Un roman plein de vie, grinçant et peu ordinaire

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Par Laurence Biava –bscnews.fr/ Le troisième roman d’Alizé Meurisse, après « Pâle sang bleu » et « Roman à clefs » est un des romans les plus sexy et décalés de cette rentrée littéraire. 

C’est l’histoire d’ un acteur au sommet de sa gloire qui jouit d’un grand pouvoir de séduction. Las d’être un cliché ambulant avec des femmes qui se donnent à lui sans réfléchir, il décide de changer de peau. Il découvre une clinique proposant à des clients fortunés de modifier leur apparence pendant 48 heures grâce à une injection d’ADN. Il se laisse tenter, manière pour lui de réapprendre les joies de l’anonymat. C’est alors que, sous les traits de cet autre moi « sans qualités », il devient co-locataire, fait de l’intérim, tombe naturellement amoureux et décide d’incarner véritablement cet autre, en dépit des risques encourus. Réussissant à s’identifier au-delà même de ce qu’il espérait, son état physique et mental se dégrade. Sort impossible à conjurer, le désir effréné d’être cet homme ordinaire le fait basculer « de l’autre côté du miroir » et le piège malgré lui.

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Le style de Meurisse a une classe folle : il est éclairé, limpide, ciselé, déluré, faussement dilettante. « J’ai une poussière dans l’œil. Spinoza est mort parce qu’il a passé 21 ans à polir et tailler des lentilles de télescope et que la poussière microscopique a rempli ses poumons jusqu’à les détruire. Il a failli être assassiné pour ses théories. Il a cependant persisté à clarifier le regard des autres au mépris et finalement le risque l’a rattrapé. La lucidité létale ? Dans les tragédies grecques, les clairvoyants sont toujours aveugles ». Ici, donc, elle mélange les genres en un vertigineux entrelacs de boucles et de jeux de miroirs inversés. Tour à tour récit fantasque et fantastique, pamphlet contemporain, le récit au détour de quelques dissertions bien senties, sert à dénoncer quelques vérités sur le mariage, le désir masculin, l’apparence physique et file à grande allure sans perdre de son énergie et de sa force pour dénoncer le jeu absurde des visages et des corps apprêtés, des apparences, les identités brouillées que sont la culture de la célébrité et son corollaire, l’anonymat. 

« La musique classique aussi demande une initiation. C’est le marqueur social qui fait la différence entre les nouveaux riches et ceux qui viennent de vieilles famillesqui privilégient les « humanités ». Mais en même temps, la musique classique a une incidence sur la vie, le vivant. C’est la seule musique qui influe sur la pousse des plantes, comme le soleil. Y’a pas plus snob qu’une plante verte ! D’ailleurs une jeune virtuose m’a dit que la seule musique qu’elle ne supporte pas, c’est le Métal . Et je me suis dit que le Métal, c’est une pulsion de mort, par rapport au classique qui serait pulsion de vie. Alors, bien sûr, c’est comme le yin et le yang. Y’a un brin de pulsion de mort dans la pulsion de vie et vice versa. Dans le classique, il y a des marches funèbres. Mais musicalement, c’est toujours de la pulsion de vie ».
«Neverdays » est un roman plein de vie, cruel, grinçant, dérangeant. Un roman peu ordinaire. En dehors des 20 premières pages dont le trait me semble exagérément poussif et d’une narration métaphorique de qualité inégale du fait (parfois) de sa lourdeur, j’ai beaucoup aimé ce livre plein de charme, d’acuité et de grâce.

Alizé Meurisse «Neverdays» Editions Allia
9,20 € – 192 pages
ISBN: 978-2-84485-696-8

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