Découvrir l’histoire du théâtre avec Magali Wiéner

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Agrégée de lettres classiques, Magali Wiéner , en plus d’enseigner en collège, est l’auteure de romans jeunesse ( « Sophie Scholl ,la rose de la liberté » ,  » Rimbaud, une vie en enfer » ,  » Les carcérales « ) mais également de nombreux ouvrages pédagogiques sur des sujets aussi divers que la poésie, les romains, les jeux olympiques, les chevaliers ou encore le théâtre. Cet été est parue la réédition d’un de ses classiques: « Le théâtre de l’antiquité à nos jours », passionnant petit documentaire au propos accessible et riche en documents et iconographies. Pour savoir l’essentiel sur le théâtre, un indispensable qui s’adresse d’abord à un public adolescent mais peut être utilisé par des étudiants ou même des adultes qui souhaiteraient rafraîchir leurs connaissances sur le 6ème art.

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Lorsqu’on s’attaque à une tâche aussi impressionnante – résumer l’histoire du théâtre en un peu plus de 100 pages, on est pris d’abord de vertiges, non? Comment est venue l’idée de ce livre?
Un tel projet est plutôt un défi. C’est l’envie de permettre à un public jeune, souvent novice en matière de théâtre, d’appréhender l’histoire du théâtre dans son ensemble. Il était impératif d’opérer des choix et surtout d’accepter d’emblée le fait de ne pouvoir tout raconter, tout dire. Dans un tel ouvrage, il n’y a pas de place pour l’analyse en profondeur, pour l’exhaustivité ou le travail du détail ; c’est exactement l’inverse, il s’agit de prendre de la hauteur et d’essayer d’embrasser d’un seul regard l’histoire du théâtre sans pour autant verser dans la caricature et l’à peu près. C’est un pari, fou et extravagant mais réjouissant. J’ai donc très vite cherché les moyens de construire des échos d’une période à l’autre pour créer un système de résonances, de mettre en place une frise chronologique lisible afin de donner de vrais repères non pour des spécialistes mais pour des élèves. Et c’est d’ailleurs eux qui m’ont donné l’idée d’un tel ouvrage. Quand, en situation d’enseignement, je leur demandais de chercher sur tel ou tel auteur, sur tel ou tel mouvement, les documents qui étaient à leur disposition – c’était avant Google ! – étaient souvent difficiles voire carrément obscurs pour eux et peu compréhensibles. Il était nécessaire de les aider… voilà comment avec mon éditeur, on s’est dit, on le fait ! Soyons fous !

Quelles sont les premières questions que vous vous êtes posées? Quelle méthode avez- vous suivie?
Les premières questions ont été celles de mes élèves. Je me suis penchée sur leur incompréhension, sur les zones qui leur résistaient vraiment. Ma méthode a été simple : une évolution chronologique, d’ailleurs le titre initial était « Le théâtre à travers les âges ». Les grandes périodes théâtrales en occident, particulièrement en Europe. Ensuite pour chaque période, j’ai cherché à clarifier mon propos, à isoler des anecdotes marquantes, à présenter des biographies rapides des auteurs du moment, à choisir des passages des œuvres pour donner envie ensuite d’aller plus loin et pourquoi pas de voir ou lire la pièce.

Écrire un ouvrage pédagogique nécessite-t-il d’avoir eu auparavant des expériences en tant que pédagogue ? Avez- vous enseigné l’histoire du théâtre?
Un ouvrage pédagogique impose surtout un ton. Transmettre sans rebuter, faire découvrir sans lasser et sans être obscur ou trop spécialiste. Mes élèves, comme je l’ai déjà dit, m’ont effectivement donné « le ton ». Professeur au lycée et en collège, j’ai bien sûr eu l’occasion d’enseigner le théâtre à travers la lecture de pièces qui font partie des classiques : Molière, Ionesco, Sartre, Romains, ou Shakespeare. Chaque fois, j’ai pu constater que les élèves aimaient ces textes, aimaient les jouer mais ignoraient tout du contexte de création, des règles qu’impose ce genre particulier et de ce qu’était un acteur, un metteur en scène ou un dramaturge. Un coup de projecteur s’imposait.

Si vous deviez citer une période de l’histoire du théâtre qui vous séduit particulièrement, laquelle serait-ce….et pourquoi?
Toutes les périodes ont leurs pépites… mais je crois que je choisirais, pour vous répondre, le drame élisabéthain et particulièrement l’œuvre de Shakespeare. Je suis chaque fois sous le charme de la liberté de ton, de la variété des personnages et de la richesse des intrigues sans parler de l’organisation scénique qui permet le baroque.

