de cette maison. Tandis que ses filles déclament tour à tour ses poèmes, l’on entend le grattement de sa plume ou le son de ses pas qui ponctuent le récit comme une marche funèbre.

Par delà le mal-être des soeurs Hugo et de leur illustre père, cette création théâtrale nous offre une méditation profonde autour du deuil et de la perte de l’être aimé. Loin d’être morbide, la réflexion est interessante, poétique et servie par une scénographie des plus astucieuses.

Hugo, de père en filles? Une réflexion sur l’existence entre folie douce et lucidité…

Hugo, de père en filles
Une pièce de Filip Forgeau
Librement inspirée de l’oeuvre de Victor Hugo et de la vie d’Adèle et Léopoldine Hugo
Avec Soizic Gourvil et Laurianne Baudoin
Et la voix de Daniel Mesguich

Du 11 au 23 octobre 2016
Du mardi au samedi à 20h30
Samedi et Dimanche à 16h

Théâtre de l’Epée de Bois – La Cartoucherie
2, route du Champ de Manoeuvre – Paris 12e
Réservation: 0148081875
www.epeedebois.com

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