Moriarty : « Fugitives, c’est une façon de s’échapper des habitudes, des standards et d’un destin préconçu »
Par Nicolas Vidal – bscnews.fr / Le Moriarty Band nous revient avec un nouvel album très attendu par les fans de la première heure. Avec une volonté assumée de se replonger dans les origines du folk et du songwriting, les franco-américains viennent de poser sur la scène française leur dernier album« Fugitives» dont ils dévoilent quelques secrets au BSC NEWS .
Après vos derniers succès, vous avez su susciter le désir de votre public impatient de découvrir un nouveau projet et un nouveau album. Quel est la genèse de Fugitives ?
Les chansons que nous avons reprises font partie des racines du Rock/Folk. Les morceaux de cette époque sont pour plusieurs d’entre nous ce qui nous a poussé à faire un instrument ou alors comme Rosemary ceux que chantait son père
Est-ce que cet album a puisé ces racines au coeur d’une idée plus personnelle ou d’une vraie volonté du groupe d’explorer un thème qui vous tenait à coeur ?
Nous avions joué plusieurs de ces morceaux depuis des années, d’autres ont été repris à l’occasion d’un concert autour des racines de Bob Dylan, qui sont pour beaucoup les mêmes que les nôtres.
Qu’est ce qui vous a attiré dans cette idée de l’héritage et des ancêtres ?
Ce sont des histoires tout à fait contemporaines; des salariés assassinent leur patron qui ne les a pas payé, un bandit au grand coeur vole aux riches pour donner aux pauvres et dénonce les agissements de certains banquiers. ou encore un amant trahi empoisonne son amie.
Chez nos confrères de RFI, vous avez établi un lien entre Dean Moriarty, meilleur ami et égérie de Jack Kerouac avec cette idée de fuite. Pensez-vous que la fuite soit l’un des chemins vers le romantisme ?
Je pense qu’on essaie plutôt de fuir le romantisme, car on s’y sentirait vite enfermés. La fuite dont il est question ici est un choix plus ou moins conscient… pour nous c’est une façon de s’échapper des habitudes, des standards, d’un destin préconçu. Dans les histoires de « Fugitives », pretty boy floyd , bad lee brown (l’assassin de little sadie) fuient la police & la justice et sont rattrapés par la mort. Hank Williams, en chantant « ramblin’man », parle plutôt d’une fuite en avant, d’une pulsion qui le force à reprendre toujours la route et à abandonner sa maison…
Si vous deviez donner un élément qui scelle la base toute entière de l’entité musicale Moriarty, quel serait-il ?
L’esprit de contradiction!
Pouvez-vous nous parler des différentes collaborations qui se sont greffés à cet album ?
La plupart des invités sur Fugitives sont des musiciens qu’on connait de longue date, et avec lesquels on a déjà souvent joué.
Wayne Standley, le père de Rosemary, qui est chanteur-guitariste de folk, country et bluegrass américain, lui a enseigné la musique depuis toute petite en lui faisant chanter tout le répertoire de musique traditionnelle américaine. Lorsque nous nous sommes engagés dans le projet « fugitives », c’était une évidence de l’inviter à chanter avec nous.
Don Cavalli, c’est notre batteur Vincent Talpaert (qui enregistre aussi nos albums) qui nous l’a présenté, car ils travaillent ensemble depuis des années. Ça a été un choc quand on l’a entendu pour la première fois… Sa voix, ses compositions, sa manière de jouer, tout sonnait viscéralement juste. C’est Don Cavalli qui nous avait proposé cette chanson (« Down in the willow garden ») pour la jouer ensemble aux Francofolies de la Rochelle.
Les Mama Rosin, on les a rencontrés à un festival en Suisse, et ça a tout de suite collé au niveau de la culture musicale, du son, de l’esprit… On les a invités de nombreuses fois à des concerts, des festivals, et puis finalement on a enregistré de façon impulsive, en 3 jours, un disque vinyl 5-titres « Moriarty Meets Mama Rosin » avec des reprises de chansons cajun et de rock psychédélique. La chanson « Matin pas en mai » est issue de ces sessions.
Quant à Moriba Koïta, nous l’avions invité à jouer avec nous il y a des années pour le festival africolor et il avait apporté des gammes, des rythmes inconnus à nos chansons. C’est Arthur qui a eu ici l’intuition de l’inviter à détourner, avec sa ligne de luth n’goni, l’univers country-folk de chansons comme « pretty boy floyd » ou « ramblin’man ». En même temps, en écoutant les accords de ces chansons américaines, Moriba nous disait qu’ils ressemblaient beaucoup aux harmonies de musique de l’Afrique de l’Ouest qui lui étaient familières… il a donc joué sur nos chansons de façon très naturelle.
Enfin, il y a les musiciens indiens qui jouent sur « Belle (Mumbai) » – une chanson qu’on trouve seulement dans les bonus qui figurent sur la face D du vinyle de Fugitives . On était en tournée en Inde, à Mumbai, et on a enregistré dans les studios Yash Raj à Bollywood, quelques chansons avec Dilshad Khan, un joueur de sarangi (violon indien), Firoz Shah, un joueur d’harmonium, et Pradeep, son petit-fils qui chantait en dialogue avec Rosemary. Leurs lignes mélodiques, leurs rythmes et gammes musicales nous ont influencé jusqu’à maintenant…
Fugitives – Moriarty Band
Air Rythmo
Lire aussi :
Eric Bibb : Les secrets de Jericho Road
JC Brooks : Le phénomène de la Soul venu de Chicago avec Howl
Hugh Coltman : à mi-chemin entre littérature et musique
Scotch and Sofa : de la Pop classe et cosy
Aurèle Quidam : du folk rock du côté de la Bretagne
Niuver : L’identité sensuelle de la liberté
Le Skeleton Band : Une incroyable contrée musicale
(Photo Jean-Baptiste Millot)