Illustration: Nicoletta Ceccoli, entre beauté et cauchemar

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Propos recueillis par Julie Cadilhac – Il est des êtres dont les créations vous émeuvent profondément. Nicoletta Ceccoli est une illustratrice-peintre de cette matière-là. Les jeunes femmes opalines qu’elle dessine sont aussi inquiétantes que merveilleuses. A mi-chemin entre douceur et cruauté, ses sirènes ne manquent pas de grâce. Chaque oeuvre de l’artiste est une porte extraordinaire vers un univers de tous les possibles. Un monde ambivalent où les princesses ne sont plus soumises, les sorcières ont des visages angéliques et l’animal, le végétal et l’humain s’embrasent pour former de drôles de créatures fascinantes. Pas étonnant donc qu’une Reine de l’imagination comme Nicoletta Ceccoli ait vu son art consacré dans un ArtBook, Beautiful Nightmares. Rencontre avec une jeune femme spontanée et passionnée, accueillante et passionnante……accompagnée d’un portfolio de ses divagations dont vous sortirez assurément charmé. Un artbook, c’est une reconnaissance dans le milieu artistique touchante, non? Oui, qu’on m’offre la possibilité de créer ce livre d’art avec mes illustrations personnelles a été une belle récompense. Je ne m’attendais pas à une telle opportunité… Quand Barbara Canepa, la directrice artistique du label Venusdea m’a proposé de créer cet Artbook, cela a sonné comme un rêve. Je remercie Barbara et Soleil (l’éditeur) pour leur confiance. Ils me donnent la chance de partager avec d’autres mon monde personnel, au moins avec tous les gens qui seront intéressés par la découverte de cela par le biais de ce livre. Je sais que j’ai eu de la chance! Beautiful nightmares, le titre de votre artbook, cherche-t-il à exprimer votre propension à dessiner dans un cadre onirique? J’ai choisi ce titre parce que j’ aspirais à réunir les deux « âmes » de mon travail: la beauté et le cauchemar. Je constate souvent que mes images sont appréciées pour leur apparence de confiserie agréable mais j’ai tendance à toujours y ajouter un peu d’allusion au danger que s’oppose à ce calme apparent et cette douceur. Petite, vous aimiez les bonbons, les jolies robes et la magie? Du plus lointain de mes souvenirs, j’ai aimé toutes ces « choses de filles » . J’ai été élevée dans une région où je me souviens que nous avions desAdagia - Nicoletta Ceccoli animaux agréables, des pigeons, des poulets, des corneilles apprivoisées. Mon Père aime des animaux. C’est un artisan qui travaille le bois et il est la partie créative de ma famille. J’ai passé mon enfance à dessiner , à créer des objets, des jouets, objets faits de mes mains dans son laboratoire. Ma mère était institutrice et je me souviens qu’elle m’entourait toujours de beaux livres d’enfant. En grandissant j’ai continué simplement à acheter des jolies choses parfumées d’amour. Aujourd’hui, cela fait 15 ans que je travaille comme illustratrice de livres pour enfant. On trouve beaucoup d’animaux étranges où s’accrocher, à chevaucher, pour bavarder….d’où vient ce goût des monstres? Je pense que les monstres ont toujours séduit . Ils sont plus intéressants à peindre que les créatures communes. Nous avons une attraction/répulsion spéciale pour tout ce qui nous fait que nous craignons .C’est pourquoi l’horreur dans les films et la littérature est si populaire. J’aime ce genre aussi. Pour remonter plus loin dans le temps, j’ai un amour particulier pour les créatures mythologiques et les bestiaires médiévaux comme celui du naturaliste Ulisse Aldrovandi du 15ème siècle; ce dernier m’a beaucoup inspiré visuellement. Il a créé une encyclopédie pleine d’ animaux/monstres réels et imaginaires . Dans ce cas, l’illustration scientifique était une vraie forme d’art. Travaillez-vous sur la symbolique?Vos images ont-elles un sens psychanalytique? J’ai un amour particulier pour le surréalisme et le symbolisme dans l’art mais quand je crée ou pense à une idée, je préfère ne pas être vraiment consciente d’explications psychanalytique que l’on pourrait trouver derrière ce que je fais. Je préfère suivre une inspiration libre , la suivre comme un rêve. Après