Elle a imaginé plusieurs mises en scènes au Théâtre d’Aleph, au Café de la Gare, au Théâtre de l’Epouvantail ou encore au Théâtre du Renard. Après sa « Majesté des Mouches» en 2011 et son « Hommage à Raymond Devos» en 2012, elle a créé en 2014 avec Sandrine Bonnaire « Le miroir de Jade» qu’elles ont co-ecrit. Une création sur le langage non verbal, un dialogue intime entre le texte et le mouvement dans une œuvre chorégraphique qui raconte les troubles d’une femme, Jade, qui, au sortir d’un coma, cherche à se reconstruire et se retrouver.
Quelle a été la genèse de ce projet? Une amitié de longue date?
On se disait depuis longtemps avec Sandrine qu’il serait intéressant de croiser nos disciplines; elle en tant qu’actrice et moi en tant que chorégraphe. On voulait raconter une histoire de reconstruction à partir du mouvement dansé.
De quoi parle exactement Le miroir de Jade?
On est parti du coma car il y avait en matière de rupture quelque chose de plus radical. A partir de là, ça traite davantage d’un état que d’une personne avec son histoire Avant/Après. La question, c’est surtout comment, à partir d’un choc émotionnel extrêmement fort – quel qu’il soit-, peut-on se reconstruire ? Quels sont les ressorts? Certains vont passer par la psychanalyse, d’autres par les médicaments ; Jade, elle, passe par la musique et par la danse. Même si,dans un premier temps, elle passe par la méditation, elle en sort car cette dernière ne résout rien en soi.
Comment s’est créé le texte ? Directement sur le plateau? En amont des répétitions?
En fait, je dois dire que c’est très avare en texte. Ce sont des mots qui ont été posés avant. Et évidemment, en travaillant, le texte peut se modifier aussi, à partir du personnage qui impose certaines choses. Le silence impose une façon d’approcher les mots, surtout dans ce travail de reconstruction puisqu’on part de l’intérieur de Jade. Dans ce spectacle, on découvre tout par le prisme de son intériorité; c’est comme si nous étions avec elle dans sa tête.
Pourquoi Sandrine Bonnaire vous paraissait une évidence pour incarner Jade?
D’abord parce qu’elle a un rapport à l’interprétation par le corps qui est assez aigu et ça me semblait la personne idéale. Oui, son approche vis à vis des différentes formes de reconstruction et vis à vis du corps convenaient complètement. Elle en avait une compréhension telle que ça s’est mis en place comme une évidence.
Sur scène, vous faites danser les interprètes?
Non, c’est plus du mouvement dansé. Elle est dans un état et cet état, sa respiration etc, produit un certain mouvement. Des mouvements de violence, d’apaisement ; on est parti de l’idée que lorsque quelqu’un ne sent pas très bien, souvent il ne parle pas. En revanche, le corps parle. On détourne le mouvement de danse en s’inspirant plus de mouvements impulsés par le corps dans certaines situations.
D’où l’idée de ce terme de « langage non verbal»…
Tout à fait!
C’est une pièce sur le désir de revivre aussi? L’avez-vous tiré d’expériences personnelles?
C’est une histoire vraie. On as pris l’expérience d’un certain nombre de personnes que l’on a observées, directement ou indirectement, et à partir de là, on a fait un condensé de tout ça. C’est pour cela que l’on exprime tout en termes d’» état».
Il y a deux autres interprètes sur le plateau et deux musiciens : quel rôle jouent-ils?
Il y a une instrumentiste et un violoniste. Dans les comédiens, il y a son ami, qui est son soutien et son lien à l’extérieur, et son double. Son ami est aussi son double d’une certaine manière aussi puisqu’il fait miroir avec elle mais elle a aussi son double, cette image d’elle-même qu’elle trimballe en fonction de son état.
L’instrumentiste se nomme Yi-Ping Yang…pourriez-vous me parler davantage de son travail sur le plateau?
Elle met en sons le chaos intérieur de Jade. Elle fait entendre cet état.
Quelle scénographie a été choisie? Quelque chose de très simple, de très épuré?
Oui. Tout est très très épuré d’un point de vue scénographique mais aussi dans le geste. Ce sont des mouvements très simples car rien ne justifie des acrobaties dans cet état. On a essayé de trouver le mouvement juste.
Le miroir de Jade
Une idée originale de Sandrine Bonnaire et Raja Shakarna – Mise en scène et chorégraphie: Raja Shakarna – Avec Sandrine Bonnaire, Elisa Gomez, Sara Martins
Dates des représentations:
– Du 9 au 17 janvier 2015 à la Comédie de Valence ( 26)
– Les 22 et 23 janvier 2015 à la Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau ( 34)
– Le 27 janvier 2015 au Théâtre de l’Olivier ( 13800 Istres)
– Le 10 février 2015 à La Garance, Théâtre de Cavaillon ( 84)
– Les 3 et 4 mars 2014 à la Maison de la Danse (69008 Lyon)
– Du 10 mars 2015 au 11 avril 2015 au Théâtre du Rond-Point ( 75008 Paris)
Photo: Jean-Louis Fernandez
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