Cyrano

Benjamin Lazar : un artiste éclairé à l’esthétique baroque

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Par Julie Cadilhac- bscnews.fr/Photo © Nathaniel Baruch/ Benjamin Lazar est metteur en scène et comédien : formé auprès d’Eugène Green à la déclamation et à la gestuelle baroques, il a poursuivi sa formation de comédien à l’école Claude Mathieu, en pratiquant en parallèle le violon et le chant. Spécialiste du théâtre baroque, il est d’abord remarqué pour sa mise en scène éclairé à la bougie du Bourgeois Gentilhomme à l’opéra royal du château de Versailles.

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En 2004, il crée alors sa compagnie Le Théâtre de l’Incrédule et , avec l’ensemble La Rêveuse, il crée L’Autre monde ou les états et empires de la lune, d’après le roman de l’écrivain Savinien Cyrano de Bergerac. Il a depuis joué un second rôle au cinéma dans Le pont des arts d’Eugène Green, conçu plusieurs opéras et a notamment mis en scène et joué Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau. Son esthétique aussi délicate qu’élégante, aussi sensible que brillante, ne pourra que vous séduire sauf si…vous y avez déjà succombé! Rencontre avec un jeune – et pourtant déjà confirmé!- artiste passionné et éclairé!

Comment s’est porté votre choix pour le théâtre baroque?Diriez-vous que c »est surtout parce que votre conception du théâtre privilégie davantage les émotions que l’intellect? Vous avez été formé auprès d’Eugène Green à la déclamation et à la gestuelle baroques, puis avez complété votre formation de comédien à l’école Claude Mathieu: qu’avez-vous retenu de ses enseignements?

J’ai rencontré Eugène Green, metteur en scène, écrivain et cinéaste quand j’avais 12 ans dans mon collège, quand il y animait un atelier de théâtre baroque. C’est vous dire combien je crois à l’enseignement artistique en milieu scolaire ! J’ai donc découvert le théâtre par ce biais original : non seulement un répertoire, mais également les techniques de jeu qui y étaient liées, que ce soit la gestuelle, la prononciation du français du XVIIe siècle, l’utilisation de l’éclairage à la bougie… C’était une ouverture de l’imaginaire formidable pour l’adolescent que j’étais, et une pratique qui ne m’a pas quitté depuis, et que j’aime transmettre à d’autres comédiens. Pour répondre à la question de l’émotion et de l’intellect, je dirais que l’une des forces de ce théâtre est justement qu’il mêle très profondément les deux. La déclamation baroque nécessite une analyse très précise du texte, le choix des gestes rhétoriques qui l’accompagnent nécessitent une compréhension intellectuelle du texte, mais cette compréhension suit très vite le chemin de l’émotion, parce que l’utilisation d’une voix presque chantée, d’un corps qui va vers la danse crée chez l’acteur et le spectateur une émotion esthétique forte.

Si vous aviez pu vivre au XVI ou au XVIIème siècle, qui auriez-vous aimé rencontrer? Qu’auriez-vous aimé vivre?
J’aurais aimé passer du temps avec Cyrano de Bergerac, avec Théophile de Viau, ou en Espagne avec Quevedo. Me retrouver au coin d’un feu avec eux à refaire le monde en fumant et buvant des alcools distillés par des alchimistes, comme dans un tableau des frères Le nain !

Le narrateur de L’Autre Monde ou les Etats et Empires de la Lune, l’avez-vous imaginé à l’image de son auteur Cyrano de Bergerac?Benjamin Lazar Qu’avez-vous appris, en chemin, sur ce personnage?
C’était un homme d’une intelligence et d’un humour exceptionnels, quelqu’un de très au fait des nouvelles découvertes scientifiques de son temps, avec une imagination débordante. Quand je commence le spectacle, j’éprouve le même plaisir que celui de présenter un ami que l’on aime à d’autres amis. La pièce de Rostand est brillante, mais elle ne rend pas compte de la profondeur de pensée et de style du vrai Cyrano de Bergerac.

Qu’est-ce qui vous a essentiellement séduit dans ce texte?
La remise en cause de tout ordre établi, de toute idée reçue, une ardeur à bousculer le monde par la plume, comme on crève des ballons avec la pointe d’une aiguille.

L’usage d’une bougie, d’un costume noir et sobre et d’un accompagnement musical créent pour vous l’Illusion idéale pour cette aventure onirico- rocambolo-lunaire?
Il n’y pas qu’une bougie, il y en a plus de cent ! Oui, j’aime que l’ombre laissée sur un plateau soit pour le spectateur un endroit où son imaginaire personnel peut se développer. Par exemple, Cyrano invente plusieurs moyens d’aller sur la lune. On ne représente pas directement les machines, mais on laisse le vacillement de la bougie, la musique et le texte construire dans la tête de chaque spectateur une machine fabuleuse.

Le choix de dire le texte avec ses tournures d’antan vient de la volonté de provoquer chez l’auditeur une émotion « temporelle »? Ce « maniérisme » gestuel et déclamatoire exprime-t-il de votre part une forme de résistance à un appauvrissement de la langue et à un relâchement des manières contemporains?
Non, je ne crois pas à la décadence d’une langue, la langue évolue c’est tout. Mais la scène peut être un lieu où la langue que l’on croit connaître devient un pays nouveau, où elle prend des formes qui ne ressemblent à rien de la vie quotidienne, où le spectateur peut avoir l’impression qu’il pourrait presque la saisir comme une matière palpable. C’est pour moi l’une des forces de cette approche.

Les Dates de représentation:

– Les 19,20 et 21 février 2013 au Théâtre des 13 Vents à Montpellier

– Les 23,24,25,28,29,30 et 31 mai et les 1,4,5,6,7,8 juin 2013 à l’Athénée, Théâtre Louis Jouvet, 75009 Paris

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