Virginie Teychené - Bright and Sweet

Virginie Teychené : Le Jazz des mots et du langage

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Par Nicolas Vidal – bscnews.fr / Lorsque Virginie Teychené fait le lien entre les mots, le langage et la musique, nous n’avons aucun mal à la croire. « Bright & Sweet» ( Harmonia Mundi) déclenche en nous une excitation agréable et légère pour laquelle on se surprend à butiner au gré des 17 chansons de l’album qui se dégustent avec un air gourmand. « Papillonner autour de l’album », voilà le souhait de Virginie Teychené que nous vous conseillons d’honorer à sa juste valeur.

propos recueillis par

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Pourquoi avoir choisi d’enregistrer un album avec un côté classique et un autre plus « moderne » ?
Il s’agissait au départ essentiellement de consacrer l’album aux textes écrits par des chanteurs de jazz : Abbey Lincoln, Billie Holiday, Betty Carter, Jon Hendricks, Eddie Jefferson, etc. Puis la sélection des thèmes en fonction de ce critère a abouti au constat que nous avions de la matière pour deux albums ou presque… Nous avons au final décidé de tout réunir sur un seul. Il s’agit donc d’un voyage dans le jazz au travers des mots aussi bien que des styles; mais avant tout de jazz !

Comment vous est venue l’idée de faire un album sur des chanteurs auteurs ?
François Chassagnite (le trompettiste qui apparaît sur le deuxième album et qui hélas nous a depuis brusquement quittés) m’avait fait redécouvrir Abbey Lincoln ; l’idée avait donc germé d’enregistrer un album qui lui serait consacré. Mais lui rendre hommage en reprenant seulement des chansons qu’elle avait chantées me paraissait peu pertinent. Abbey a également écrit de nombreux textes, et je m’intéresse depuis toujours à la littérature, à la langue et aux langages ; l’idée de l’écriture est alors apparue tout naturellement : j’ai commencé à regarder de plus près les textes d’Abbey, ce qui m’a rendue curieuse d’autres chanteurs.

Qu’est-ce qui vous a plus dans cette idée ?
C’est l’idée de se rapprocher le plus possible de ces auteurs-interprètes ; de chanter leurs mots, ceux qu’ils avaient patiemment choisis, aussi bien pour leur sens, leur proximité, que pour leurs sonorités ; d’explorer en quelque sorte leur univers en passant par le langage, la musique de leurs mots. Et d’y mêler ma voix, un peu comme s’ils chantaient à travers moi comme je chante à travers eux.

Comment avez-vous choisi les titres ?
L’exploration du thème de l’écriture s’est poursuivie pendant plusieurs mois, plus d’une année il me semble. J’ai consulté les sites français et américains (SACEM/ ASCAP, etc…) permettant de connaître les textes que les chanteurs que j’affectionnais avaient écrits. Cela m’a conduite à m’intéresser à des auteurs-interprètes que je connaissais peu en fin de compte: Joni Mitchell, Betty Carter ou Peggy Lee par exemple. Je suis allée un peu tous azimuts au départ, et le choix s’est peu à peu resserré ; j’ai sélectionné les textes qui me plaisaient, les thèmes qui me séduisaient également par leur mélodie, leur rythme.J’en ai écouté un très grand nombre et ai finalement gardé ceux qui me correspondaient le mieux. Puis nous les avons joués ensemble (Gérard Maurin ; Stéphane Bernard et Jean-Pierre Arnaud) et avons exploré des voies différentes ; Gérard a écrit les arrangements. Pour l’enregistrement, nous avions une vingtaine de titres prêts à être joués.

Qu’appréhendiez-vous le plus avant l’enregistrement ?
Il n’y avait pas de réelle « appréhension » avant l’enregistrement, plutôt une grande excitation. Enregistrer est toujours une aventure, ce que doit rester la musique d’une manière générale. On se prépare bien avant, et ensuite, la magie opère (enfin, on l’espère !). La rencontre avec Éric le Lann a par exemple contribué à des moments d’une grande intensité qui s’entendent je pense sur l’album. Le choix de n’enregistrer que peu de prises pour chaque titre contribue aussi à garder une certaine spontanéité.

Quel a été le gros du travail ? Les arrangements ou le chant ? Ou l’alchimie des deux ?
Il n’y a pas de compartimentation dans notre travail ; on se rencontre, on met la musique en mouvement, on expérimente, et on voit ce qui se passe. La voix étant l’instrument soliste essentiel de ce groupe, c’est elle qui donne la ligne directrice de ce que sera chaque morceau à la fin. Les arrangements initiaux évoluent la plupart du temps à partir d’idées qui ont germé durant les « répétitions ».

Pensez-vous que le Jazz soit la porte secrète vers l’intimité de chacun ? Ainsi, est-ce que la meilleure façon de découvrir l’individu qui se cache derrière l’artiste passe par la musique ?
Il me semble qu’il n’y a pas de dualité «individu/artiste », comme deux entités qui s’opposeraient au sein du même être. Toute forme d’art (la musique comme la peinture, la poésie, la danse, etc…) permet à chaque artiste d’exprimer ce qu’il ne parvient pas ou ne souhaite pas formuler avec le langage courant. Il crée en émettant d’autres « signes », que le «public » reçoit. Mais ce qui est créé donne lieu de toute façon à une interprétation ; une fois exposé, le sens de son « oeuvre » échappe à son créateur, chacun le reçoit en fonction de sa propre histoire.

Pouvez-vous nous donner les clés du nom de votre album  » Bright and Sweet » ?
L’album étant composé de textes écrits par des chanteurs, je souhaitais que son titre soit issu d’un de ces textes. « Bright and sweet » sont deux adjectifs qui apparaissent au sein de paroles de «Goodbye Pork Pie Hat » de Joni Mitchell et Charles Mingus (plage 6 de l’album). Deux adjectifs qui symbolisent assez bien ce que j’aimerais que soit la musique de cet album ; lumineuse et douce. Même dans les textes sombres, la lumière est toujours présente. C’est le privilège qu’a l’artiste de pouvoir transformer, transcender le réel, quel qu’il soit. La littérature et la poésie en particulier en sont l’exemple le plus évident pour moi, mais toute forme d’art y aspire. Deux adjectifs qui évoquent aussi divers sens : la vue, essentiellement, pour «Bright» ; le toucher, le goût, l’ouïe voire l’odorat pour « sweet », ce qui suggère la vision de la musique comme un art faisant appel au corps tout entier.

Qu’est ce que vous aimeriez intimement que le public éprouve à l’écoute de cet album ?
Je ne pense pas que l’on puisse écouter un album d’une traite, sans s’arrêter. J’aimerais que chaque auditeur papillonne autour de l’album, qu’il butine chaque titre tour à tour, et qu’au final il ait éprouvé une grande variété d’émotions et se sente plus léger.

Où pourra-t-on vous voir en concert dans les prochaines semaines, Virginie Teychené ?
16/01/2013 au Duc des Lombards (avec Éric Le Lann) – Festival French Quarter- 10/03/2013 à Luchon (en duo avec Gérard Maurin à la guitare et à la contrebasse) 22/03/2013 à Angers (invité : Olivier Bogé ) 12/04/2013 à la Seyne sur mer – Nos dates de concert sont régulièrement mises à jour sur le site internet wwww.virginieteychene.com

13 et 14 novembre 2015 : Virginie Teychené – Théâtre Sortie Ouest – Béziers 34

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