La place du chien? Une étrange pièce « canine » en quête de pedigree
Par Florence Gopikian Yeremian – bscnews.fr/ D’un côté, il y a Karine, jeune caissière blanche de peau, folle de son labrador de pure race. De l’autre, se trouve Silvain, percussionniste tout droit débarqué de Brazzaville avec sa peau d’ébène et ses coutumes afro.
L’espace d’une soirée ce tandem bicolore va s’amouracher l’un de l’autre et tenter de mettre en place un semblant de vie commune. Seulement voilà, il y a le chien…
Quelle est la place du chien de Karine au sein de ce jeune couple métissé? Est-il là uniquement pour amuser la galerie et se plier aux ordres? Ne peut-il lui aussi défendre sa maitresse, subvenir à ses moyens ou l’aimer d’amour comme le fait cet intrus de Silvain ? A bien y réfléchir, le mot « maîtresse » signifie « amante » dans la langue française, tel devrait donc être le rôle ambigu qui incombe à Karine : Aimer son chien!
Au fil des jeux de mots, des tracas quotidiens et des grognements, cette pièce canine secoue les puces de toute l’assistance. Menée tambour battant par un trio de comédiens drôles et audacieux, elle bouscule sans concession les bien-pensants du public et coupe radicalement la chique aux autres. Entre l’énergique prestation de Flora Diguet (Karine) et la tendre fraicheur de Lamine Diarra (Silvain), la palme de l’interprétation revient néanmoins à Yoan Charles qui s’est littéralement glissé dans la peau du chien! Ce comédien loufoque maîtrise non seulement les aboiements et les fulgurants bonds à la verticale du Labrador mais il parvient aussi à lui insuffler une étrange humanité. Alternant entre la figure de l’homme et celle du chien, il joue sur les deux tableaux et nous fait rire autant qu’il nous dérange avec ses postures animales et sa lecture intensive du Kama Sutra ! Au cœur de cette sulfureuse trinité, aucun sujet n’est épargné: on évoque l’émancipation féminine, le racisme, la SPA et surtout la sexualité! Tour à tour enlacés ou dormant avec le chien, Karine et Silvain parlent ouvertement de cunnilingus, font appel à des marabouts ou écoutent des chansons post coloniales sur les mormons polygames!
Avec humour et sans complexe, ces deux tourtereaux tentent de départager la place de l’homme et de la femme mais aussi celle de l’étranger et de l’individu face à une société sclérosée débordant de préjugés. Au rythme des ouafs-ouafs et des tamtams congolais, on se laisse prendre par cette mise en scène surréaliste ou Marine Bachelot nous questionne, en fin de compte, sur la notion de pedigree humain.
Malgré un début de spectacle léger et entrainant, on regrette sa chute lourde et maladroite. Le spectateur passe, en effet, d’une ambiance au goût de cerise à une fin zoophile pleine d’amertume… Le propos sur la quête identitaire était pourtant bien engagé dans cette drôle de fiction. Fallait-il pousser si loin le monologue final ? C’est dommage, nom d’un chien!
La place du chien
Texte et mise en scène Marine Bachelot
Avec Yoan Charles, Lamine Diarra et Flora Diguet
À partir de 15 ans
La maison des Métallos
94, rue Jean-Pierre Timbaud – Paris 11ème
M° Couronnes
Du 8 au 13 avril 2014
Tournée en 2015
2 avril – théâtre de Laval
8-9 avril – la Passerelle de Saint Brieuc
16 avril – centre culturel de Cesson Sévigné
Crédit-photo: Caroline Ablain
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