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Julie Deliquet : une réflexion sur une  » génération qui(…) n’a pas bousculé l’histoire »

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Après avoir été élève au Conservatoire de Montpellier puis à l’Ecole du Studio Theatre d’Asnières, Julie Deliquet poursuit sa formation pendant deux ans à l’Ecole internationale Jacques Lecoq tout en intégrant la compagnie Jean-Louis Martin- Barbaz et en co-fondant la compagnie Tais-toi ma langue. Puis nait sous son impulsion le collectif In Vitro qui présente « Derniers Remords avant l’oubli » de Jean-Luc Lagarce pour lequel elle reçoit le prix du public du concours jeunes metteurs en scène 2009 du théâtre 13.

propos recueillis par

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Elle monte ensuite « La Noce » de Bertolt Brecht et en 2012, « Nous sommes seuls maintenant » nait d’une écriture collective. Comment s’organise le collectif In Vitro et quels sont ses enjeux? Comment dans « Nous sommes seuls maintenant » ce collectif évoque-t-il son héritage de mai 68 , se considérant comme une  » génération qui n’a pas, contrairement à celle de ( ses) parents, bousculé l’histoire » et n’a pas fait de révolution ? Autant d’interrogations qui se devaient de ne pas rester sans réponse….

Pourriez-vous en quelques mots nous présenter les membres du collectif In Vitro et leur rôle en son sein?
Au sein du Collectif In Vitro, il y a 12 acteurs, une metteuse en scène, 2 techniciens et une administratrice. Ça ressemble à une compagnie classique, c’en est une quelque part, la seule différence c’est que nous privilégions le groupe et le travail collectif. 



Vous définissez le travail du collectif ainsi : « L’acteur est responsable et identitaire de notre démarche à travers des choix sur le plateau. » N’est-ce pas plus compliqué de diriger un groupe où même les acteurs donnent sans cesse leur avis? Faut-il avoir certaines qualités indispensables quand on est acteur pour intégrer un collectif … et lesquelles selon vous?
Non, ils ne donnent pas sans cesse leur avis ! Nous construisons nos spectacles à partir et autour des acteurs, ils ont une grande liberté et notre dramaturgie dépend d’eux. Mais leur espace d’expression c’est le plateau, c’est plutôt moi qui donne mon avis en réagissant à leurs propositions, c’est un va et vient entre eux et moi. Pour intégrer un collectif, je crois qu’il faut accepter de dépendre de son partenaire tout en étant aussi assez indépendant et solide en tant qu’acteur car un groupe prend de la place. Il faut également pouvoir se remettre souvent en question et savoir laisser de temps en temps son égo de côté…

« 

Nous bousculons nos textes non seulement grâce à l’improvisation mais aussi grâce à l’entrée du réel ». Donc le principe de votre travail est le suivant; vous choisissez un texte et il devient ensuite une sorte de canevas que vous modifiez au fur et à mesure des répétitions?
Pas tout à fait. Lorsque nous avons monté des textes, nous avons dans un premier temps uniquement travaillé les situations de la pièce en improvisation. Puis tout doucement nous glissons vers la partition écrite tout en conservant cette sensation d’improvisation. Les spectateurs pensent souvent que ce sont des adaptations or c’est le texte pur au final (ou presque pour le Brecht), mais les adresses changent d’un soir sur l’autre, la mise en scène n’est pas fixée donc le texte résonne différemment lui aussi en fonction des représentations.

Auriez-vous un exemple de texte « bousculé » dans le Brecht ou le Lagarce que vous avez montés auparavant ?
Dans le Lagarce par exemple, lorsqu’un des personnages est sur le point de révéler un secret, suivant quel acteur a choisi ce soir-là d’être présent et d’assister à table à cette scène, le drame n’est pas du tout le même. Il peut amener un fou rire et le lendemain des larmes. Au plateau, les comédiens sont dépendants du choix de leurs partenaires et même si la partition du texte est écrite, leur état va découler aussi des choix provoqués par l’improvisation des autres.



