En Filigrane: un pas de deux inattendu entre un danseur de Hip-Hop et une violoncelliste

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Par Florence Gopikian Yérémian –bscnews.fr/ Ce projet est né d’une rencontre entre la musicienne Ophélie Gaillard et le danseur urbain Ibrahim Sissoko. Lors de leurs résidences respectives en Seine-Saint-Denis, ils se sont laissés aller sur un insolite chemin de traverse puisant essentiellement dans les sources fertiles du hip-hop et de la musique classique. Leur démarche créative a donné naissance à une chorégraphie nerveuse et passionnelle où le corps du danseur confronte incessamment celui du violoncelle.

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Dans ce pas de deux improvisé, les contrastes sont frappants mais ils se complètent. Par delà la différence de sexe et de couleur, Ibrahim est aussi grand qu’Ophélie menue. De son immense stature, il accompagne fluidement ses mélopées, complète ses variations rythmiques et répond en dansant à tous les caprices de son majestueux instrument. Tel un géant d’ébène, il submerge la musicienne de son torse puissant et l’enlace ludiquement dans l’infinité de ses bras. Nullement déstabilisée, Ophélie Gaillard s’amuse à lui répondre ou à le menacer de son archet souple et vibrant. Dans un phrasé fait d’incises, de coups de crin et de cordes frappées, elle explore avec brillance un étonnant répertoire musical : sautant les frontières continentales autant que les siècles, elle alterne entre un ragtime et une suite jazz de Noël Pointer avant de se lancer dans une variation de Bach ou une mélodie andalouse de Bizet! D’un geste précis et parfois frénétique, elle casse les frontières, désarticule les genres et recompose une longue partition « à la Gaillard ». Mobilisant son bras autant que son corps, cette artiste prolixe offre une performance aussi gestuelle que physique qui se marie étrangement avec les pas et les ondulations d’Ibrahim Sissoko. A travers ce tandem ethnico-classique se diffusent un lyrisme sauvage et une sérénité athlétique qui déstabilisent le public autant qu’ils le séduisent.
Par delà l’évidente complicité de ce singulier duo se dégage également une très interessante recherche sonore et artistique. Les nuances qui en découlent sont à n’en pas douter riches et fécondes mais l’on regrette néanmoins que la mise en scène s’éparpille dans toutes les directions: en voulant explorer trop d’univers culturels, la thématique même de cette oeuvre finit par perdre pied. Au lieu d’ajouter des pièces hispanisantes, des sonorités orientales et du jazz, il aurait peut-être fallu se concentrer sur un dialogue plus épuré entre la danse Hip-Hop et la musique classique. Lorsque l’on voit Ibrahim Sissoko évoluer sur une suite de Bach au début du spectacle, on ne peut que crier à l’alchimie visuelle et auditive. Cette osmose initiale se perd cependant au fil de l’heure dans des compositions d’une grande technicité mais qui n’ont plus de sens…

En Filigrane: une oeuvre audacieuse dont l’esprit doit gagner en cohésion.

En Filigrane
Spectacle de Musique classique et Danse Hip-Hop
Avec Ophélie Gaillard et Ibrahim Sissoko

Théâtre Ranelagh
5, rue des Vignes – Paris 16e
Métro La Muette

Jusqu’au 10 avril 2015
Du mercredi au samedi à 21h
Le dimanche à 17h
Tel. 0142886444

Pour découvrir les oeuvres d’Ophélie Gaillard et de son ensemble Pulcinella: www.opheliegaillard.com
Pour voir les créations de la Compagnie EthaDam d’Ibrahim Sissoko: http://ethadam.com

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