Pause récréative: Quel est votre meilleur souvenir de théâtre? Et le pire?
Mon meilleur souvenir de spectatrice remonte sans doute à l’adolescence quand le dimanche après-midi, j’allais m’asseoir au poulailler de la Comédie Française. Il y avait une atmosphère magique qui était due autant à la force du jeu des acteurs qu’à la liberté nouvelle que je goûtais car je venais seule, ce n’était pas les adultes qui avaient choisi pour moi, c’était moi qui venais là pour voir, pour me laisser séduire, pour découvrir. Les belles rencontres scéniques : Beckett, Duras et Mnouchkine avec sa trilogie des Atrides à la Cartoucherie, fantastique !
Le pire souvenir : une pièce au théâtre de Chartres, Coriolan de Corneille, mal joué, un texte récité, haché, je suis sortie avant la fin en faisant claquer mon siège. Je ne supporte pas les pièces massacrées qui me font au bout du compte passer une très mauvaise soirée.

Est-ce un ouvrage pour lequel vous avez visé un public particulier? Conçu pour compléter un apprentissage? Pensez-vous qu’il puisse être attractif aussi pour des adolescents en dehors d’un cadre scolaire par exemple?
Au départ, c’est prévu pour un public scolaire, collégiens et lycéens. Mais à en discuter avec beaucoup d’adultes, finalement, ce petit livre pourrait être un « Le théâtre pour les Nuls » ou un vade-mecum pour qui veut compléter rapidement une connaissance parfois lacunaire du théâtre. Je l’avais même vu conseillé pour des étudiants en lettres, pour le CAPES ! Ce qui m’avait semblé évidemment absurde, mais cela pourrait être la première marche, un préambule qui donnerait envie ensuite d’approfondir.
Pour des adolescents, en dehors de la prescription des professeurs ou des parents, je pense que c’est peut-être difficile de le penser sauf s’ils ont cette motivation en eux, s’ils font du théâtre, s’ils se destinent à travailler dans le théâtre…

Que conseilleriez-vous aux parents qui souhaiteraient offrir ce livre à leurs enfants pour que la lecture leur soit profitable et enrichie?
MW – Je conseillerais de laisser le livre traîner à l’occasion d’une sortie-théâtre par exemple. Il ne s’agit pas d’obliger un enfant à lire in extenso l’ouvrage, mais plutôt de lui donner à grignoter autour d’un thème (par exemple la commedia dell’arte), d’un auteur (Molière) ou même d’une pièce replacée dans son contexte historique de création. C’est un livre pour échanger, pour construire une culture. Ce livre doit s’accompagner de théâtre vivant, de représentation ou de films également.

Vous concluez dans cet ouvrage avec le Théâtre du Soleil pour évoquer le théâtre contemporain…vous évoquez ceux qui revisitent les pièces classiques et insistez sur le fait que les auteurs contemporains évoquent la violence du monde…n’oublie-t-on pas de préciser que demeurent encore des troupes qui poursuivent les traditions plus classiques? Cette conclusion ne risque-t-elle pas de donner l’impression qu’aujourd’hui on ne fait plus que du contemporain?
Il s’agissait de s’intéresser à la création théâtrale, à l’évolution d’une pratique ou de techniques d’écriture qui se modifient avec le temps. Il va de soi qu’on joue toujours Molière, Racine, Ionesco… mais ce n’était pas exactement mon propos. J’ai cherché à répondre, trop rapidement certes, à la question : quel théâtre écrit-on aujourd’hui ? quel texte sur les planches ?

Avez-vous échangé avec des adolescents au sujet de l’histoire du théâtre et de ses genres? Sont-ils plus sensibles à certaines périodes et certains genres selon vous?
Les adolescents sont curieux et aiment le théâtre. Ils aiment le métier d’acteur qui est fascinant, ils se questionnent facilement : pourquoi cette pièce ? pourquoi ce décor ? comment on tient un monologue ? etc. et ils l’aiment encore plus si c’est bien accompagné, bien préparé, c’est dans cette direction que j’ai composé ce livre. Leur donner des indications précises, restituer dans une période historique dont ils connaissent souvent très peu de choses et ne jamais les exclure en stigmatisant leur ignorance ou leur méconnaissance de l’histoire littéraire. Je voulais un livre qui s’adresse à eux en les prenant au sérieux.

On parle d’une crise du théâtre depuis plusieurs années et de la baisse notable des spectateurs: Imaginer cet ouvrage vous a-t-il apporté des hypothèses sur ce phénomène culturel?
Vous parlez de crise du théâtre et c’est vrai qu’elle est là, mais à l’inverse Avignon remporte un vif succès, certains théâtres affichent complet pour plusieurs pièces d’une saison, donc j’aurais envie de dire que c’est relatif. Non, je n’ai pas les clefs pour analyser ce phénomène. Les offres culturelles sont très nombreuses, le pouvoir d’achat n’est plus le même… mais c’est peut-être m’en remettre à des arguments galvaudés. Ce que je déplore fortement, et qu’il faudrait oser dénoncer, c’est une démocratisation en demi-teinte. Le public du théâtre reste très cloisonné et très sélectif, tout le monde ne va pas au théâtre. Le projet de Jean Vilar aurait-il échoué ? Voilà une question qui dérange sans doute mais qui demeure passionnante. Qui va au théâtre, ce soir ?

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