Histoires d’Hommes ? Un règlement de compte amoureux un peu trop complaisant
Par Florence Gopikian Yérémian –bscnews.fr/ « Histoires d’hommes »… La pièce aurait tout aussi bien pu s’appeler «Histoires de femmes » car dans cette amusante mise en scène de Christophe Luthringer, c’est vraiment de commérages au féminin dont il s’agit. Jeunes, effrontées et la rage au ventre, trois Catherinettes montent sur scène pour conter au public leurs ivresses charnelles et leurs amours déchus.
Cachées derrière d’excentriques perruques et des bigoudis rose-fluo, elles évoquent leurs premiers baisers, leurs tendres soupirs et leurs interminables attentes au bout du téléphone… Sans aucune retenue, elles décrivent ensuite d’étonnantes aventures avec des maçons ou des poissonniers catalans et se mettent à fantasmer sur des bucherons ou de vigoureux guerriers encore puceaux…
Par delà leurs divagations voluptueuses, elles reviennent parfois sur terre et se rappellent les tristes jours où elles se sont aussi fait larguer, jeter, souiller sans trop comprendre pourquoi. Durant ces sombres épisodes, elles se sont retrouvées totalement désillusionnées mais, qu’à cela ne tienne, ces martyrs en mini-jupes sont d’Eternelles Amoureuses. Qu’elles rient ou qu’elles pleurent, elles ne peuvent se passer d’aimer au point de se laisser aveuglement manipuler par les meutes de mâles qui les entourent. A chaque fêlure sentimentale, elles essayent de se soigner à coup de sophro, de prières ou de marabout car quelle que soit la blessure, ces descendantes d’Aphrodite sont prêtes à tout, ne serait-ce que pour avoir encore une fois le cœur qui chaloupe!
C’est avec entrain et dynamisme que cette Trinité pas vraiment sainte se propose de décortiquer le sentiment amoureux. Solidaires dans la joie autant que dans le désespoir, ces trois protagonistes ont chacune une vision et une attitude très personnelle à l’égard de l’Amour. La première (Magali Bros) est une menteuse chronique ; à la fois fragile et élégante dans sa gracieuse robe orange, la belle vit à travers ses illusions et ne se rend même plus compte qu’elle se ment à elle-même ! La seconde (Pauline Devinat) semble lucide et déterminée, mais elle cache à son tour un tout autre visage derrière des lunettes trop sages ou des déguisements bien trop saugrenus. La dernière (Aude Kerivel) demeure définitivement la plus libérée: généreuse, désinhibée, elle parle ouvertement de sexe et n’hésite pas à se promener dans les gradins de la salle pour interpeller directement les mâles du public !
Ces talentueuses comédiennes ont le ton vif et précipité, comme il convient à la jeunesse d’aujourd’hui. Leur langue est à la fois crue et contemporaine et décline le fastfood aussi facilement que le fastlove. En les écoutant attentivement on se rend compte que tout va trop vite à notre époque, que l’Amour est devenu une marchandise prise et jetée sans en avoir savouré le contenu. Les gamines d’aujourd’hui ont besoin de romantisme même si elles cachent ce côté fleur-bleue derrière une fausse vulgarité. Voilà pourquoi ce spectacle est entrecoupé d’interludes mélancoliques où ces demoiselles s’amusent espièglement à fredonner la chanson de la Fée Clochette !
Malgré la fougue et la pétulance qui animent cet effervescent trio, il ressemble hélas à un tiercé perdant : pourquoi donc ces filles du XXIe siècle persistent-elles à se comporter en victimes du premier sexe ? Toutes les femmes amoureuses sont-elles donc si vulnérables ? Si godiches ? Si dépendantes ? Avec le caractère et l’aplomb que possèdent ces jeunes comédiennes, on voudrait les voir défendre des positions plus féminines (voire féministes !) mais elles ne font qu’obstinément se pâmer devant les pseudo-princes charmants qui les embobinent ! La pièce aurait pu s’apparenter à un règlement de compte public, coriace et pragmatique, elle ne ressemble hélas qu’à une tragi-comédie interprétée par trois copines frustrées un soir de déprime… La cause de cet égarement désespéré n’est pas bien compliquée à deviner : le scénario a été composé par un homme, Xavier Durringer… L’écriture en est belle mais comment voulez-vous qu’il sache vraiment ce qui se passe dans la tête d’une femme ???
Histoires d’hommes
de Xavier Durringer
Mise en scène: Christophe Luthringer
Avec Magali Bros, Pauline Devinat, Aude Kerivel
Théâtre Lucernaire
53, rue Notre Dame des Champs – Paris 5e
Jusqu’au 6 septembre 2014
Du mardi au samedi à 18h30
Réservations: 0145445734
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