« Nous sommes seuls maintenant » est le dernier volet d’un triptyque dans lequel vous reprenez les thèmes et les formes utilisées dans les deux premiers volets ?
Oui, seulement nous allons plus loin car ici c’est improvisé tous les soirs et c’est pour la première fois une forme d’écriture à part entière. Nous avons bien sûr des balises de récit mais quand le spectacle débute, même si les acteurs ont la même histoire chaque soir à raconter, ils ne savent pas tout à fait comment. Pareil pour le thème, nous fantasmions les années 70 avec La Noce, déchantions dans les années 80 avec Derniers remords avant l’oubli et là nous avions besoin de clore la trilogie avec notre point de vue et questionner la génération suivante (la nôtre) et son héritage.

En quelques mots, de quoi et de qui est-il question dans cette pièce?
Nous sommes seuls maintenant est une grande pièce chorale en forme de portrait de famille. C’est un repas dans une maison des Deux-Sèvres au début des années 90, chez François et Françoise, les parents de Bulle. Pendant ce diner entre famille et amis et sous le regard de leur fille de 20 ans, les révolutionnaires d’hier (malgré les utopies envolées) refusent l’idée de vieillir et de laisser la place…
Quel héritage pour les enfants nés de 68 ? C’est ce que questionne la pièce, sans y répondre directement…

Vous y avez travaillé sur votre  » propre fantasme de mai 68 en tant qu’héritiers ». Qu’est-ce qui est ressorti de cette réflexion? Mai 68 a-t-il été positif ou négatif pour les générations qui ont suivi selon vous?
Les deux ! Dans le spectacle, il s’agissait de ne surtout pas créer une œuvre pamphlétaire mais de dépeindre des situations familières. Il y a eu une question assez centrale c’est celle de la parentalité. Avoir des parents qui ont pu repenser l’éducation qu’ils voulaient donner à leurs enfants et bousculer ainsi les mœurs a été une liberté folle pour nous ! Ils ont voulu être des couples différents, des parents différents et veulent aussi aujourd’hui être des grands-parents différents. En voulant rester jeunes, leurs enfants ont peut-être été vieux avant l’heure ? D’où ce retour assez surprenant à la tradition. Nous vivons aujourd’hui dans un contexte totalement opposé à ce qu’ils ont pu connaitre dans ces années-là, on pourrait envier leur insouciance mais leur reprocher aussi. 
 
Le titre de la pièce est un clin d’œil à la génération de 1968, c’est bien cela?
C’est plutôt un clin d’œil à la nôtre. Je voulais que le titre parle de nous, parents et adultes d’aujourd’hui, ceux qui restent et qui prendront le relais là où notre spectacle s’arrête.

Pour conclure, quels « ingrédients » doit réunir un bon spectacle de théâtre pour Julie Deliquet?
De bons acteurs, du vivant, du plaisir et de la mise en danger !

Le collectif In Vitro présentera le triptyque « Des années 70 à nos jours » composé des trois spectacles : La Noce, de Brecht, Derniers remords avant l’oubli, de Lagarce, et Nous sommes seuls maintenant, création collective:

-Du 18 au 28 septembre 2014 au Théâtre de la Ville (relâche lundi 22 et jeudi 25) , triptyque « Des années 70 à nos jours » : La Noce, Derniers remords avant l’oubli, Nous sommes seuls maintenant

-Du 02 au 12 octobre 2014, TGP-CDN de Saint-Denis (relâches lundi et mardi), Nous sommes seuls maintenant les mercredi, jeudi, vendredi ; triptyque « Des années 70 à nos jours » les samedi, dimanche.

-Le 16 octobre 2014, Théâtre de Thouars, Nous sommes seuls maintenant

-Le 09 décembre 2014, Festival théâtral du Val d’Oise – Théâtre du Cormier – Cormeilles-en-Parisis (95) , Nous sommes seuls maintenant

-Le 17 décembre 2014, Théâtre Le Canal, Redon,(35) La Noce

-Le 18 décembre 2014, Théâtre Le Canal, Redon, Nous sommes seuls maintenant

-Le 10 avril 2015, Théâtre Le Rayon Vert, scène conventionnée de Saint-Valéry en Caux, triptyque « Des années 70 à nos jours »

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