Des cartes postales contre le Führer: Est-ce si dérisoire?

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Par Florence Gopikian Yeremian –bscnews.fr/ Berlin 1940. Otto et Anna Quangel viennent d’apprendre la mort de leur fils unique sur le front français. Face à la douleur, ce vieux couple tranquille conçoit alors une échappatoire des plus singulières: afin de revendiquer leur opposition au Führer, ils décident de répandre aux quatre coins de Berlin des cartes postales anonymes critiquant le régime nazi. Chaque dimanche, et cela pendant près de deux ans, ces résistants de l’ombre vont placer rituellement leurs petits messages de révolte dans des cages d’escalier afin d’ouvrir les yeux de leurs concitoyens face à la barbarie du IIIe Reich.

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Entourés de mouchards, de lâches et de collabos, ce couple ordinaire va faire preuve d’un courage exemplaire quitte à se faire prendre dans les griffes de la Gestapo. Incessamment traqués par le commissaire Escherich (superbement interprété par le cynique Jean-Paul Dubois), Otto et Anna vont pendant deux ans entraîner ce sinistre individu dans un jeu de piste des plus dangereux.
À l’exemple du livre de Hans Fallada, la pièce est pétrie d’une émotion sourde. Claudia Morin et Marc-Henri Boisse incarnent les Quangel avec la délicatesse et la pondération propres aux vieilles personnes. Vêtue alternativement de son châle ou de son tablier à carreau, Anna est une mère au foyer qui nous touche par sa douceur et sa bienveillance. Les traits tirés et le cœur meurtri par la mort de son enfant, elle ne parvient à survivre dans son quotidien anéanti qu’en se prenant au jeu des cartes postales. De son côté, Otto s’est forgé une carapace délibérément inflexible. Cachant ses émotions derrière son journal et ses silences, il ne redonne un sens à sa vie qu’à travers l’écriture de ses petits pamphlets. Il ne mène d’ailleurs cette campagne tranquille que dans l’espoir de voir un jour s’effondrer ce régime assassin.
 Grisés par leur combat secret, ces deux paisibles opposants sont attachants de bout en bout car ils possèdent une âme pure proche de celle des enfants: quoi de plus innocent, en effet, que des cartes postales pour faire face à la monstrueuse machine hitlérienne?
Dans une mise en scène très bien construite, on se prend d’affection pour ce modeste couple si dignement soudé dans la douleur. Au fil des scènes qui se succèdent comme des épisodes entrecoupés de communiqués radiophoniques, on s »interroge sur la vacuité de leur acte: une si maigre résistance n’est-elle pas dérisoire? Où peut donc mener la révolte anodine de ces deux êtres si ce n’est à leur seule et unique mort?
Une adaptation théâtrale émouvante et sensible qui pose au public une grande question morale: et vous, qu’auriez-vous fait en temps de guerre si vous refusiez l’exil, le silence et la compromission?

Seul dans Berlin


Librement adapté du roman de Hans Fallada par René Fix


Mise en scène : Claudia Morin 
avec Claudia Morin, Jean-Paul Dubois et Marc-Henri Boisse



Théâtre du Lucernaire : 
53, rue Notre Dame des Champs – Paris 6e

Du 8 janvier au 1er mars 2014
 / Du mardi au samedi à 18h30 / 
Réservations au 0145445734


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