Des fleurs pour Algernon : le monologue époustouflant de Grégory Gadebois
Par Mélina Hoffmann – bscnews.fr/ Charlie a un QI de 68. Son travail consiste à nettoyer les toilettes dans une usine de plastiques où ses collègues rient ouvertement de lui. Sa soif d’apprendre et sa motivation en font néanmoins un cobaye parfait pour une expérience scientifique dont les résultats se sont révélés encourageants sur Algernon, une souris de laboratoire.
Si l’expérience réussit, Charlie sera le premier homme dont le QI sera triplé par la chirurgie ! « Ils ont fait l’opération pendant que je dormais. Du coup, j’ai rien senti. Pas bête. »
On se prend d’abord d’affection pour cet homme simple d’esprit dont l’élocution et la gestuelle s’apparentent à celles d’un jeune enfant. Ses répliques sont d’une naïveté d’autant plus attendrissante que l’interprétation de Grégory Gadebois est d’une précision et d’une finesse admirables. Et puis, sous notre regard captivé, la métamorphose s’opère, progressivement et subtilement, à mesure que son intelligence évolue. « J’ai l’impression de me déplier l’esprit. » confie-t-il tandis que son vocabulaire s’enrichit, que sa manière de parler devient plus fluide et que son rapport aux autres et au monde se modifie. Mais chaque expérience comporte son lot de risques, pas toujours prévisibles…
Cette pièce est un coup de coeur absolu et mérite largement les nombreuses éloges dont elle est l’objet ! A la fois drôle, intelligente et touchante, elle pose de nombreuses questions, tant sur les « progrès » de la science, leur légitimité, leurs limites et l’aspect éthique, que sur l’intelligence. Car si l’intelligence séduit, elle peut aussi mener à une sensation d’isolement et d’enfermement plus puissante – et surtout plus consciente – que la « bêtise ». N’est-elle pas, finalement, un outil plutôt qu’une fin en soi ? La conscience aiguisée des choses qu’apporte généralement l’intelligence ne rend-t-elle pas, au final, plus vulnérable ? Une intelligence extrême peut-être se révéler être une voie d’accès rapide au mal-être ? Toutes ces questions cheminent encore en nous, bien après la représentation.
Grégory Gadebois est simplement époustouflant et bouleversant dans ce monologue hypnotique. Dans une mise en scène sobre et intelligente, il nous livre une interprétation fine, brillante et complètement incarnée de ce texte puissant dans lequel le non-verbal tient une place primordiale. A ne surtout pas manquer !
Des fleurs pour Algernon
De Daniel Keyes et Gérald Sibleyras
Mise en scène : Anne Kessler
Avec Grégory Gadebois
Au Théâtre du Petit Hébertot ( 78 bis, boulevard des Batignolles , 75017 Paris ) Tél. location : 01.43.87.23.23
En dehors de Paris:
Du 10 au 21 mars 2015 au TNS ( Strasbourg)
A lire aussi:
J@lousie en trois mails : L’amour peut-il continuer à s’épanouir sans liberté ?
Le cercle des illusionnistes: Et si la vie se devait de nous surprendre?
La Compagnie du Matamore nous offre un quatuor racinien sobre et mélodique
Le rocher : une pièce sur l’identité personnelle, le respect de soi et de l’autre
Alex Vizorek : Un spectacle déjanté et vivant sur les oeuvres d’art