Dakh Daughters : les bacchantes venues d’Ukraine

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Par Elodie Cabrera – bscnews.fr/ Ce lundi 20 avril 2015, le Monfort-Théâtre accueillait pour la deuxième reprise les Dakh Daughters. Mêlant art dramatique, chant et performance, leur spectacle né en Ukraine s’inscrit dans le cadre du festival « Le Standard idéal ». Qui sont ces femmes forgées par la scène ?

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Elles entrent en scène comme on foule les planches d’un théâtre : en se glissant dans la peau du personnage. Avant chaque représentation, les filles du Dakh peignent leur visage en blanc, rehaussent leurs lèvres de rouge carmin, crêpent leur chevelures et enfilent leurs costumes. Une fois dans l’arène, les comédiennes offrent au public des chants multilingues, entourées d’une pléiade d’instruments. Contre-basse, accordéon, piano, guitare, violoncelle, flûte, didgeridoo, batterie et congas, chacune passe avec aisance de l’un à l’autre, toutes manient l’archet et les baguettes avec délicatesse, usent souvent de leurs biceps. Les Dakh Daughters sont capables de monter haut dans les aigus à l’instar des cantatrices d’opéra, comme de plonger dans les graves, en choeur ou en solo, de passer du rap aux chants traditionnels, se déchainer telles des bacchantes ivres de son, de vin et d’hommes. Un gifle scénique dont leur tube « Rozy/Donbass » révèle toute la force de frappe.

Prolétaires-punk ou circassiennes cinglées ? Furies folkloriques ou cabotines carnassières ? Ne tentez pas de leur coller une étiquette, elles l’arracheront aussi sec. Sur scène, ces sept messagères venues du cosmos chantent l’amour, la perte, la survie, l’incompréhension face à l’Homme qui creuse de ses propres mains la terre qui l’ensevelit. Mais aussi l’espoir et les poètes oubliés de la révolution sanglante des années 30. Une révolution qu’elles désirent patiner de bleu et de jaune, aux couleurs de l’oriflamme ukrainien.

Engagées, elles ont scandé leurs chants sur la place du Maïdan pendant la révolution en 2013. Labellisées « Ukraine », elles sont conscientes de porter une responsabilité : « Nous sommes fières de représenter notre pays, à l’étranger comme à l’intérieur de nos frontières, nous tâchons d’en être dignes. » Pourtant, les Dakh Daughters portent un message dont l’écho retentit bien au-delà des interrogations slaves et rencontre celles de toute une jeune génération d’européens. « Qu’est-ce qui nous préoccupe ? Quelles sont les valeurs que nous défendons en tant qu’artistes ? » Chez les filles du Dakh, l’harmonie naît de la dissonance : « Chacune d’entre nous a son propre discours, sa propre teinte mais lorsqu’on interagit, que l’on crée ensemble, alors toutes ces couleurs se mélangent et fusionnent dans un seul et même tableau. »

Enfants du Dakh

Depuis une douzaine d’années, elles s’épanouissent sous le même toit, « Dakh » en ukrainien. Un théâtre qui a pris ses quartiers à Kiev en 1994 et forme des « comédiens-ninjas ». Touche-à-tout et non-conformistes. Vladyslav Troitskyi, metteur en scène à la tignasse hirsute dont la voix caverneuse laisse échapper des volutes de fumée, est le grand manitou de ce repaire artistique. C’est lui qui a réuni les filles il y a trois ans autour d’un projet musical indépendant. « On a d’abord travaillé sur l’esthétique du groupe, la décadence sans la tristesse, un éclectisme conscient et très stylisé, porté par un sentiment d’énergie de liberté. »

Survitaminée, la performance des filles du Dakh est contagieuse. La rage qu’elles portent en elles ne relève d’aucune forme de féminisme. Les comédiennes rejettent vigoureusement cette étiquette que beaucoup de journalistes aimeraient bien leur épingler sur le front. « On a rien contre les hommes, on adore les hommes !», plaisantent-elles. L’énergie sexuelle qu’elles dégagent sur scène et dont elles jouent sans jamais verser dans la vulgarité reflète l’esprit des Dakh Daughters. « On vénère la liberté, celle d’être soi-même, une belle femme et une belle personne. La liberté de se perdre et de se trouver dans la musique, l’opportunité de trouver un idiome commun à travers différents langages. » Définitivement inclassables, résolument avant-gardistes.

Où les voir?

A Avignon du 13 au 18 juillet 2015 au Théâtre du Chêne Noir et du 20 au 25 juillet 2015 à la Manufacture.

A Paris à l’automne 2015 et en tournée en 2016.

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