Béla Bartók : une parenthèse musicale au coeur des Balkans
Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr / Le nouveau spectacle de la Compagnie Bacchus est une parenthèse musicale au cœur des Balkans. Construite comme une portée nostalgique parsemée d’airs populaires et de ritournelles, elle nous transporte dans l’étrange univers mélodique de Béla Bartók.
1940 – Sous la tutelle d’un narrateur à la voix grave (Jean Pétrement), le public rencontre le grand compositeur à l’aube de ses soixante ans : malgré l’attachement incommensurable que Bartók porte à sa Hongrie natale, il est contraint de s’expatrier en Amérique afin de fuir le nazisme. C’est cette image d’exilé, d’homme meurtri et déraciné que véhicule la pièce de Jean Pétrement. Au son des 44 Duos pour Violons que Bartók a composés en 1931, l’auteur retranscrit l’incertitude de l’artiste face à ce Nouveau Monde qu’il doit affronter. Comme un appel venu des rives du Danube, la résonnance de deux violons va replonger Bartók dans ses souvenirs et faire resurgir de son cœur tout le folklore musical de l’Europe de l’Est. A travers un savoureux dialogue violonistique porté par Clément Wurm (raide comme un archer germanique) et Léonard Stefanica (mielleux comme un tzigane), le personnage de Bartók va partir sillonner tous les villages qu’il a parcourus durant de longues années pour y récolter des chants populaires : airs des moissons, refrains de mariage, danses des foins… Toutes ces petites pièces musicales de deux à trois minutes vont progressivement vous faire prendre place à la table des paysans qu’il a côtoyés afin que vous puissiez aussi partager leurs fêtes autant que leur tristesse. Magyars, Slovaques, Serbes et Ruthènes déambulent ainsi successivement à vos côtés pour vous conter leurs joies en trille, le crescendo de leurs amours ou leurs chagrins en mode mineur. Idéalement interprétées par deux musiciens-comédiens qui se taquinent autant qu’ils s’affrontent du bout de leurs archers, ces joutes musicales sont à savourer comme un plateau parsemé de mignardises balkaniques et de bouchées champêtres : vives, douloureuses, burlesques, taquines… elles portent en elles une perfection harmonique tenant à la fois du raffinement et de la simplicité. Une musique chère à Bartók, musicien dans l’âme, nationaliste dans le cœur. Un détail tout de même : il est conseillé d’aimer Bartók ou de s’initier un brin à ses altérations musicales avant de prendre place. Un conseil également : ce spectacle est à recommander à l’ensemble des élèves de conservatoire ! Avis aux parents et au corps enseignant…
44 duos pour Violons – Béla Bartók
Spectacle musical avec Jean Pétrement, Clément Wurm, Léonard Stefanica
– Au Théâtre de l’Essaïon jusqu’au 11 mai 2013 ( 6, rue Pierre au Lard 75004 Paris ) et reprise du 23 mars au 13 mai 2014
– Au Théâtre Verneuil sur Avre / Samedi 21 novembre 2015 à 20h30
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