Le bestiaire merveilleux de Raoul
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Crédit-Photos Richard Haughton/ Embarquement immédiat pour une destination onirique ! Haut les coeurs, les voiles sont hissées! Où sommes-nous? Qui est cet être solitaire qui semble avoir échoué, là, sur ce radeau? Qui est ce Raoul qu’il appelle? un double de lui-même? Un fantôme du passé? Une chimère? Tout et rien à la fois? Une ombre, celle d’un comédien fanfaron?
Un personnage qui refuse de quitter la scène? « Homme sans fond ni couvercle. Seule la solitude connaît sa mélodie. Son espace, son temps se remplit de ce qu’il est..Et de ce qu’il n’est pas, car personne ne le regarde. Sauf au théâtre. (….) Je voudrais créer un personnage théâtral dans le sens noble du terme, donc intemporel », voilà ce que nous en dit l’auteur. Sur le plateau, James Thiérrée impose une douce folie peuplée d’un bestiaire étrange, d’une architecture brinquebalante faite de bois et de métaux, de rencontres sonores et visuelles fantasmagoriques. Il faut, semble-t-il, ne pas aborder ce spectacle polymorphe du côté de la raison mais davantage par l’émotion qui dévaste tout. « James Spencer Henri Edmond Marcel ,surnommé mimouche crouticroutehanneton pensou » quand il était haut comme trois pommes, nous propose une aventure sensorielle clownesque où seul le goût n’est pas sollicité à toute berzingue: ainsi les bestioles imaginées par Victoria Thiérrée offrent un ballet mouvant hypnotique et la variété des matériaux et tissus qui les composent font fourmiller les doigts d’envie de les toucher; le son de Thomas Delot tantôt entête, parfois caresse et se marie toujours à la perfection aux élucubrations scéniques de ce va-nu-pieds perdu dans un monde étrangement hostile. James Thiérrée est un « performer » époustouflant tant il déploie une incroyable énergie qui percute les murs, qui secoue tous ses membres et invite son corps à des contorsions et pas de danse remarquables. Une énergie telle qu’elle le propulse même dans les airs et fait de lui un oiseau atypique et fantasque. Illusioniste, comédien, danseur, joueur de violon, acrobate, c’est un artiste qui a assurément – ce n’est plus un secret pour personne – hérité du génie de ses parents, Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thiérrée, créateurs du Cirque Invisible et de son grand-père Charlie Chaplin. Homme-miroir, homme-cadre, homme-cheval, homme-oiseau, homme-toupie, homme-électricité, ses métamorphoses imprévisibles ne s’embarrassent que de peu d’artifices et en sont d’autant plus méritoires. Un très léger bémol? Quelques longueurs aux entournures, des minutes de flottement qui dispersent la concentration et que l’on justifiera peut-être par la nécessité qu’ont les poètes de prendre leur temps. James Thiérrée laisse mûrir ses effets, invite à la contemplation lorsque l’action patine légèrement dans des effets de répétition. Raoul est cependant un moment de grâce théâtrale auquel James Thiérrée convie avec ces mots: « Il faudra que tout cela se précise dans votre tête un soir, et non dans la mienne, et que ce sentiment précis n’ait pas de nom, afin que vous puissiez en inventer un. (..)le moment venu, ni vous ni moi n’en possédera la clef. C’est l’essentiel. Car je ne contrôle rien. Mais réellement rien ne nous contrôle. Je l’espère… » (James Thiérrée).
Titre: Raoul
Mise en scène et interprétation de James Thiérrée
Costumes, bestiaire: Victoria Thiérrée
Son: Thomas Delot
– Au Printemps des Comédiens ( Montpellier) du 5 au 10 juin 2012
– A la Tohu – Montréal ( Canada) du 3 au 12 septembre 2012
– A HELSINKI (FINLANDE) – Helsinki Festival – National Opéra
du 15/08/2013 au 17/08/2013
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