Véronique Olmi : un mélodrame familial réussi

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Par Laurence Biava – bscnews.fr/ À travers la relation forte et fragile entre une mère et un fils au seuil de l’adolescence qui vivent chacun à leur façon l’expérience de l’exclusion et de la détresse intérieure, Véronique Olmi renoue ici, et de manière particulièrement réussie, pour son 10e roman, avec la tension narrative de Bord de Mer, cette amplitude romanesque où la retenue, l’émotion et la brutalité forment une ronde parfaite.

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«Il y eût un cri déchirant, et l’enfant quitta le fleuve, et revînt dans sa chambre. Le cri se prolongeait, un son de gorge plein de haine et de fureur. Enzo demeurait immobile et terrifié. C’était une plainte puissante chantée avec une férocité ancienne et on aurait dit que la nuit était tout entière contenue dans son râle. L’enfant ne l’avait jamais entendu auparavant. Était – il allé trop loin dans ses rêves, avait-il blasphémé en marchant sur l’eau, quelqu’un se vengeait-il ? Il lui semblait maintenant que le cri mourait vraiment. Il souffrait de se rendre et en perdant sa puissance, perdait sa pureté. Il ressemblait à un feu qui meurt, incandescent et féroce. Enzo était prisonnier de sa peur comme d’un corset. Il ne pouvait même pas tourner le visage vers sa mère, tendre la main vers elle ou lui demander de l’aide. Tout juste s’il pouvait avaler sa salive, respirer normalement. Il entendit marcher sur le toit et comprit qu’il avait simplement entendu des chats. On disait que la saison des amours variait en fonction de la lumière. Plus il y avait de lumière, plus les chats avaient besoin de s’accoupler. Ils se battaient la nuit pour se reproduire le jour. Au soleil».



Ce livre est une balade quotidienne d’échanges et d’allers-retours suivis entre une mère et son fils ado telle que nous la vivons tous parents. Depuis des générations, et c’est ce que dit admirablement ce livre, les parents d’adolescents remarquent le changement « révélateur » qui se produit dans leurs relations avec leurs enfants au cours de la transition vers l’adolescence. Dans certaines familles, cela peut s’avérer une période difficile et tumultueuse. Pour d’autres, les changements sont plus subtils. Mais dans tous les cas, la dynamique de la relation change. Cela n’est pas surprenant, compte tenu de l’accroissement du besoin d’autonomie qui caractérise cette étape du développement. Tout est parfait ici. Et l’atmosphère tend à regarder ces analyses circonscrites à la loupe avec tension et mélodrame : c’est le sens, l’effervescence, la flamboyance d’Olmi qui s’égrène tout au long des pages, surtout quand la mère aide l’adolescent à croire en lui-même. C’est un souffle. Un message ample. Une voix. Une voix rassurante qui exprime à l’ado qu’il ne peut croire en lui-même que si on lui montre que l’on a confiance en lui, et qu’il va prendre les bonnes décisions. Le drame familial du roman explore bien les pistes auxquelles la mère a recours pour reconnaître les efforts de l’adolescent. Elle le rassure en lui disant qu’il a les qualités qu’elle veut voir en lui. Que si des conflits surgissent avec lui, elle ne met pas l’accent sur le comportement, mais sur la personne. Elle réfléchit à ce qu’elle va dire et à la façon dont elle va le dire. Elle s’assure que les messages sont clairs et concis. Elle remet en question la façon dont l’adolescent voit les choses et elle le fait avec parcimonie. Au bout du compte. Ce roman est un sommet de bon sens, d’anticipations, de visions même. Véronique Olmi a un sens inné de la retenue, de ces vérités closes, de ce que l’on ne sait pas comment dire, de toute cette connaissance des non-dits formatés au cœur des familles. Il faut voir comment elle expose son point de vue et ses opinions. La mère ne dénigre jamais l’adolescent. Rien n’est plus irritant qu’un ton condescendant. Elle ne lui fait pas la morale, qui pourrait susciter seulement de l’hostilité. Elle sait que la plupart des adolescents n’écoutent plus après la cinquième phrase. Elle ne fixe pas de limites ni de conséquences qu’il ne pourrait appliquer. Tout se passe la nuit, la nuit, la nuit file et l’histoire prend alors un nouveau cours, elle s’accélère…
Ce qui est abordé ici avec ferveur et engouement est également tout ce qui touche à l’identité, cette notion à succès, et à la mémoire. Tout presque de ce qui fait notre vie privée comme publique, collective comme individuelle, est susceptible de trouver sa raison d’être dans la confirmation ou la recherche d’une identité. Dans ce texte, derrière chaque mot, il y a ce que les spécialistes ont quelque mal à définir, et qui émerge le plus souvent l’idée que les individus tout comme les collectivités ne sont pas mus par des contraintes préexistantes ou des causes objectives, mais produisent eux-mêmes leurs propres raisons d’agir. 

Œuvre parfaitement maîtrisée et stylistiquement parfaite, ce mélodrame familial explore à la loupe les réalismes psychologiquement tendus des familles, leurs sentiments enfouis, leurs émotions jaillissantes, une fois que sont évincés les silences abscons. Souterrains. 
Une réussite.

Titre: La nuit en vérité

Auteur: Véronique Olmi

Editions: Albin Michel

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