Brooklyn : une romance entre deux terres aussi belle qu’ennuyeuse

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Par Florence Yérémian – Eilis Lacey vit avec sa mère et sa sœur dans le petit Comté irlandais de Wexford. Célibataire et sans travail, elle part pleine d’espoir chercher un avenir aux Etats-Unis. Le rêve américain n’est cependant pas si facile à atteindre pour une femme seule et sans attaches. Hébergée au sein d’une pension de jeunes filles, Eilis apprend à grandir, trouve un emploi et tombe même amoureuse d’un sympathique plombier italien. Malgré son avancée en pays étranger, la solitude se fait sentir et le mal du pays la gagne. Partagée entre la conquête d’un nouveau monde et la nostalgie de sa terre natale, la jolie irlandaise devra longuement réfléchir pour faire le bon choix…

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A mi-chemin entre la romance et le drame historique, ce film nominé aux Oscars est entièrement mené par la figure charismatique de Saoirse Ronan. Présente aux côtés de Ryan Goslin dans Lost River, la jeune actrice happe littéralement la caméra avec son beau visage de madone marmoréenne : les yeux candides et interrogateurs, elle nous livre une protagoniste pleine de pudeur qui demeure en permanence sur la défensive. L’air prude et angélique, elle confère au personnage d’Eilis la modestie d’une bonne chrétienne tout en lui apportant une petite touche d’ambition propre au caractère irlandais.

A ses côtés, l’acteur Emory Cohen a bien du mal à incarner Tony, son aimable mari. Poussant à l’excès le rôle de l’amoureux prévenant et timide, il nous fait songer à un adolescent aussi puéril que niaiseux. Feignant la suavité italienne à travers un visage de poupon, il s’enlise dans la caricature et ne convainc vraiment personne. Il en va tout autrement de Domhnall Gleeson qui interprète avec une élégance très britannique le rôle de Jim Farell. La gestuelle feutrée et le verbe courtois, ce comédien a trouvé le ton parfait du chevalier servant pour personnifier le flirt gaélique d’Eilis Lacey.

C’est essentiellement autour de ce trio que se déroule le long-métrage de John Crowley et Paul Tsan. Prenant place alternativement au coeur de Brooklyn et dans la campagne irlandaise, il nous offre une traversée des années 50 à cheval sur les deux rives de l’Atlantique. D’un côté s’étend la sublime terre d’émeraude, rurale et archaïque, de l’autre s’élève la grande Amérique, pétrie de rêves et de folles ambitions. Malgré la beauté des images léchées comme des timbres de cartes postales, le scénario a vraiment du mal a s’élever : hormis les bals de paroisse et les potins des demoiselles siégeant dans la pension de Mme Kehoe (interprétée par la caustique Julie Walter!), il n’y a dans ce film quasiment aucune action. Le public féminin peut éventuellement être touché par les commérages et les amourettes fleur-bleues de ces jeunes irlandaises en quête de maris mais l’effervescence s’arrête là.

C’est fort dommage car Brooklyn aurait pu être une oeuvre beaucoup plus profonde si elle avait d’avantage fouillé l’ensemble des personnages ou axé son propos sur le ressenti des migrants irlandais et italiens. Au lieu de s’arrêter aux fragiles états-d’âme de la belle Eilis, les réalisateurs auraient du se concentrer sur la foi et l’ambition de ces hommes et femmes abandonnant derrière eux toutes leurs racines pour aller conquérir une terre d’espoir. Le personnage d’Eilis mérite certainement le respect voire la compassion mais il ne possède ni l’élan, ni la douleur intrinsèque propre aux authentiques immigrés. En se complaisant dans une biographie à l’esthétisme maniériste, cette charmante production retire à cette protagoniste du nouveau monde toute sa dimension épique !

Brooklyn
Un film de John Crowley et Paul Tsan
Avec Saoirse Ronan, Domhnall Gleeson, Jim Broadbent, Julie Walters, Emory Cohen
Sortie nationale : le 9 mars 2016

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