Camille Laurens : un récit à double secret
Par Marc Emile Baronheid – Camille Laurens a beaucoup donné à la littérature, sans être toujours payée de retour. Il suffit parfois d’un peu de veulerie éditoriale qui cautionne un trafic d’organe. La seule réponse qui vaille : le brio.
A travers l’histoire de Claire, future femme de cinquante ans, négligée par un amant pervers, au gré de longues ruptures, jusqu’au jour où ultima necat. Elle ne trouve pas de parade moins malencontreuse que le recours à Internet. À la fois le naufrage et le radeau, le baume et le vitriol. Un faux profil Facebook devrait suffire. Le subterfuge pour toucher par la bande l’amant indélicat. Sauf que la partie va se jouer sur un billard bancal. La faim démesurée de sa propre estime évite la soif salutaire d’un jardin de solitude. On se prend au je, sans réaliser que les aspérités sensuelles sont aussi funestes que le corail. Claire se débat, se déballe, se livre innocemment à son thérapeute. Ah, les illusoires parties de cache-cache de l’analyse…
Ce roman est un récit à double secret, une de ces pièces d’ébénisterie à l’ingéniosité si confondante qu’elles vous entraînent aux confins de l’ébahissement. Bon serviteur et mauvais maître, l’amour ? Claire écrit même à un éditeur. Un quoi ? Un forban doucereux dont l’essentiel du rôle consiste à faire avaler des couleuvres.
Camille Laurens réussit de manière étincelante un numéro de funambule unijambiste.
« Celle que vous croyez », Camille Laurens, Gallimard. 17,50 euros
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