Yogananda: un documentaire qui tend vers l’hagiographie
Par Florence Yérémian – Connaissez-vous Paramahansa Yogananda? Avec ses longs cheveux noirs et ses yeux révulsés, il nous fait songer à une version indienne du mystique Raspoutine. Nommé Swami par son guide spirituel, cet homme singulier a introduit le kriya Yoga aux Etats-Unis durant l’entre deux guerres. Vénéré par des foules immenses, il a également été l’auteur d’un Best Seller (Autobiographie d’un Yogi) qui a influencé Steve Jobs autant que Georges Harisson.
Afin de lui rendre hommage, l’Association du Développement de Soi (SRF) a demandé à deux jeunes cinéastes de raconter son étonnant parcours. Paola di Florio et Lisa Leeman se sont donc prêtées à cet exercice de style en tombant de toute évidence sous le charme du « Saint Homme ». Leur film se présente comme un documentaire faisant intervenir des neuroscientifiques, des musiciens, des professeurs de Yoga et même un prêtre jésuite passionné d’hindouisme. Tous, sans exception, font l’éloge de Yogananda que l’on voit apparaitre dans des images d’archives soigneusement enveloppées de brume et de mélodies lancinantes. Malgré la maitrise visuelle des réalisatrices et leur long travail de recherche, ce long-métrage manque totalement d’authenticité car les témoignages des intervenants y sont trop subjectifs et la mise en scène excessivement esthétisée. Une véritable confrontation de points de vue et un éclairage sur le quotidien de Yogananda eurent été beaucoup plus intéressants que ce flot de louanges qui nous fait vraiment penser à une hagiographie filmée.
Les préceptes de Yogananda regorgent en effet de bon sens même pour les incrédules car son approche du yoga ressemble d’avantage à un système philosophique qu’a une religion. Selon ce sage, tout repose sur la méditation qui permet à l’homme de vaincre l’agitation de son corps ou de son esprit. Ces principes peuvent aujourd’hui sembler banals mais il faut les replacer dans les années 1920 lorsque Yogananda les introduisit aux Etats-Unis. Premier gourou indien à faire de l’Amérique sa terre d’accueil, cet homme a mis en place des cours de méditation gratuits, conçu la confrérie de Self Realization et réussi à étendre son influence spirituelle de Boston jusqu’à Los Angeles !
En se focalisant sur sa figure de prophète galvanisant les foules, ce film a un côté réducteur. Pour donner plus de véracité à ce personnage, il eut fallu rester neutre dans sa présentation et révéler sa face humaine au lieu d’encenser son côté mystique. Tout spectateur peut effectivement apprécier les préceptes de Yogananda qui rejettent l’ego, le monde matériel et les apparences. Il peut aussi comprendre sa volonté bienveillante de ne jamais séparer le mental du corps. Ses propos ont d’ailleurs une portée très avant-gardiste car ils affirment que la méditation influe perpétuellement sur l’humeur, les maladies, voire les cellules de chacun. À deux doigts des théories neuroplasticiennes propres au XXIe siècle, l’enseignement de ce yogi est donc très intéressant. Il faut cependant le présenter hors de la romance propagandiste de ce documentaire sinon le public finit automatiquement par assimiler ce gourou à un bonimenteur…
Yogananda ? Si vous ne cherchez pas l’illumination, passez votre chemin …
Yogananda
Réalisé par Paola di Florio et Lisa Leeman
USA – durée 87 min
Au cinéma le 23 mars 2016
Le site officiel du film Yogananda
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