Bruno Geslin met en scène la vie et l’oeuvre du sulfureux Pierre Molinier
Propos recueillis par Julie Cadilhac–bscnews.fr/Photo-Richard Volante/ Bruno Geslin est un homme d’image et de théâtre.Tantôt réalisateur, tantôt concepteur d’images vidéo pour des spectacles dramatiques, il crée en 2006 sa propre compagnie, La Grande Mêlée, avec Danièle Montillon et met en scène Mes jambes si vous saviez quelle fumée… d’après Pierre Molinier et Je porte malheur aux femmes mais je ne porte pas malheur aux chiens d’après Joêl Bousquet et avec Denis Lavant.
Depuis 2011, la Compagnie est installée à Nîmes suite à six ans de travail régulier dans le Languedoc-Roussillon. La même année, Bruno Geslin crée Dark Spring qui est en tournée sur cette saison. En 2012, il choisit de faire une reprise de Mes jambes si vous saviez quelle fumée...dont l’adaptation théâtrale est née d’après les entretiens, réalisés en 1972, de Pierre Chaveau avec Pierre Molinier. Cette pièce s »inspire de l’oeuvre et de la vie de ce photographe, peintre et poète français suicidé à l’âge de 76 ans qui a laissé en pied de nez pour mot d’adieu : « Je me donne volontairement la mort et ça me fait bien rigoler ». Être excentrique à l’excès, Pierre Molinier est surtout connu pour ses tableaux érotiques et ses photomontages : des mises en scène de son propre corps, le travestissant à l’envi et dans lesquels s’expriment notamment son fétichisme des jambes et son culte de l’androgynie. Ecoutons Bruno Geslin nous parler de son « coup de foudre » pour cet artiste subversif et insoumis.
Mes jambes, si vous saviez quelle fumée …est un spectacle d’abord autour d’une oeuvre, celle de Pierre Molinier : qu’est-ce qui , dans le travail de ce photographe, vous a donné envie de créer une pièce?
Je dirai dans un premier temps le trouble que son univers photographique a provoqué chez moi, une sorte de tremblement complètement irrationnel, indéfinissable qui ressemble à s’y méprendre au sentiment qui peut vous envahir lors d’une première rencontre amoureuse. Et par la suite la découverte d’un personnage hors-normes, drôle, irrévérencieux,malicieux,incontrôlable , et ce qui ne transparaît pas forcement immédiatement dans ses photographies :un être d’une extrême douceur.
Qu’est-ce qui est caractéristique de son oeuvre? Avez-vous compilé une liste d’éléments indispensables (et à décliner ) pour aborder la représentation?
La liberté. Ce qui a été central durant tout le temps de la création c’est la question du désir, que les corps vibrent en permanence, qu’ils ne soient pas des natures mortes et qu’en allant à la rencontre des obsessions de Molinier, les notre se révèlent.
Vous définissez l’artiste comme sorcier et fétichiste mais aussi « provocateur, obsessionnel, sulfureux, colérique, subversif, déterminé et insoumis »…lorsqu’on a affaire avec un personnage aussi excentrique et singulier, a-t-on au départ peur d’en faire trop…ou pas assez?
« la peur dévore l’âme » comme dit Fassbinder et la notion de trop n’existe de toute façon pas chez Molinier.
Vous êtes réalisateur et metteur en scène et avez utilisé souvent des séquences vidéos pour vos précédents spectacles théâtraux : ce sera aussi le cas pour « Mes jambes si vous saviez, quelle fumée…. »? Y montrez-vous des séquences avec l’artiste et ses oeuvres…. ou avez-vous choisi d’en reproduire la substantifique moelle sans montrer au spectateur l’oeuvre originale?
L’image dans mon travail au même titre que le texte fait parti de la construction du spectacle. Elle est, à part égal, déclencheur de mon imaginaire, de mon écriture. Depuis le début je ne voulais pas utiliser les photographies de Molinier mais donner envie à chacun de les découvrir ou de les redécouvrir comme il le désire dans une rencontre intime avec Molinier. L’esprit, l’univers traverse le spectacle j’espère, mais pour le voir « en vrai » ,il est conseillé de prendre rendez vous avec les rares galeries ou les musée qui l’exposent.
Cette version du spectacle est une reprise d’une première mise en scène….qu’est-ce qui a été modifié? Avec le temps, on perçoit les choses différemment et on les monte différemment?
Disons plutôt que c’est une continuité: rien ne change et tout se transforme. Nous espérons bien avec l’un des acteurs du spectacle : Pierre Maillet, le jouer jusqu’à nos soixante dix ans… Qui vivra verra !
Depuis 2011, vous êtes installé à Nîmes avec votre compagnie La grande Mêlée : pourriez-vous nous présenter les comédiens que vous avez choisis pour ce spectacle et nous expliquer cette sélection?
Ce sont des amis d’abord, nous travaillons ensemble depuis longtemps, nous nous comprenons et nous partageons des valeurs, des sensibilités, peut être une approche du théâtre, mais nous n’en parlons jamais.
Lors des représentations de la première version du spectacle, quels retours du public? Une anecdote à raconter?
L’un des moments les plus émouvants dans l’histoire de ce spectacle, c’est quand des gens proches de Molinier ont eu l’impression de retourner dans son « atelier » et de le retrouver lui en chair et en os, le temps de la représentation.
Titre: Mes jambes si vous saviez quelle fumée…
Mise en scène: Bruno Geslin
Inspiré de l’oeuvre photographique et de la vie de Pierre Molinier
Dates des représentations:
Les 2 et 3 octobre 2012 au Théâtre de Nîmes
Du 23 au 25 octobre 2012 au Théâtre des 13 Vents -CDN de Montpellier
Le 14 mai 2013 à Mende/Scènes croisées de Lozère
Du 12 au 30 juin 2013 au Théâtre de la Bastille à Paris
Le 3 décembre 2013 à 20h30 au Théâtre des chalands, Val de Reuil
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