Une première partie de votre jeunesse a été dédiée à un mode de vie beatnik à la manière de Jack Kerouac. Comment cela s’est-il traduit ? Qu’avez-vous appris de cet esprit de la Beat Generation ?
Être sur la route « On the Road » à l’image d’un Dean Moriarty sans savoir ou aller ni avec qui, m’est venu naturellement. Après mes études, je ne me voyais vraiment pas me laisser prendre au piège de la routine sociale et économique qui aurait voulu me faire croire à des mensonges et à une sécurité qui aurait dévoré mes rêves, qui aurait brulé ma jeunesse avec seulement des désirs de vacances et de retraite.
Je ne sais pas si quelqu’un m’a en réalité enseigné quoi que ce soit concernant le Beat. Je sais que ce sont des auteurs comme Jack Kerouac, Baldwin, Casteneda, Charles Bukowski qui m’ont ouvert la voie et m’ont beaucoup influencée et m’ont poussée à chercher, à être, à expérimenter, à vivre !
Qu’est ce que cela vous a apporté dans votre écriture et dans votre art ?
La façon dont je compose et j’écris, et ma recherche de mélodies a été influencée par le Beat Way, en cela, j’essaie de ne pas me conditionner à une façon précise ou particulière de création et d’expression. Mes chansons sont des témoignages d’une façon d’être, de ressentir, d’aimer, au sein de laquelle l’art de vie n’a aucune règle. Je qualifierais cela de sentiment de liberté. Errer et découvrir ce que votre expérience veut vous dire. Et ces mots deviennent éventuellement des mélodies et des chansons.
Plus tard, vous vous installez à Los Angeles où vous commencez à toucher à la musique. Comment s’est passée votre rencontre avec les Mojo Monks ?
Je n’ai pas rencontré les Mojo, j’étais une Mojo Monk. Je chantais et je jouais sur une Fender Telecaster.
C’était un trio de blues psychédélique dont la formation s’est faite très simplement dans des circonstances on ne peu plus banales.
Tony, le bassiste, était quelqu’un avec qui j’ai travaillé d’abord « pour avoir de quoi manger et de quoi payer le loyer » et je crois que l’on a rencontré Steeve par le bouche-à-oreille. Ensuite, nous sommes allés dans le garage de Tony pour jouer et ça rendait bien.
Le nom vient d’un mélange entre un titre d’une chanson de Jim Morrison (« Mojo rising ») et le nom de famille d’un pianiste pour qui j’ai beaucoup de considération : Theolonius Monk.
Vous avez découvert également la musique des années 60/ 70 à Los Angeles. Comment ces musiques vous ont-elles nourries ?
Il est vrai que les meilleures découvertes de la musique des années 60 et 70 ont été faites à Los Angeles, bien que j’aie déjà été influencée et initiée à la musique des Crosby, Stills, Nash and Young, Joni Mitchell, Credence Clearwater Revival, Janice Joplin and the Grateful Dead avant mon arrivée dans la merveilleuse ville des anges déchus. Non seulement cette musique me nourrit, mais elle m’inspire un sentiment de « lâcher prise » par le son et par l’émotion qu’elle dégage. Cette musique m’a appris, tout comme la musique afro-américaine de la même période, que le chant et la musique, en temps qu’ensemble, ne devraient pas venir de la tête, mais des tripes!
Vous décidez de partir pour Paris sur les traces de grands artistes comme Joséphine Baker, James Baldwin, Miles Davis. Avez-vous une anecdote à nous raconter à ce sujet ? Car on lit de vous que votre installation sur Paris fut épique.
Il n’y a pas vraiment d’anecdotes à proprement parler. Juste la vraie vie. La notion de Paris « Rive Gauche »,
Et l’esprit bohémien d’ouverture et de recherche intellectuelle qui est né là et qui y réside toujours à certains égards m’appelait. Ce fut comme un appel.
Le fait que même sur un niveau sociologique, les Noirs ou du moins les artistes afro-américains, des auteurs étaient plus que bien accueillis voire même « gâtés » en arrivant c’était un « idéal » merveilleux pour moi ! Joséphine Baker qui quitte l’Amérique raciste de l’époque et qui devient une star en France, ce fut une histoire incroyable à entendre. De même pour l’histoire d’amour dans les années 60 entre Miles Davis et Juliette Gréco, une femme blanche. Et la musique, le jazz, l’écriture, la vie et la musique, j’ai voulu être une partie de cela, j’ai voulu être la suite de cela et j’ai souhaité en devenir le relais.
Donc j’ai écouté l’appel, j’ai vendu mes biens, emporté un sac à dos, saisi ma guitare et j’ai pris un aller simple pour Orly …
J’ai du avoir un bon pressentiment parce que je ne peux pas me plaindre de ce que je suis ni d’où je vis aujourd’hui!
Ce nouvel album SoulBlazz sort après une longue période de silence. Avez-vous eu besoin d’une période de maturation plus longue pour cet album ?
Une longue période de maturation aide toutes les causes, cela n’a rien à voir avec le besoin. Les périodes d’absence et de silence signifient souvent vivre, profondément vivre. L’âme cherche à vivre, la peine, la perte et la recherche, c’est la vie. Et la maturité que vous n’aviez pas, mais qui s’acquiert naturellement vous permet d’appréhender la vie avec plus de recul, en voyant ce que l’on gagne et ce que l’on perd de manière plus claire et plus précise.
Cette sorte de lumière, qui vient avec l’expérience, ajoute de la richesse et de la compréhension dans toutes nos recherches que ce soit dans la vie ou dans la musique.
Comment êtes-vous parvenue à faire la première partie de Diana Krall au début des années 2000 ?
C’était inespéré. Je faisais un concert de charité, guitare voix, à la Flèche d’Or et Catherine Sebag qui travaillait pour Canal + m’a remarquée.
Elle était réalisatrice d’une émission appelée « C’est ouvert le samedi ». Le concept était de suivre la vie d’une personne et d’en faire le thème de l’émission. Elle avait vraiment aimé ma présence sur scène pour cette cause et m’a demandé si un caméraman pouvait me suivre lorsque je « faisais le chapeau » à l’époque. Une fois dans la boite, ça a été diffusé. La télévision a un immense impact et à peine un ou deux mois plus tard, un représentant des productions Bruno Coquatrix m’a appelée en me demandant si je voulais faire la première partie de Diana Krall à l’Olympia.
Et voulez-vous savoir le plus drôle ? Dans un instinct de survie, je lui ai demandé où, à quel endroit, de qui il s’agissait et par-dessus tout combien c’était payé. Aujourd’hui je peux en rire !
Est-ce cela qui a lancé votre carrière ou vous a aidé à émerger sur la scène française ?
Complètement ! La preuve !
Si vous deviez parler de votre album en seulement deux mots, quels seraient-ils ?
Coeur et âme
Natalia M.King
SOULBALZz
Jazz Village Harmonia Mundi
(photo Bernard Fèvre@)
>> Le site officiel de Natalia M.King
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