Aviator

Paolo Guido: des mythes et de l’été

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Propos recueillis par Julie Cadilhacbscnews.fr / / © Paolo Guido / Nous partons donc pour l’Italie et Rome et ce n’est pas pour nous déplaire au coeur de l’été ! En chemin, nous avions envie de bavarder avec Paolo Guido à propos de son travail d’illustrateur numérique. Si vos pas vous portent dans la ville de Romulus et Rémus, n’hésitez donc pas à faire un tour à la Dorothy Circus Gallery où l’artiste expose jusqu’à fin juillet en compagnie de nombreux noms prestigieux du mouvement pop-surréaliste contemporain ( dont Ana Bagayan,Leila Ataya et Nicoletta Ceccoli que nous avons déjà reçues dans le magazine) .

propos recueillis par

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Fortement imprégné de mythologie, l’univers du dessinateur est aussi esthétique que porteur de sens. Place donc à ses mots – éclairants et qui ne manquent pas d’humour – à propos de sa «philosophie illustrative » !

Vous êtes un illustrateur numérique… Pourriez-vous définir ce type d’illustration?

En fait, je n’ai pas une formation artistique proprement classique. Je suis ainsi peu enclin à donner des définitions. J’ai une approche très intuitive pour mes travaux. Je me limite à connaître la propriété des pixels. À la limite , je peux vous dire combien de pixels peuvent être contenus dans un tube de couleur.

Pourquoi avez-vous choisi cette technique pour peindre? Cela fait contraste avec le sujet de vos tableaux, non ?
Cela peut paraître superficiel, mais jusqu’à maintenant je me réjouis de la présence d’un ordinateur chez moi tant qu’il ne prend pas trop de place. Une technologie froide n’exclut pas la passion pour l’art du passé.

Est-ce que vos sujets sont toujours des enfants? Exprimez-vous une sorte de nostalgie pour les chérubins qui peuplaient les nombreuses peintures de la Renaissance?
Je ne suis pas sûr qu’ils soient des enfants. Formellement, ils le sont mais ils ont une force qui est propre à celle de l’adulte. Je leur souhaite de ne pas tomber dans la nostalgie parce qu’ils viennent pas de chez elle.

La toile de fond est souvent « monochrome », atmosphérique… pour mettre en valeur le sujet?

Oui, cela peut être une manière de donner plus d’ « air » au sujet. Qui ne voudrait pas être arraché à l’étreinte de l’espace spatio- temporel?

« Aviator » est un Petit Prince de Saint-Exupéry qui laisse flotter au dessus de sa main gauche une planète étrange, nous trouvons la même étrangeté chez « Viator »: est-ce un clin d’oeil à Hayao Miyazaki?
Quelqu’un m’a récemment fait remarquer que beaucoup de dieux, sujets de mes peintures, ne posent pas les pieds sur terre. Cette question – avoir les pieds sur terre , c’est à dire être plus réaliste- est ce que j’essaie d’appliquer à ma vie depuis quelques années. Les points fondamentaux du « genre flottant » m’intéressent de façon générale ….de John Boorman de « Zardoz » à la Diana Wynne Jones du  » Château dans le ciel » ( livre qui a donné le sujet du film de Hayao Miyazaki) mais je ne pourrais jamais me permettre de faire un clin d’oeil à un de ces grands en question. Ils pourraient me tomber à l’improviste sur la tête. Je les observe donc à distance.

Est-ce que Titor est un petit Hercule? » Un enfant du futur envoyé sur la planète Mars après que la Terre ait rendue son dernier souffle? Est-cepaolo guido l’ambition de vos peintures: faire naître des histoires dans l’imagination du lecteur? Dans ce sens, pourrait -on dire que vous êtes surréaliste?
Vous êtes la seconde personne qui me parle de « Titor » comme d’un petit Hercule. il y a quelque chose de vrai là- dedans sur laquelle il faudra que je me renseigne. « Titor » tire son inspiration du personnage à l’identité jamais révélée, qui se faisait appeler John Titor, et se déclara – d’octobre 2000 à mars 2001- sur des forums internet, voyageur temporel. Titor s’inspire de renseignements trouvés sur le blog de ce John Titor et d’une pensée intéressante sur l’attente de Maurice Blanchot ( resté à la base). Voilà que je m’imagine pouvoir partir de ce travail pour commencer à poser les pieds sur terre; être plus concret, sans retard, croiser les jambes et me révéler à moi même qu’un art puissant est celui qui produit une oeuvre libérée du drame d’être un sujet, quelque chose qui vit et qui ne craint ni le passé ni l’avenir, générateurs d’histoires et d’autres arts. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si aujourd’hui « Titor » fait la couverture de l’album « Tradition Électrique » du duo italien Baldi/ Faggella, un produit musical intéressant qui conjugue l’avant-garde avec le classique.

