Stavanger: un huis-clos aux relents de repentance

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De Florence Yérémian – Florence a sauvé Simon du suicide. En longeant le quai, elle a vu ce jeune homme étendu sur les rails avec sa coupe de champagne. L’esprit grisé par les bulles, il attendait la mort à défaut d’autre chose… Intriguée par ce pauvre ère semblable à un enfant perdu, elle a décidé de le ramener chez elle pour qu’ils puissent finir la nuit ensemble.
Malgré la peur et la fatigue, ces deux inconnus ne parviennent pas à s’endormir. Solitaires et amers, ils se font face, se confrontent, et vont, l’espace d’un soir, s’ouvrir l’un à l’autre afin de comprendre enfin ce qui les ronge depuis toujours…

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Cette pièce d’Olivier Sourisse est un drame étrange. S’articulant autour du regret et de la repentance, elle met en avant deux lignes de vie aussi proches que divergentes. La tête coincée sous l’enclume d’un passé trop lourd, Florence et Simon croupissent en effet dans des secrets d’enfance qu’ils n’arrivent pas à évacuer : un père absent, une mère ensevelie sous la neige, des monceaux de culpabilité avec lesquels il faut réapprendre à vivre… telles sont les bases de ce couple en mal d’amour qui cherche à rattraper le temps perdu sans trop savoir si cela est encore possible.

Mis en scène dans un décor funèbre, ce huis-clos contemporain est une oeuvre qui repose entièrement sur l’éloquence de ses interprètes. Confinés dans un étouffant tête à tête, les deux talentueux comédiens se complètent habilement à l’exemple de leurs protagonistes. Dans des registres opposés, ils offrent à l’écriture tortueuse d’Olivier Sourisse deux tonalités qui finissent étrangement par s’accorder. Restant agrippés à ce texte lourd à porter, ils se sondent, se livrent mutuellement puis finissent, contre toute attente, par se réconcilier.
L’atmosphère de Stavanger est volontairement pesante, voire asphyxiante. On peut aussi lui reprocher des propos et des comportements manquant de cohérence ainsi que des transitions scéniques beaucoup trop longues. Les personnages y souffrent cependant d’un tel mal-être que l’on s’y attache en cherchant impudiquement à trouver la cause initiale de leur douleur.

Prostré derrière son bonnet et ses grosses écharpes, le comédien Thomas Lempire incarne avec beaucoup de sensibilité la figure de Simon. Fébrile et convulsif, Simon a peur de tout : la paternité, la mort de sa mère, les aléas de l’existence… Le corps recroquevillé sur lui-même et le coeur écartelé, il oscille sans cesse entre une fragilité infantile et une haine du monde qui l’entoure. À ses côtés se dresse Florence dissimulée subtilement derrière son visage insondable de grande avocate. Préalablement douce et bienveillante, cette bonne samaritaine cache pourtant bien des névroses. Questionnant avec insistance le pauvre Simon, elle transforme progressivement leur dialogue intime en un véritable interrogatoire. Dérangeante et intrusive, elle s’immisce curieusement dans les méandres de sa vie jusqu’à vouloir lui faire atteindre une sorte de catharsis libératrice! C’est avec beaucoup de nuances et de sérénité que Sylvia Roux endosse ce rôle d’ogresse psychanalyste : tour à tour affable, maternelle, charnelle ou cynique, elle porte vigoureusement sur ses larges épaules toute la crise existentielle de ce récit tourmenté.

Afin de sceller ce beau duo d’artistes dans sa douleur commune, la scénariste Agnès de Palmaert leur a composé un décor des plus épurés. Attachée au sens du détail, elle a ponctué la scène d’objets propices aux sensations. Il en va ainsi de ce chandelier aux flammes sombres ou de cette longue table en inox qui nous fait irrémédiablement songer à un brancard en partance pour la morgue. La mise en scène de Quentin Defalt s’appuie également sur un beau travail de lumière ainsi que des bruitages sortis d’outre-tombe: entre un lointain roulement de train, des échos de voix indicibles et un air de Bach tournant en boucle sur la platine, le spectateur a vraiment l’impression de se retrouver au creux d’un mystère inavouable. Car il y a bien un mystère au coeur de cette histoire qui peine à avancer et se perd parfois dans une trop grande confusion. Il ne reste à présent qu’à vous de le deviner en faisant fi des excès de silence et de la lenteur intentionnelle de cette occulte partition théâtrale.

Stavanger
Une pièce de Olivier Sourisse
Mise en scène Quentin Defalt
Avec Sylvia Roux et Thomas Lempire
Scénographie: Agnès de Palmaert
Lumière: Olivier Oudiou
Costumes: Mine Vergès
Création sonore: Ludovic Champagne
Collaboration artistique: Alice Faure

Studio Hebertot
78 bis Boulevard des Batignolles – 75017 Paris
Le 23 mai 2016
Puis de février à avril 2017

Festival d’Avignon Off 2016
Théâtre de l’Arrache Coeur à 16h50
13, rue du 58e régiment d’infanterie

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