Gandhi : un ouvrage politique au sens noble du terme

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Par Sophie Sendra – bscnews.fr / Il est des petits livres oubliés auxquels nous pensons, mais que nous ne relisons que rarement, malheureusement. En regardant la violence du monde, un livre nous vient à l’esprit, celui d’un homme qui ne cessa de prôner le principe de la non-violence.

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Cette dernière, inspirée par la grande tradition indienne, nous permet de penser qu’une valeur morale personnelle, si elle est bonne, peut être érigée en valeur universelle. Même si « Tous les hommes sont frères » de Gandhi flirte avec le genre de l’autobiographie, il n’en est pas moins un ouvrage politique au sens noble du terme. L’Ahimsâ est le principe de ce que l’on appelle la non-violence active, il s’en fit le fervent défenseur tout au long de sa vie.

Tous les hommes sont frères
Le titre de cet ouvrage est extrait d’une citation mise en exergue dans l’introduction. Pour bien la comprendre, il faut lui donner son entièreté : « Tous les hommes sont frères et aucun être humain ne devrait nous être étranger. Le bien de tous (…) devrait être notre but ».
En ne faisant aucune distinction entre les confessions, les croyances, les appartenances religieuses ou les origines ethniques, Gandhi nous donne une leçon de vie, celle du respect plein et entier de toute l’humanité.
Bien entendu il est possible de critiquer une partie de la pensée de cette « grande âme » – Mahâtmâ – celle notamment qui érige en système nécessaire la non séparation de la religion et de la politique. Mais une critique reste vide lorsque la pensée de l’auteur n’est pas remise dans son contexte historique et géopolitique. La religion qui s’exerçait en Inde – un peu moins fortement aujourd’hui – n’est pas de même constitution que celle qui peut – ou a pu – s’exercer sur le continent européen. En effet, la Politique est au sens premier, l’organisation de la vie de la cité, or en Inde, les castes font partie de la vie de la cité – hiérarchisant les classes sociales ou groupes d’individus – ; elles tirent leur origine dans les textes classiques hindous d’inspiration védique, les Écritures sacrées du brahmanisme.
Gandhi ne peut donc pas imaginer une autre forme de politique, un autre système.
Au-delà de ce point de vue qui peut être critiquable à bien des égards, mais compréhensible au regard de l’histoire de la construction de l’Inde, l’auteur nous offre une philosophie à méditer : « Si quelqu’un m’apportait la preuve que Dieu ment ou qu’il prend plaisir à torturer les êtres, je refuserais de l’adorer ». Ainsi aucune entité ne pourrait valider un comportement lié à la barbarie.

Intouchables

Il existe quatre castes dans la société Indienne. Une cinquième, les intouchables, est tellement « sans existence » humaine qu’elle ne fait même pas partie de ce système pyramidal : Les Brahmanes (prêtres), les Kshatriyas (nobles et guerriers), les Vaishyas (agriculteurs et commerçants), les Shudras (les serviteurs) et, en dernier lieu, les Dalits (les intouchables).
Cette dernière « caste » exclue donc, sans problème éthique, toute une partie de la population indienne, une ostracisation qui va à l’encontre des droits de l’homme.
Gandhi avait pour but – un parmi tant d’autres – de se faire l’avocat des intouchables.
Il avait pour projet de les réhabiliter, de les intégrer à la société indienne, mettant en valeur l’humanité à laquelle ils appartiennent : « La supériorité de quelqu’un ne vient ni de sa naissance, ni de sa fidélité à une étiquette. Le seul facteur déterminant est la manière dont on se comporte ».
En expliquant qu’il n’y a aucune caste inférieure ou supérieure dont on puisse s’enorgueillir, Gandhi tord le cou aux idées les plus belliqueuses, celles qui gangrènent l’humanité dans bien des domaines : celle de croire que la différence est une affaire de hiérarchie, celle de penser à un ethnocentrisme culturel et/ou religieux, origine de tous les maux du monde moderne.

La confortable légèreté de l’être.

Hormis cette capacité incompréhensible qu’à l’être humain d’œuvrer contre lui-même, Gandhi nous montre à quel point, en multipliant les besoins, le paradis que l’on pense se créer peut devenir antithétique avec le bonheur que nous voulons atteindre. Ainsi, selon lui, « La civilisation, au vrai sens du terme, ne consiste pas à multiplier les besoins, mais à les limiter volontairement c’est le seul moyen pour connaître le vrai bonheur et nous rendre plus disponibles aux autres ».
Publié pour la première fois en 1958, Tous les hommes sont frères recèle une philosophie visionnaire. Les besoins de communication, l’immédiateté des contacts, la profusion des réseaux sont à la fois une avancée pour la transmission des savoirs mais une source d’isolement pour les individus. Plus les besoins augmentent plus la séparation entre les individus et le rejet de l’autre augmentent également. Faut-il en conclure une relation de cause(s) à effet(s) ?
Plus l’impossibilité d’obtenir augmente – crise économique oblige – plus les conflits augmentent, plus le rejet de l’autre se fait sentir. « Nous rendre disponibles aux autres » c’est aussi le considérer comme soi-même.
La pensée kantienne ne dit pas mieux au travers des impératifs catégoriques : « Fait toujours en sorte que la maxime de ton action puisse toujours être érigée en loi universelle » et « agit de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien en ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais comme un moyen ».

S’il fallait conclure

« Je le dis, si cela est possible, sans arrogance mais avec l’humilité qui se doit : mon message et mes méthodes s’adressent pour l’essentiel au monde entier ; et avec une profonde satisfaction, je vois le merveilleux accueil dont il fait déjà l’objet en Occident dans le cœur d’un grand nombre d’hommes et de femmes qui ne cesse d’augmenter jour après jour ». Gandhi, réveille toi, l’Occident t’a oublié, et le reste du monde aussi…

> Gandhi  » Tous les hommes sont frères » – Folio

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