Tout mon amour : A-t-on besoin du passé pour vivre ?
Par Estelle Régnier – bscnews.fr/ Quoi de pire que la perte d’un enfant ? La suite logique serait : quoi de plus heureux que de le retrouver ? Mais tout n’est pas si simple…
Les comédiens du collectif Les Possédés sont sur scène et ne la quitteront à aucun moment. De la vaisselle en pagaille, des animaux empaillés, des malles, des magazine dans une maison de campagne : voici le décor de ce huis clos familial.
Un homme est venu enterrer son père. Accompagné de sa femme, ils vont devoir faire face à leurs démons : la réapparition de leur fille disparue il y a dix ans. Divagation? Ce drame psychologique nous fait entrer dans l’intimité de cette famille anonyme aux personnages sans artifice. Un couple antinomique : le père aimant, protecteur mais maladroit qui ne peut cesser d’espérer et la mère que le désespoir a menée à la psychose et qui s’enferme dans le déni. Et puis le fils, vivant depuis 10 ans le cauchemar de cette disparition sororale, oublié face à l’obsession et l’aveuglement de ses parents. Enfin, la fille Elisa, cette étrangère fragile, dont seule on connaît le prénom (signifiant dans un miroir) et qui n’en veut à personne, même pas à son bourreau. Et au milieu d’eux, le défunt grand-père, dur, intolérant, autoritaire au premier abord mais réellement affligé par la solitude. Paradoxalement, ce spectre attire notre sympathie en venant mettre une pointe d’humour et de légèreté au sein de cette atmosphère pesante. Petit à petit, ils vont tous perdre leur sang froid. Les reproches fuseront, les non-dits éclateront avec une extrême puissance. Et même lorsque les choses sont dites sans mot concret, la suggestion sera tout aussi violente. Si les premières minutes peuvent laisser dubitatifs du point de vue du jeu, le spectateur entre progressivement dans la sphère étroite de cette famille. Le jeu des acteurs devient de plus en plus remarquable et bouleversant. L’écriture poignante ne cesse d’aller crescendo jusqu’à atteindre son sommet : vont-ils croire en l’impossible ou s’y refuser ? Alors, le noir envahit la scène, le silence ou presque se fait entendre… Témoins de ce drame, nous assistons à l’indicible, à la complexité et la fragilité – masquée ou non – de l’humain. Que l’on adhère ou non au texte de Laurent Mauvignier, à la scénographie épurée, à la mise en scène violente mais juste, Tout mon amour ne laissera personne indifférent.
Tout mon amour
De Laurent Mauvignier
Création collective dirigée par Rodolphe Dana
Le collectif Les Possédés avec Simon Bakhouche, David Clavel, Julien Chavrial, Émilie Lafarge, Marie-Héléène Roig
Durée : 1h20
Tournée 2013-2014 :
– Au Théâtre Firmin Gémier / La Piscine, Châtenay- Malabry : le 13 novembre 2013
– Au Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence : les 28 et 29 novembre 2013
– À La Comédie de Clermont, Clermont-Ferrand : du 7 au 12 janvier 2014
– Aux Sept Collines, Tulle : le 14 janvier 2014
– Au Parvis, Scène Nationale Tarbes-Pyrénées : le 18 janvier 2014
– Au Canal, Théâtre Intercommunal du Pays de Redon : le 21 janvier 2014
– Au Moulin du Roc, scène nationale de Niort : les 23 et 24 janvier 2014
– Au Théâtre de la Coupe d’Or, Rochefort : du 28 au 30 janvier 2014
– Au Théâtre de la mauvaise tête, Marvejols / Les scènes croisées de Lozère : le 6 février 2014
– Au Théâtre de Clermont l’Hérault : le 8 février 2014
– À Sortie Ouest, Béziers : les 11 et 12 février 2014
– À La Passerelle Scène Nationale des Alpes du Sud, Gap : le 19 février 2014
– AuThéâtre Durance, Château-Arnoux / Saint Auban : le 21 février 2014
– Au Quartz, Brest : du 25 au 27 février 2014
– Au Théâtre de Vevey : les 6 et 7 mars 2014
– Aux Théâtres en Dracénie, Draguignan : le 11 mars 2014
– Au Forum, théâtre de l’agglomération Fréjus Saint Raphaël : le 13 mars 2014
– À l’Espace Malraux, Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie : du 8 au 10 avril 2014
– Au Granit, Scène nationale de Belfort : les 10 et 11 mai 2014
A lire aussi:
Tout mon amour : « une histoire extraordinaire qui arrive à des gens ordinaires «
Blue Jeans: un manifeste marionnetique contre l’exploitation enfantine
Lune et Lotre : elle aurait pu être langoustine ou éléphant, elle choisit couturière.
Seconde escale pour la Compagnie Philippe Car : Antigone au nez rouge !