The Danish Girl : Un pur moment de grâce mélancolique

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Par Florence Yérémian – Copenhague 1926 – Gerda et Einar Wegener sont mariés depuis bientôt six ans. Artistes peintres, ils partagent leur art avec autant de profondeur que leur amour. Malgré la communion spirituelle qui émane de leur couple, Einar ne semble pas heureux: réservé et mélancolique, il est mal à l’aise dans son corps d’homme et en prend conscience lorsque Gerda lui demande de poser pour elle en robe de mariée afin de finir un tableau.

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Irrésistiblement séduit par les vêtements de femme et la sensualité qui en émane, Einar commence à écouter ses sens et à se laisser submerger par des pulsions paradoxales. Epaulé par son épouse, il va peu à se transformer en Lili, son double vénusien, jusqu’à vouloir devenir entièrement femme à son tour…

Danish Girl s’inspire du roman de David Ebershoff mettant en scène le premier homme à avoir subi une opération chirurgicale d’affirmation sexuelle. Ce transgenre précurseur est superbement interprété par Eddie Redmayne (Oscar du meilleur acteur pour Stephen Hawking dans Une merveilleuse histoire du temps) qui lui confère une sensibilité à fleur de peau : tour à tour vulnérable ou euphorique, le comédien britannique laisse voluptueusement parler son corps efféminé auquel répond parfaitement son regard vert plein d’amertume. Poussé par son perfectionnisme, il parvient progressivement à libérer de son carcan masculin le personnage d’Einar et le transforme au fil de l’histoire en une exquise Lili.
À ses côtés, la piquante Alicia Vikander apporte autant de joie que de tendresse au scénario. Pétillante et bohème, elle joue le rôle dominateur de Gerda. Usant d’une palette subtile, l’actrice parvient à montrer l’incommensurable amour de cette femme envers son époux: sacrifiant son mariage pour libérer Einar de son mal-être, elle accepte que son mari « change de sexe » sans porter de jugement, quitte à devoir le perdre définitivement…
Ce très beau couple tente de trouver ses repères entre la figure ambigüe d’Hendrik (Ben Wishaw, aussi troublant que de coutume) et celle beaucoup plus rassurante de Hans (irrésistible Matthias Schoenaerts). Passant de Copenhague à Paris pour terminer leur voyage de transition à Dresde, Einar et Gerda nous font parcourir à leurs côtés une multitude de cadres soigneusement mis en scène par Tom Hooper. Très attaché à l’aspect esthétique de son long-métrage, le réalisateur y déploie un univers aussi feutré que raffiné: jouant sur les détails, les textures et les effets de lumières, il séduit sensuellement le spectateur en s’attardant sur la courbe d’une lèvre charnue ou la douceur satinée d’un bas blanc. Déplaçant minutieusement son objectif, il nous livre également de précieux paysages danois et des intérieurs fort élégants: entre les tonalités bleu-gris de l’atelier des Wegener et la luxuriance de leur appartement parisien, Tom Hooper offre à son public un magnifique voyage chromatique au coeur des Années Trente et du style Art Nouveau.
A l’exemple de la peinture de Gerda et Einar qui s’immisce et se répercute sur leur vie quotidienne, le film Danish Girl peut se percevoir comme une oeuvre d’art à part entière : la succession de tableaux vivants qui s’y succèdent nous laissent contempler un amour aussi immense qu’avant-gardiste.
Loin de toute provocation sexuelle ou revendication propre au mouvement LBGT (Lesbien, Gay, Bisexuel ou Transgenre), Danish Girl met magnifiquement en avant le courage et l’esprit de sacrifice d’un couple pas comme les autres. La musique signée Alexandre Desplat ne fait que décupler ce pur moment de grâce mélancolique.

Danish Girl
Un film de Tom Hooper (Le Discours d’un roi)
Avec Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Ben Whishaw, Matthias Schoenaerts, Amber Heard, Sebastian Koch
Musique : Alexandre Desplat

Sortie en salles le 20 janvier 2016

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