Ed Motta : « J’aimerais réunir la BD et la musique »

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Par Tyfenn Corvellec – Musicien, producteur, chanteur, Ed Motta est un artiste brésilien reconnu. Son nouvel album de jazz & soul, Perpetual Gateways, reprend les rythmes de son pays. Amoureux de la vie et des bonnes choses, Ed Motta est aussi un grand collectionneur. Les vinyles bien-sûr, mais également les bandes dessinées. Ce grand passionné nous laisse entrer dans son univers le temps d’un entretien.

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Ed Motta vous venez de sortir un douzième album, dans lequel vous êtes entouré notamment par Patrice Rushen et Greg Phillinganes, le batteur Marvin “Smitty” Smith, et le flûtiste Hubert Laws. Comment s’est passée la collaboration ?
C’était merveilleux d’entendre ces grands artistes jouer mes compositions. J’ai grandi en les écoutant. C’est vraiment très gratifiant pour moi.

Les solos ont un grand rôle dans la composition de vos chansons, pourquoi ? Qu’est-ce que cela apporte selon vous ?
C’est vrai. Les solos ont vraiment un rôle important dans ma façon de travailler. Je suis très curieux de savoir comment les musiciens perçoivent les mélodies, l’harmonie, et les accords que j’écris. Je pense que cela vient des musiques que j’aimais quand j’étais adolescent. J’écoutais beaucoup de blues-rock comme ceux de Rory Gallagher, Johnny Winter ou Stan Webb. Les solos ont une grande place dans cette musique, donc il m’apparaissait normal d’en avoir dans l’ensemble de mon album.

Toutes vos chansons sont en anglais, dans un style jazz, soul, pop. Y a-t-il une part de Brésil dans ce nouvel album ?
Quand j’étais jeune, j’écoutais en grande majorité des chansons anglophones. Par la suite, je suis entré en contact avec les artistes qui font de la « vraie » musique brésilienne. Elle est plus harmonieuse. Ils nous feraient presque oublier le stéréotype du rythme. Les musiques de Jobim, Edu Lobo, Milton Nascimento, Luiz Eça, Ary Barroso, Moacir Santos, João Donato, Alaíde Costa, Johnny Alf et tant d’autres grands noms du Brésil, ont une forte influence sur ma musique, spécialement dans ma façon de penser les harmonies. Dans ce nouvel album, je suis fier de mes chansons comme Heritage Déjà Vu qui ont un accent rythmique brésilien, et Forgotten Nickname, la ballade brésilienne « drame » qui passe aussi par le maestro Michel Legrand.

Le cinéma, la musique, la lecture, autant d’activités que vous aimez et qui invitent au calme. Sont-elles un moyen d’échapper aux bruits des grandes villes et aux obsessions du quotidien -tel que le téléphone portable- que vous évoquez dans vos chansons ?
Il y a une contradiction que j’aime encore plus : je suis à peu de choses près un citadin, mais j’ai la chance de vivre dans le jardin botanique de Rio. C’est un quartier très vert en pleine nature. Je dois donc me relaxer, privilégier un style de vie décontracté pour profiter des bonnes lectures, des films, de la bonne nourriture et du vin. Comme ça, je reste à proximité de tout les services qu’offre la ville, sans avoir les inconvénients de la vie urbaine.

Ed Motta, vous êtes francophile, cinéphile et grand collectionneur de vinyles – vous en possédez plus de 30 000 – mais vous êtes aussi un fervent amateur de bande dessinée. Vous avez un blog sur lequel vous conseillez des lectures, des musique et des films. Comment est née cette passion pour la bande dessinée ?
Quand j’étais très jeune, ma tante m’a donné quelques BD de Tintin. J’ai été comme obsédé par cette BD. C’était au milieu des année 1970, il y avait beaucoup de bandes dessinées françaises et belges traduites en portugais. Ric Hochet, Tanguy Laverdure, Jerry Spring, Strapontin, Tiff et Tondu, Bob Morane ou encore Luc Orient, qui en font partie. J’ai commencé à les collectionner, et j’ai également des versions espagnoles comme celles de Tardi, Bilal, et Margerin.

Spirou, Ric Hochet, Corto Maltese… Quels sont les albums qui ont bercé votre enfance ? Et quelle BD préférez-vous ?
Ce trio que vous venez de mentionner, je l’aime tellement. Spirou dans les années de Franquin, Rich Hochet, et le chef-d’œuvre d’Hugo Pratt : Corto Maltese. J’aime tellement Edgar Pierre Jacobs ainsi que Blake et Mortimer ! Il y a aussi la BD des années 80, faite par Yslaire : Sambre. Elle est tellement belle.
Concernant Tardi, j’aime tout ce qu’il a fait. En partant d’Adèle Blanc-Sec jusqu’à Nestor Burma. Valerian est un chef-d’œuvre français de la science-fiction.
J’ai beaucoup de BD La Ligne Claire, et aussi de l’école de Marcinelle (c’est un style de bande dessinée associé au journal Spirou). J’ai énormément de choses dans ma collection. Jacques Devos, Tillieux, Jijé, Floch, Yves Chaland, Bob De Moor, et pleins d’autres !

Vos musiques relatent des tranches de vie, d’amour et de liberté, un peu comme dans une bande dessinée… Selon vous, y a-t-il des similarités entre la musique et la BD ? Si oui, les quelles ?
Je souhaiterais faire quelque chose comme l’a fait l’auteur de BD Edgar Pierre Jacobs (La Marque Jaune, SOS. Météores). Cela relève presque de la perfection. À mon avis, le perfectionnisme de Jacob dans ses livres ressemble beaucoup au travail du groupe de musique américain des années 1970, Steely Dan.

Votre femme est elle-même illustratrice. Est-ce que cela influence votre travail ?
Oh oui, ma femme est une grande illustratrice de BD. En ce moment, elle travaille sur des aventures de science-fiction. Depuis que nous sommes ensemble, – c’est à dire 26 ans ! – Edna s’occupe de tout ce qui a un rapport avec mon image. La pochette de mon album, les sites web, et même la conception visuelle de mes concerts.

Quels sont vos projets ? Est-ce que vous aimeriez lier la musique aux dessins, en faisant par exemple un livret à feuilleter tout en écoutant votre album ?
Edna Lopes – ma femme -, et moi-même, nous avons déjà travaillé comme cela pour mon album Aystelum. Visuellement, il est très inspiré par la BD La Ligne Claire. Mais ce que je voudrais faire, c’est quelque chose d’encore plus audacieux, qui réunirait la bande dessinée et la musique. J’ai aussi une idée en tête, faire un DVD où je jouerais en solo du piano et de la guitare.

Vous êtes donc amateur de musique, de vin et de bande dessinée. Quel est le mélange idéal selon vous ? (Quel vin faut-il boire avec quelle BD, en écoutant quelle musique ?)
Pour être honnête, quand je déguste du vin, je ne lis pas et je n’écoute pas de musique. Mais ça pourrait ressembler à quelque chose comme ça… l’orchestre de Sauter Finnegan ou de Pete Rulo qui tourne sur la platine, avec une bonne bouteille de Poulsard qui vient du Jura, tout en lisant une aventure de Gil Jourdan, qui est une série BD franco-belge policière créée par Maurice Tillieux.

Ed Motta
Perpetual Gateways
Label : Membran


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