Est-ce que ça se rapproche du surréalisme? L’ambition du surréalisme, historiquement, a été celle de vouloir explorer le monde spirituel, il y a pénétré comme aucun mouvement ne l’avait fait auparavant, assurément, mais( de mon point de vue)) il l’a fait sans coordination des mouvements, en ignorant les pulsations régulières, en méconnaissant le fait que le monde a un coeur et qu’il y a des petites règles qui doivent être respectées. Il s’est révélé un cadavre exquis … mais pour toujours un cadavre.

Vos illustrations sont fortement imprégnées de la mythologie grecque et latine… si vous deviez citer un mythe qui vous plaît particulièrement, lequel serait-ce?
Je m’intéresse à la narration mythologique plus qu’à toute autre. Elle semble enchaînée, chaque mythe n’existe pas en lui-même ; oui, on peut l’isoler et le réduire à un récit simple mais ce qui le rend « présent», c’est son prologue /épilogue et sa continuation dans le mythe suivant. Contrairement aux Ecritures où le Christ est au centre et est le paradigme de chaque narration, dans la cosmogonie grecque le meilleur des dieux de l’Olympe observe les luttes intestines de ses sujets, et tout tourbillonne chaotiquement autour … il n’est donc pas étonnant que Jupiter souffrit de migraines et que Minerve soit sorti de son crâne. Les Métamorphoses d’Ovide sont exemplaires pour comprendre comment cette concaténation se produit: Narcisse est résolu par Persée. Le mythe de Narcisse est d’une grande «utilité» parce qu’il est toujours fortement d’actualité dans la culture occidentale…mais vous observerez comment le «stagnation»/ «observation ( miroir)» qui conduit Narcisse à la perte d’identité se transforme dans le mythe de Persée en bouclier /miroir qui lui permet de vaincre et de ne pas être pétrifié par Méduse. Cette question est pour moi d’un grand intérêt!

Pour votre triptyque «Even», on croit reconnaître dans les figures de droite et de gauche des attributs divins: le thyrse de Dionysos, le sablier de Lachesis, la Parque du destin fatal, les cornes et la flûte de Pan. Est-ce que vous pouvez nous parler de la genèse de cette image?
En ce qui concerne “Even” (en italien, si l’on regarde en miroir le mot on obtient le mot «Neve», la neige) il y a au centre de son esthétique une légence chrétienne (le miracle de la Sainte-Vierge ( Sainte- Marie Majeure, le miracle de la Neige ), mais si l’on observe plus attentivement le noyau , on constate qu’une polyphonie merveilleuse tourne autour qui révèle comme la vraie origine que l’on retrouve dans les cultes païens de la fertilité.

Et les étapes de sa création?
Le triptyque “Even” a été réalisé à l’occasion de l’exposition « Would you be my Miracle? » et les délais ont été serrés (peu de semaines). L’élaboration s’est déroulée et a progressé avec tous les risques que l’on prend quand on doit finir à l’heure, à l’échéance. La question du temps limité, elle apparaît comme une présence symbolique avec le sablier , mais je voulais aussi qu’elle n’interfère pas trop…les mots magiques ont été « hâte-toi lentement». Durant le travail est née en moi une certitude… l’artiste doit peindre dans « une sorte de rêve» , comme immergé dans un songe… mais avec l’alarme du bureau à ses côtés…

TitorVous exposez régulièrement à la Dorothy Circus Gallery: en êtes-vous un membre actif?

Oui, mes travaux sont actuellement exposés à la DCG. Mon apparition dans “Would You Be My Myracle?”était plus un «teaser show» ( Ray Caesar et Nathalie Shau étaient les deux artistes au centre de cette exposition).

Vous allez participer aussi à une exposition collective (du 14 au 20 juillet) intitulée “Green Blood”: pourriez-vous nous dire un mot à ce sujet?
“Green Blood” est née avec une intention charitable envers une Nature qui semble avoir été oubliée. Je tiens à remercier le commissaire Alexandra Maher (qui est également propriétaire de la Dorothy Circus Gallery) de m’avoir impliqué dans le projet et pour son excellent travail qui a rendu cela possible. La Dorothy est aujourd’hui l’une des galeries les plus populaires en Italie et dans le monde entier grâce à la passion (sang et lymphe) de celle qui la gère. Ce « Sang Vert » peut se vanter d’avoir la présence de grands noms du Pop Surréalisme. Je crois que ce sera une exposition unique en son genre.

Quel travail présenterez-vous pour cette exposition?

“Bringing It All Back Home” un retour aux origines puisque c’est un « travail » effectué avec la pointe métallique (argent et cuivre) sur du papier préparé. Restaurer tout à la maison est un devoir que Mère Nature a exécuté jusqu’à présent…mais maintenant c’est à chacun de nous de poursuivre.

Quel(s) projet(s) pour ce deuxième semestre 2012? A quand une exposition en France?
Je prépare en ce moment mon premier artbook, avec une exposition personnelle à la clé qui se tiendra à Rome début 2013. Au jour d’aujourd’hui, je ne vois pas encore l’heure de pouvoir exposer en France.

Paolo Guido exposera à la Dorothy Circus Gallery du 23 février au 2 avril 2013 !

www.dorothycircusgallery.com ( Rome)
www.dorothycircusgallery.comDorothy Circus Gallery (Courtesy)

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