En 1979,son premier court-métrage ,General Lee et ses Teddy Boys, met en scène une bande de rockers parisiens et en 1984, avec La Combine de la girafe, il décroche une nomination aux Césars. Ce réalisateur français ,très connu pour sa trilogie à succès « La vérité si je mens » et son film Raï avec Samy Nacery et Tabatha Cash (qui a reçu le Léopard d’or au festival international de Locarno), est aussi l’auteur de documentaires émouvants et sensibles comme Paroles d’Etoiles qui plonge dans la mémoire de l’enfance et va à la rencontre de ceux qui, enfant juif lors de la seconde guerre mondiale, ont survécu, ou encore comme « Eclats de Cendrars » qui rend hommage à son grand-père maternel, l’écrivain Blaise Cendrars. Invité d’honneur du Festival des passeurs de lumière ( du 30 nov au 2 déc 2012), il sera présent lors de la projection de deux de ses productions: Michou d’Auber une fiction avec Gérard Depardieu et Nathalie Baye qui narre l’histoire d’un petit Messaoud rebaptisé Michel par sa mère « adoptive » dans les années 60 troublées par la guerre d’Algérie et le documentaire Paroles d’étoiles. Nous avons eu le plaisir de l’entendre nous raconter quelques souvenirs d’école, ses regrets vis à vis de son évolution et d’écouter sa définition pertinente et passionnée du genre du documentaire.
Si vous deviez évoquer un souvenir personnel d’école, lequel serait-ce?
Ce serait mon professeur qui s’appelait M. Le Bihan, je devais être en 8ème à l’époque et ce professeur qui m’avait à la bonne – j’étais un peu le chouchou – et ça a été une bonne année pour moi; ça me changeait parce qu’à l’époque, c’était très sévère, les professeurs tapaient à coup de règles. Je me rappelle d’ailleurs d’une fois où une prof avait fait mettre à genoux un élève , elle prend la grande règle et ,en la levant, tape sur le globe de la lampe au dessus d’elle et tout lui tombe sur la tête! Tous les élèves étaient morts de rire et elle était furieuse. M.Le Bihan m’a inspiré le personnage du professeur dans mon film Michou d’Auber, c’est exactement ce personnage-là que j’ai retranscrit dans son histoire d’amour etc…c’est un personnage qui sort de la réalité.
Quel est votre regard sur l’école d’aujourd’hui?
Je pense que l’école ne marche pas en France. Il y a de grandes réformes à faire; il faudrait regarder vers la Finlande où l’on ne donne même pas de notes et l’on n’essaie pas de brimer les élèves mais on essaie de les encourager à bien faire. On ne stigmatise pas celui qui est en retard, on essaie de l’aider. J’ai des enfants que j’ai mis à l’école publique et ça a été à chaque fois un peu catastrophique dans le sens j’ai constaté que l’on ne tentait pas de bonifier les élèves, qu’on les frustrait au contraire. En outre, les profs ne s’impliquent plus. M. Le Bihan était impliqué, il aimait ses élèves, aujourd’hui, la consigne c’est la distance, le recul, surtout ne pas développer l’affectif avec l’élève. Or l’élève – petit j’entends- a besoin de sentir qu’il est aimé par son professeur , pour lui faire plaisir, et sinon il n’apprend plus. Or aujourd’hui on n’aime plus donc ça ne marche pas.
Vous êtes nostalgique du système à l’ancienne?
Je n’ai pas une idée nostalgique parce qu’il y avait les coups de règle et puis il y avait les fois où l’on nous prenait par le cou et l’on nous passait la tête sous l’eau froide quand on était turbulent. Je dis simplement que l’éducation d’aujourd’hui n’est pas adaptée. Il n’y a pas de réflexion sur la pédagogie; il y a de plus en plus de vacances, ça oui! mais l’on ne parle pas de la manière dont on enseigne aux enfants, c’est dommage…
Si vous deviez citer une oeuvre littéraire que vous mettriez en lien avec l’école, laquelle serait-ce?
