Querelles de génies : Quand Proudhon s’invite chez Gustave Courbet
Par Florence Gopikian-Yérémian – bscnews.fr / Que diriez-vous de venir partager une soirée en compagnie de Proudhon et de Gustave Courbet ? Si cela vous chante prenez place au sein de la petite salle voutée du théâtre de l’Essaïon et ouvrez bien vos oreilles : le dialogue croustillant entre le philosophe anarchiste et l’artiste mégalomane ne peut qu’éveiller vos sens et votre curiosité !
Imaginez la scène : vous pénétrez dans l’atelier de Courbet (Alain Leclerc) un soir d’hiver alors qu’il achève l’une de ses œuvres phares, l’Atelier. Le maître, tout à ses pinceaux, ne se soucie guère de son ravissant modèle Jenny (Elisa Oriol) qui peste contre le froid. Emporté par la création et la nécessité d’exposer son œuvre au futur Salon de l’exposition universelle de 1855, il peint, grogne, compose, puis se console enfin dans les bras de sa muse dénudée, histoire de retrouver ne serait-ce qu’un moment l’Origine du monde.
Le hasard faisant parfois étrangement les choses, c’est à cet instant que fait irruption l’austère et sage Proudhon (Jean Pétrement). Bien qu’avant-gardiste dans sa vision du peuple, Proudhon n’en demeure pas moins prude et pétri de misogynie. Engoncé dans son petit costume de velours, il s’insurge contre la luxure et la dépravation de Courbet et n’hésite pas à comparer sa maitresse à un stupide morceau de viande. Il n’en faut pas moins à Jenny pour revendiquer l’émancipation des femmes !
Les dés sont ainsi jetés, la pièce peut prendre son envol et entrainer l’auditoire crescendo dans une foule de questions :
Quel est le rôle de la femme et celui de l’artiste au sein de la société du XIXe siècle ? Le peintre doit-il trahir sa pensé pour vivre de son art en l’adaptant au goût des petits bourgeois et en se soumettant sempiternellement aux règles poussiéreuses des académies ? La peinture ne peut-elle être un moyen réel pour conquérir sa propre liberté intellectuelle ?
Gustave Courbet déblatère, s’énerve, gesticule, essaye de défendre ses idées mais ce n’est qu’un simple artiste qui manie le pinceau sans maitriser la plume : il a besoin de son ami Proudhon pour mettre à l’écrit ses aspirations et son manifeste du réalisme, il a besoin de l’homme de lettres pour crier haut et fort sa haine contre les institutions qui enferment les artistes dans des convenances et les transforment en marchands ! C’est une requête que Proudhon le révolté accepte, lui, si épris des causes sociales, si proche du peuple qu’il défend comme un père protecteur !
Et voilà qu’apparaît le dernier personnage de la pièce : Georges, le braconnier (Djelali Ammouche). Armé de sa gnôle de mirabelles et de son pâté de campagne, il incarne à lui seul le paysan conservateur qui se fiche des belles paroles et des idéaux philosophiques ! La liberté individuelle n’est pas encore au programme de la populace et c’est à contre cœur que Proudhon se rend compte que sa prose demeure opaque pour un prolétariat qui n’a que faire de sa morale.
Chacun va tomber bien haut de ses illusions : l’artiste incompris, le philosophe bienfaiteur, la femme moderniste… Seul, peut-être, le paysan sortira indemne de ce conflit à huis clos, protégé par son conformisme et son ignorance. On se demande alors si la connaissance rend vraiment heureux et si la liberté est source de bonheur. Vous en doutez également ? Et bien venez faire un tour chez Courbet, vous y verrez que les plus belles idées naissent manifestement au sein des querelles …de génies.
Proudhon modèle… Courbet
Proudhon modèle… CourbetTexte et mise en scène de Jean Pétrement
Avec Alain Leclerc, Jean Pétrement, Elisa Oriol et Djelali Ammouche
Jusqu’au 25 mai 2013
Théâtre de l’Essaïon
Du jeudi au samedi à 20h
6, rue Pierre au Lard – 75005 Paris
Réservations : 0142784642
Représentations exceptionnelles au Musée d’Orsay : les 7 et 9 avril 2013
– Au Festival d’Avignon OFF 2013 au Théâtre du Roi René à 12h
– Au FESTIVAL AVIGNON OFF au 27 juillet 2014 Théâtre du Roi René à 12h00
-Au Théâtre Grand Champ à GLAND en SUISSE/ Lundi 26 janvier 2015 à 20h30
-A l’Espace COMEDIA à TOULON/ Vendredi 20 mars 2015 à 20h30
-A l’Espace Culturel Yves Renault à CHAMBRAY LES TOURS/ Jeudi 9 avril 2015
-Au FESTIVAL AVIGNON OFF THEATRE DU ROI RENE à 13H00/ Du 4 au 26 juillet 2015
-Au Théâtre COLISEE à BIARRITZ/ Jeudi 3 et vendredi 4 décembre 2015 à 20h30
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