Un Misanthrope un brin trop académique

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Par Florence Gopikian Yérémian –bscnews.fr/ Du Molière à la Cigale ? Et pourquoi pas ! En cette rentrée 2013, la fameuse salle de Pigalle a choisi de programmer le Misanthrope alternativement à ses concerts de rock. L’expérience est intéressante : la salle est de juste mesure pour apprécier des vers, le décor est succinct mais d’une belle élégance, quant à la pièce, elle est connue de tous les grands et se doit d’être vue par tous les petits !

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L’histoire du Misanthrope est des plus simples : un homme grave et intègre tombe éperdument amoureux d’une coquette hypocrite. Alceste contre Célimène, la raison contre la passion, telles sont les cartes de ce dangereux duel qui revisite le sempiternel conflit de la gente masculine face à la toute puissance des femmes. Par le biais de la comédie, Molière s’amuse à caricaturer les mœurs de son temps …et du nôtre ! Avec finesse, il s’élève contre l’iniquité de la nature humaine en précisant néanmoins qu’en ce bas monde l’excès de droiture peut nous conduire à une bien pesante solitude …

Les comédiens sont jeunes, beaux, ils déclament leurs alexandrins sur le bout des doigts mais étrangement ils ne s’approprient pas leurs rôles : voulant accentuer la rigueur d’Alceste, Arnaud Denis a le ton monocorde et le verbe trop précipité. Son personnage jaloux et possessif, manque d’ardeur amoureuse et ne parvient à se libérer de sa cosse – enfin ! – que face à la trahison de sa maitresse. De son côté, Laetitia Laburthe -Tolra nous compose une Célimène trop affectée pour incarner une aguichante galante du Grand Siècle ; on aimerait la voir plus malicieuse et surtout plus légère du haut de ses vingt ans ! Comme l’ensemble de la pièce, elle manque de fantaisie et construit son rôle sur un registre trop académique.
Peut-être est-ce dû au fait que la mise en scène soit de Michèle André, ancienne pensionnaire de la Comédie Française ? De par sa parfaite connaissance du texte, elle veut certainement nous le rendre pur et irréprochable. L’idée en est noble mais retire toute émotion à l’œuvre de Molière : où est passée l’insouciance des courtisans ??? La détresse amoureuse d’Alceste ?? La frivolité de Célimène ? A force de vouloir compartimenter chaque scène Michèle André casse la fluidité des actes et garrote l’exaltation de ses comédiens. Qu’a-t-elle fait de l’humour de Maître Poquelin ? De sa verve fleurie et incisive qui sait si bien séduire tous les publics?
Fort heureusement, l’acteur Stéphane Ronchewski ne s’est pas laissé happer par ce carcan : la boucle rebondissante et l’œil pimpant, il nous offre un Oronte pétillant jusqu’au bout des fossettes ! Une grande révérence également à la douce Elisabeth Ventura qui interprète Eliante avec une très belle sensibilité : il émane d’elle une aisance scénique naturelle ainsi qu’une conviction qui sert délicieusement le texte. On aurait souhaité que toute la pièce soit à cette image, sensible et transportée, car comme le dit Molière, « ce n’est pas la raison qui règle l’amour… »

Alceste à la Cigale
Le Misanthrope de Molière
Mise en scène de Michèle André

Du 3 au 19 septembre 2013
Du mardi au samedi à 20h30 – Dimanche à 16h
Réservations : 0148659790 – www.soiréespectacles.com

La Cigale
La Cigale120, boulevard Rochechouart – 75018 Paris

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