Katja Kettu : la maïeutique au coeur de l’Enfer

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Juin 1944 – Février 1945: au cœur de la Laponie, alors que le tout dernier épisode de la seconde guerre mondiale opposent les Allemands et les Finlandais, une passion aussi violente que bouleversante se tisse entre deux êtres que rien ne prédestinait à s’aimer : Œil-Tordu, sage-femme à l’enfance tourmentée et au ventre stérile, et Johann Angehorst, reporter et officier SS. Qu’est-ce qui lie ces deux êtres sinon surtout le désespoir, la solitude et le besoin de trouver une raison de croire en un avenir meilleur dans un monde aussi monstrueux que chaotique?

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Le roman de Katja Kettu est brillant. S’il nécessite de la persévérance pour la lecture des premières pages (tant l’écriture singulière de l’auteure, l’incipit « In medias res », la crudité des propos et les réalités géo-politiques décrites complexes déstabilisent), on est ensuite littéralement aspiré par la fougue et la violence de ce récit. Katja Kettu nous raconte l’horreur des camps nazis où l’humanité s’effondre et la cruauté devient un pain quotidien que l’on digère avec une soumission et une résignation effrayantes, où l’on inocule des maladies aux prisonnières pour d’aussi rationnelles qu’inadmissibles recherches scientifiques ; des lieux hantés par les râles des femmes de soulagement que l’on viole à de multiples reprises chaque jour et que l’on laisse souvent dans des états cliniques terribles.

Au bord de l’océan Arctique, deux civilisations s’affrontent et dans le camp de Titovka, Œil-Tordu devient la complice de ces agissements barbares en faisant avorter les victimes des conquérants barbares…simplement parce qu’elle veut être auprès de Johann. L’amour qui excuse toutes les monstruosités, voilà le thème que l’auteure finlandaise, considérée comme une véritable réformatrice de la littérature dans son pays, retranscrit avec une vérité éblouissante. L’amour qui terrasse tout, se relève de tout, renverse tout. L’amour jusqu’à la folie, jusqu’à l’aveuglement, jusqu’à la mort… La sage-femme est le roman sublime d’une auteure, réalisatrice, artiste et chanteuse dans un groupe Punk …comme on en croise peu. Ne passez pas à côté!

 » Et alors, tout à coup, je me rends compte que je suis amoureux d’elle. Cette femme a quelque chose qu’aucune autre ne peut m’offrir. Pas la sœur du Bidonard ou les filles de la Hitler-Jugend, pas les employées aux yeux d’encre du Parti ou les étudiantes à jupe serrée de la salle de conférences de l’Ahnenerbe, qui buvaient les paroles de Himmler sur la splendeur antique de l’Allemagne et sur la sépulture d’Alaric. Œil-Farouche a la foi, mais pas sous la forme de cette religiosité stérile par laquelle tant de tribus primitives expliquent l’âme du monde, que la science moderne décrit comme des ondes magnétiques et des signaux électriques. Non, la foi de cette femme-ci est différente, elle est si grande et si puissante qu’elle a l’air irréelle. Et ce n’est pas en Dieu qu’elle croit. C’est en moi. »

La sage-femme
Auteur: Katja Kettu
Roman traduit du finnois par Sébastien Cagnoli
Editions: Actes Sud
Prix: 23,50€
Parution: Mars 2014

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