Niuver : L’identité sensuelle de la liberté

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Par Nicolas Vidal – bscnews.fr / Niuver ne s’embarrasse pas de ses origines cubaines dans ses chansons. Celles-ci font partie de son identité qu’elle revendique, mais elle s’appuie d’abord sur la liberté de ses émotions, de ce qu’elle ressent et de qu’elle souhaite exprimer. Entre deux styles, deux rythmes, deux sourires, Niuver revient avec Transnochando, un album qui vous prend par la main en vous susurrant des textes, des mots et un pétillant bouquet d’émotion. Entre Luz Casal et Art Mengo, Niuver fait ce qu’il lui plaît et pourvu que cela dure.

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Votre histoire avec la musique est d’abord une passion de votre enfance. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je chante depuis toujours. Maman n’arrêtait pas de me faire taire à la maison tellement je chantais à longueur de journée. Mon arrière grand-mère d’origine espagnol et créole me berçait avec des chansons de ces deux pays. Dès l’école, je chantais régulièrement dans les activités culturelles de ma classe. Je composais avec ma meilleure amie des chansons pour les différents événements de l’école. Puis j’ai été choisie pour former un groupe avec 4 autres petites filles musiciennes du village. Avec un répertoire de chansons latino-américaines engagées, nous avons parcouru notre province de Matanzas de festival en festival.

À première vue, on pourrait croire que Niuver est votre nom d’artiste, mais pas du tout, c’est votre prénom !
Mes parents m’ont toujours dit qu’ils avaient inventé ce prénom. La vérité est que je ne sais pas vraiment son origine. La seule chose que je sais ce qu‘il n’est pas commun à Cuba, et que là-bas c’est possible d’avoir des prénoms créés de toutes pièces.

Pouvez-vous nous parler de vos origines ?
Mes origines sont espagnoles-africaines, d’un coté les îles Canaries et de l’autre, Oviedo au nord de l’Espagne. Mes aïeux ont tous les deux choisi de quitter leur pays natal pour habiter Cuba. À l’époque où nous étions encore une colonie espagnole. De mon aïeul asturien est venu le métissage, car il a épousé une créole descendante d’Africains. Nous voici devenues une famille métissée.

Quelle part occupe Cuba dans votre musique ?
Cuba n’est jamais trop loin. En Europe, la musique cubaine est souvent liée, dans les esprits, à la musique traditionnelle, mais notre musique est vaste. Je viens par exemple du feelin’, (chansons sentimentales avec des harmonies empruntés au Jazz et interprétation libre), mais aussi du boléro, de la trova et la Nueva Trova (chansons poétiques). Ces influences sont bien présentes dans mes chansons autant que la musique paysanne et le son cubain.

Et dans votre carrière ?
Je me bats pour garder ma liberté artistique et pour ne pas devoir être ma propre caricature. Je ne supporte pas de devoir justifier mes origines, dans ma musique. Je suis libre quand je crée. J’exprime mes émotions sans m’autocensurer. Mes influences cubaines sont bel et bien là, mais pas besoin d’insister. Je suis cubaine et ce fait ne changera jamais.
La musique est un voyage spirituel, mon esprit est ouvert.
Les Cubains de l’île ne peuvent pas beaucoup voyager. Ma musique leur en propose un, pas dans leur folklore ni dans la tradition, mais dans le monde d’aujourd’hui, inspiré de ce que j’ai pu voir et respirer ces 13 dernières années d’exil artistique.

Qu’est-ce qui vous a propulsé en Europe et plus particulièrement à Bilbao ?
L’envie de sortir de Cuba, de pouvoir chanter ailleurs et de gagner ma vie. Bilbao, un hasard.

Est-ce vrai que vous avez commencé à chanter dans un piano-bar ?
Je n’ai pas commencé dans un Piano Bar, j’ai fait mes premiers pas dans une chorale de l’École Nationale d’Art de La Havane (Coro de Cámara) qui est devenue professionnelle par la suite (Schola Cantorum Coralina). Plus tard j’ai changé pour un trio vocal en vogue à l’époque appelé ‘Aries’. Le Piano-Bar viendra plus tard au Théâtre National de la Havane ‘’Le Delirio Habanero’’. Je faisais partie d’un co-plateau qui réunissait pleins d’artistes: Omara Portuondo, de Buena Vista Social Club, Ángel Díaz un des fondateurs du mouvement ‘’Feelin’’ Le trio, Los Tres de La Habana, des humoristes et des poètes. Arrivé en Espagne il fallait faire de l’animation. C’est fut un véritable choc.

Votre premier album sort en 2009. Sa conception a été longue et difficile.
Oui cela a été une expérience épuisante, mais sans doute enrichissante. En 2010 le label Putumayo sort mon single ‘Quiéreme mucho’ dans sa compilation ‘Jazz around the world’.

Est-ce que cela a été bénéfique comme expérience musicale pour la suite de votre carrière ?
Très jeune, J’ai manqué de patience, du coup j’ai très mal vécu ces années d’attente. Par contre, avec du recul, j’ai su que c’est une chance d’avoir le temps de voir mûrir le projet. J’ai appris le métier et les contraintes. J’apprends encore à sortir de ma bulle. Ça a été bénéfique surtout pour l’enregistrement de la voix, car les chansons, je les avais intériorisés et travaillé davantage. Je les ai enregistrés en une seule prise pour la plupart. Il n’y a presque pas d’édition de voix dans ce premier opus.

Vous chantez avec ce timbre chaud et latin sur des chansons à textes. Comment êtes-vous parvenue à cet équilibre sur ce nouvel album ?
Je ne sais pas, je laisse aller mes émotions. Je suis une personne chaleureuse. J’aime les beaux textes Mon disque ressemble un peu à mon chez moi. Il y a de la place pour moi et pour les autres. C’est pour cela que j’ai décidé de chanter une chanson de Tom Poisson. En Amérique latine cette chanson plaît beaucoup par son refrain entêtant. Mon interprétation rend la langue française plus accessible aux hispanophones.

Pourquoi avoir choisi d’écrire en français alors que de nombreux artistes français se tournent vers l’anglais ?
J’habite en France depuis l’an 2000. Je parle le français maintenant. C’est devenu complètement naturel de parler et chanter dans votre langue. J’ai besoin que l’on me comprenne. C’est tellement agréable de voir réagir les gens en concert. L’anglais pour l’instant ne me tente pas.

Cet album transmet une belle harmonie entre le chant et les arrangements en insistant juste ce qu’il faut sur des couleurs latino. Cela a-t-il été difficile de parvenir à cet équilibre ?
C’est le plus difficile : le dosage. Pour ça j’ai fait confiance aux deux arrangeurs de l’album Pierre Luc Jamain, Julien Chirol. J’ai demandé aussi l’avis des mes musiciens avec qui nous avons une grande complicité et j’ai suivi mes instincts. Dans cette album il a fallu faire des choix, je voulais que l’on comprenne bien que je viens de la chanson et pas du folklore. Je voulais poser des bases, laisser parler mes sentiments, exposer mes points de vue de féminins sur l’amour. Musicalement j’aime être où l’on ne m’attend pas. C’est un plaisir de parcourir de nouveaux chemins pris par la main. J’aime mélanger les styles . En live, le coté latino est beaucoup plus présente, pas question de le censurer. 


> L’album de Niuver ‘‘Transnochando’’ vient d’être nominé à Cuba comme meilleur album de l’année pour le prix Cubadisco : la plus grand fête de la discographie cubaine.

> Niuver – Transnochando – Sony Music

Le site officiel de Niuver

( Crédit photo – Youri Lenquette)

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