La fin du monde a du retard

par
Partagez l'article !

Par Nicolas Bodou – bscnews.fr/ PHOTO P.Matsas – opale/Le complot, voilà bien un sujet d’actualité. C’est donc avec ce sujet au combien vaste que revient Jean-Marcel Erre pour son cinquième roman…

Partagez l'article !

« En l’an 5115 du calendrier hindou, à quelque deux millions de centimètres du nord de Paris, protégé des extraterrestres, des betteraves et des Picards par des murs épais, un établissement de standing offrait à l’être en perte de repères de regarder le monde sous un angle neuf. C’était un lieu de paix où le citadin stressé pouvait rompre avec le rythme infernal de la vie moderne ; un espace humaniste où l’on acceptait son prochain sans discrimination ; un éden hors du temps où des anges immaculés vous ramenaient aux choses essentielles à l’aide de potions magiques aux couleurs acidulées. Un lieu sans métro, sans boulot, mais avec beaucoup de dodo. La clinique psychiatrique Saint-Charles. Trois toqués au guide Dumachin. » C’est dans ce décor paradisiaque que commence l’aventure d’Alice et Julius, deux amnésiques. Alice, seule rescapée de son mariage qui a fini en explosion, décimant tout le monde sauf elle. Les séquelles de cet « wedding-apocalypse » sont terribles, outre une amnésie totale, Alice n’éprouve plus aucune émotion. Julius, quant à lui, a l’intime conviction qu’un complot de grande ampleur se prépare. Il alimente d’ailleurs un blog régulièrement à ce sujet (www.la-fin-du-monde-a-du-retard.com), où il échange avec d’autres fans ainsi que d’autres adorateurs de la théorie du complot.
En effet, une organisation secrète, que personne ne connait, nommée Tirésias prépare un sale coup. Julius en est persuadé. Le duo parvient à s’échapper de la clinique Saint-Charles. Une folle course poursuite va alors s’engager, cahotant de rebondissements, en rencontres improbables, emballée dans une bonne dose d’humour. Alice et Julius ne seront pas seuls dans cette aventure. Ils seront aidés par Ours, un geek allumé, persuadé comme Julius qu’un complot se prépare et convaincu que l’hygiène est superflue dans cette quête de vérité. Le commissaire Gaboriau, à deux doigts de la retraite, est chargé de les retrouver Aidé de son fidèle adjoint Matozzi, jeune lieutenant qui incarne la nouvelle génération et grâce auquel Gaboriau, ne regrette pas du tout de quitter la police. On croise aussi dans cette odyssée, des vieux soixante-huitards tenant un hôtel dédié à l’amour libre ; « l’Hôtel de la révolution accueillait une clientèle d’habitués qui trouvait ici des draps presque propres, de l’eau presque chaude et des femmes presque jeunes. » Les frères Volfoni (évidemment un hommage aux Tontons), des paparazzis peu inspirés, des marginaux vivant dans les égouts, persuadés d’être les survivants de l’apocalypse…Avec ce nouveau roman, nous voilà replongés dans l’univers jubilatoire de Jean Marcel Erre, composé de personnages loufoques, légèrement désaxés aux prises avec des situations bien improbables. Une course poursuite sans temps mort accompagnée d’un style burlesque qui emmène le lecteur très loin aux confins des mystères de l’humanité. J.M Erre joue cette fois-ci avec la vérité et les croyances de chacun. Où est le vrai ? Avec cette idée en soubassement qui incite à croire qu’au fond c’est une question de point de vue et de santé mentale. Jean-Marcel Erre construit chaque page avec dose d’humour toujours égale, sans jamais égarer le lecteur. Et c’est là toute sa force narrative, car l’ensemble est incroyablement drôle, les dialogues sont épiques servant une trame rondement menée. Les pages défilent vite, la lecture est rapide, et quelques pauses sont toutefois recommandées pour se reposer les zygomatiques.
« Il est des matins où l’on se lève avec une féroce envie de dépasser sa condition, avant de s’apercevoir que le petit a vomi sur son doudou kangourou. Il est des jours où l’on s’affranchirait volontiers des limites étriquées de la morale judéo-chrétienne si on n’avait pas rendez-vous pour le contrôle technique de la Twingo. Il est des moments où l’on s’émanciperait avec joie de son surmoi castrateur pour vivre pleinement ses désirs, mais pas tout de suite parce qu’on doit poster le tiers provisionnel avant minuit.
Ces actes de révolte libératoire, certains ont eu le courage de les assumer jusqu’au bout. Ils ont pour nom Prométhée, Sisyphe, Icare ou Frankenstein. Ils ont dérobé le feu aux dieux, déjoué la mort, volé près du soleil ou crée un être vivant. Avant que tout ça ne se termine par un sordide trafic d’organes, une épuisante livraison de rocher en haute montagne, un crash aérien au large de la Crète ou un harcèlement moral par une créature verdâtre et suturée. »

La fin du monde a du retard
Jean-Marcel Erre
Editions Buchet Chastel.
416 pages.
20 euros.

A lire aussi:

Des dangers d’une croisière en Antarctique

Louise Doughty : quand tout bascule…

Olivier Delahaye : larguer les amarres de l’enfance !

Gilles Verdiani et la dolce vita

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à