qu’une pièce est finie, je vois bien qu’on peut y trouver des significations cachées mais je préfère laisser celles-ci aux interprétations libres de chacun comme je ne suis pas accrochée à une réponse seulement . Des explications ôteraient le mystère des images. Beaucoup de princesses…un complexe de Cendrillon? Je n’ai jamais pensé à cela; mais c’est une possibilité si vous voyez cela dans mes peintures. Mais une de mes princesses, Contrary Marie, est le portrait d’une princesse qui ne semble pas avoir besoin d’un prince pour être sauvée. Elle est même le monstre dont le prince a besoin de se protéger. Sheryl - Nicoletta CeccoliPourriez-vous m’expliquer de quelle façon vous travaillez? Je représente d’abord un personnage brut et rassemble ensuite les documents nécessaires pour le dessiner. Lors de ce travail de collecte, les idées changent mais une peinture concrète précise ensuite le contenu. Seulement des filles dans votre recueil: pourquoi? Explorerez-vous bientôt la beauté mystique des garçons? Je sens que ces images sont toutes des portraits de moi, de mes craintes .Beaucoup de gens disent aussi que ces princesses aussi me ressemblent du point de vue du visage. C’est probablement parce que c’est le visage que je connais le mieux. Expliquez-nous votre chapitrage: A-t-il été facile de classer vos oeuvres? Je pense que cette idée de diviser en chapitres était utile pour donner une structure au livre, mais toutes les images ont une humeur commune.. De toutes façons, je me suis rendue compte qu’il y avait quelques sujets récurrents comme la présence de jouets animés dans certains et des insectes/animaux ou des fleurs / des fruits dans d’autres alors j’ai décidé de les diviser dans des sections comme  » le fruit défendu »,  » des enfants dans le pays des jouets » ….cinq sections en tout. Treegirl, Adagia, Eliza on the shore, Angelica….. autant d’enfants différentes mais un visage commun, teint diaphane et yeux clairs: pourquoi?
Je peins souvent des filles qui ont une apparence délicate, pâle et fragile, mais sous la surface, se cache la cruauté . j’aime réunir ces deux côtés, la Belle et la Bête, lorsque le regard est pâle délicat et fragile, il a aussi un côté caché qui est monstrueux. Vous pouvez voir cela dans beaucoup de mes pièces comme dans  » seek and Hide » où une fille blonde pâle cache des jambes félines.. Les filles dans mes peintures expriment une nostalgie délicate. Vanité ou fragilité, cruauté et beauté simultanément .. je sens ces filles, comme mon autre moi à cheval entre l’enfance et le monde adulte… peut-être parce qu’à l’intérieur de moi, je ne ne sens pas une adulte encore.
Vous jouez avec les formes, vous transformez une tête en ballon, une jupe et ses jambes en arbre etc…on pourrait parler de paronymie illustrative, non?
Oui, pourquoi pas… c’est vrai que , souvent, les images que je fais naissent d’un jeu que je fais avec les formes et les mots. Racontez-vous aussi des histoires en mots? Pourrait-on connaître celle de « The Ice Princess »?
Derrière cette image, il y a une histoire d’une princesse dont le mari n’a pas pu toucher ses sentiments. Il a essayé par beaucoup de voies mais ne peut pas trouver un moyen de la laisser exprimer ses sentiments . J’ai voulu peindre un hiver de sentiments avec cette fille prise au piège dans une tour de glace. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours artistique ?
J’ai suivi une école d’art située à l’intérieur du palais ducal d’Urbino, du 15ème siècle, en Italie…. Un lieu magique où le temps semble s’ arrêter. Ma passion pour l’art classique vient de l’air et de l’art que j’ai respiré là … où sont aussi prisées quelques peintures du peintre que j’aime le plus, Piero Della Francesca. La ville entière d’Urbino est un musée en plein air, tout est … antique, éternel. Mon intérêt pour illustration s’est révélée naturellement dans cette école d’art dès mes premières années scolaires.
J’ai toujours ressenti le désir de raconter des histoires avec mes illustrations, de créer mes propres mondes pour vivre d’autres vies, différentes et plus magiques que la réelle.

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