Je pense à la lettre d’Albert Camus dédiée à son instituteur au moment où il reçoit le prix Nobel. C’est un texte magnifique sur l’éducation ; sur ce que l’on reçoit et ce que l’on peut rendre à un moment donné. C’est un échange, l’éducation, et c’est ce que fait Camus en remerciant en premier lieu son instituteur au moment où il reçoit ce prix prestigieux. C’est un des plus beaux textes qui soient sur l’éducation.
Vous êtes l’auteur d’un des volets du documentaire « Paroles d’Etoiles », quels souvenirs de cette expérience de réalisateur?
C’est une expérience très forte pour moi car j’ai recueilli les témoignages d’enfants déportés qui sont aujourd’hui âgés , mais qui sont toujours des enfants dans leur vision de cette époque-là; ils étaient obligés de se cacher parce qu’ils étaient traqués -parce que juifs- par les nazis et les français. J’ai appris beaucoup sur mon pays, sur cette époque , sur mon époque car c’est quelque chose qui est encore palpable. L’émotion était très forte et j’ai pu essayé de comprendre. Je parle d’ailleurs de transmission dans ce documentaire avec une scène qui se passe dans une école avec une classe.
Quels sont les ingrédients indispensables à tout bon documentaire selon vous?
On voit beaucoup de reportages à la télé ( certains sont biens) mais on voit peu de documentaire car le documentaire demande une démarche ,une réflexion, une construction, un cheminement et nécessite du temps. Je constate qu’on voit de moins en moins de documentaires et davantage de reportages qui sont des choses beaucoup plus immédiates, moins construites, moins structurées. Je le regrette un peu, j’aime beaucoup le documentaire comme les films de Raymond Depardon par exemple.
Comment expliquez-vous ce recul du documentaire par rapport au reportage?
C’est l’époque, la politique de consommation que l’on en fait…. et parce que, pour rentrer dans un documentaire, il faut se prendre par la main, il y a des personnages, une histoire qui est racontée : ça demande un effort d’attention, souvent il n’y a pas de voix off ; on ne vous mâche pas le travail en tant que spectateur. Le documentaire a été conçu pour que vous ayez une place dans cette histoire, dans ce qu’on vous montre, et que cette place soit active, pas passive. On ne vous passe pas une moulinette et vous vous contentez de recevoir des visions; vous avez votre propre tri à faire, votre propre point de vue à défendre. Ce travail demande un effort supplémentaire et l’on est dans une époque qui n’aime pas ce type d’efforts. Ensuite, c’est une question de budget: pour un documentaire, il faut repérer , travailler en amont et travailler souvent pendant longtemps. Par exemple, dans le film de Nicolas Philibert, « Etre et avoir », le travail est énorme: celui de repérage pour trouver l’école, de tournage pendant une année. La disponibilité est conséquente. Ce sont des budgets qu’on ne peut pas avoir en télévision car le budget est très réduit. C’est donc aussi un problème de financement du documentaire qui explique ce recul du documentaire.
Vous êtes également l’auteur du documentaire « Eclats de Cendrars » : y avez-vous fait un travail de « biographe », d' »autobiographe » vis à vis de votre grand-père maternel?
Je suis allé à la recherche de ce qu’il aurait pu me transmettre et qu’il ne m’a hélas pas transmis car il est décédé lorsque j’étais très jeune. A travers le dialogue avec ma mère et le retour sur des endroits où il a vécu, je retrace des « éclats » de sa vie. On peut pas résumer sa vie dans un documentaire d’une heure, c’est trop riche et trop vaste. Ce sont quelques bribes de sa vie. J’essaie de retrouver le personnage à travers ces lieux et ces voyages.
Quels sont vos projets en cours? La vérité si je mens 3 est sorti en février 2012…
Alors, oui, il y a eu La vérité si je mens 3 et puis là, je suis en travail d’écriture sur plusieurs projets. C’est un processus long, la fiction, qui demande de passer par le scénario. Ecrire un scénario original est un travail complexe et je suis donc dans cette phase-là…
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